samedi 10 mars 2007

De la maitrise du petit déjeuner

De la maîtrise des expérimentations lors du petit déjeuner pour définir quelques stratégies d’entreprise ou … optimiser les annonces en période électorale
!

Il existe dans la journée des moments particulièrement importants. Le petit déjeuner fait partie de ceux-ci car il représente une transition étonnante et quotidienne entre le calme serein des bras de Morphée et l’agitation associée au Phébus naissant.

Instant privilégié précédant les intenses négociations de la salle de bain entre :
- les impérieuses nécessités du rasage d’une barbe de 8 heures (monsieur) et,
- les besoins naturels d’un maquillage subjuguant (madame)

Instant privilégié avant la gestion de crise d’emploi du temps due:
- aux petits tombant malades le jour d’une réunion de première importance
- aux ados ayant manqué le transport scolaire
- à la voiture refusant de démarrer pour cause de gel nocturne intense. (le choix n’est bien évidemment pas exhaustif !)

C’est pour cela que j’aime bien le petit déjeuner ! Plus tout à fait au ralenti, mais pas encore speedé, il semble être un îlot de tranquillité, de calme et de volupté. Serait-il ainsi l’instant de « zenitude » où tout est régi par des règles simples, immuables et maîtrisables par tout un chacun.

Certains me rétorqueront que non ! Que c’est une de ces périodes les plus stressantes où la biscotte se casse au beurrage, là où on ne l’attend pas, où la tartine tombe du côté de la confiture. Mais tout cela est connu et contrôlable par un simple calcul de RDM (résistance des matériaux) ou de loi de Murphy, même si l’on a rarement un ordinateur dans sa cuisine !

Pourtant, il y a bien sur la table de déjeuner (version continentale), un élément perturbateur qui semble n’en faire qu’à sa tête.

Je vous vois sourire en pensant à ces ados mi réveillés mi endormis qui vont créer, dans quelques instants, la crise précitée (voir quelques paragraphes plus haut). Mais mon œil s’attardera plutôt sur un pot, bien innocent en apparence, mais qui n’en fait qu’à sa tête : le pot de miel !

Car comme le champagne qui, dans la précédente newsletter nous a permis de modéliser le management de l’innovation, le miel est un outil redoutable d’explication de stratégie du changement.

Je sais, vous pensez que le rédacteur de ces lignes a abusé, une nouvelle fois, des bienfaits du breuvage sus cité et pourtant, il me serait agréable que vous vous transformiez dès demain matin en expérimentateur hors pair !

Le miel est en effet thixotrope !
Si vous ne voulez pas plonger directement dans votre dictionnaire favori, sachez que la thixotropie est la propriété définissant la variation de viscosité en fonction des contraintes appliquées.

Devant vos airs ahuris, il est temps de prendre une décision, en l’occurrence, une cuillère.

Mettez-la dans votre bol de café et faites-la tourner. Plus vous accélérez et plus le liquide va tourbillonner. Recommencez le même exercice avec votre pot de miel crémeux. Pas de problème à vitesse lente mais, lorsque vous tentez d’accélérer, le miel semble durcir. Recommencez en plantant lentement la cuillère dans le miel : elle descend doucement jusqu’au fond du pot. Maintenant, plantez-la vivement et le miel se met à résister !

Y aurait il ici un caprice de la nature ? Le physicien vous dira que les microcristaux de sucre du miel n’ont pas le temps de s’organiser dans le sens de la contrainte qui leur est appliquée (vitesse de la cuillère). Voilà l’exemple typique de la thixotropie que nous devrions bien nous rappeler dans notre vie quotidienne de management d’entreprise.

Combien de jeunes entreprises sont étonnées par l’échec marchand de leur produit révolutionnaire ? Bousculer un marché nécessite toujours plus de temps et d’énergie que prévu. Un business plan raisonnable basé sur une pénétration lente est plus souvent garant de succès !

Changer une culture d’entreprise à rythme forcé est régulièrement cause de disfonctionnements majeurs. Les responsables de fusion acquisition l’ont souvent bien compris dans les gestions de marque de sociétés en passant par une phase transitoire où sont accolés les noms des sociétés réunies (phase « d’apprentissage ») avant de revenir, « pour cause de simplification », au nom de la société absorbante.

De même, les évolutions d’organisation sont toujours mieux acceptées lorsque l’on prend le temps de « mettre en mouvement » les équipes. A l’inverse, le fait imposé est souvent source de blocage !

Que l’on me comprenne bien, il y a des moments où la gestion de crise exige des décisions rapides et urgentes, « sous contrainte ». Mais dans le quotidien normal, nous serions bien inspirés de nous rappeler les règles inventées par les travailleuses butineuses.

Alors demain matin, lorsque vous miellerez votre tartine, expérimentez la vitesse optimale … vous pourriez en avoir besoin dans votre travail de la journée !