mercredi 3 février 2010

C'EST BEAU COMME UN TABLEAU DE MAGRITTE


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C’est beau comme un tableau de Magritte : la technologie est elle devenue sadique ? (2ème partie)

Ben voilà, j’avais craqué pour l’écran plat géant de mes désirs. Entouré de son armure de carton qui le protégeait encore du monde extérieur, il trônait fièrement dans le couloir, après avoir connu les contorsions d’une entrée délicate dans un coffre de voiture. Car des paquets de 60 kg et de plus d’un mètre de long nécessitent une envergure d’albatros et une carrure de culturiste : la haute-définition, ça se mérite ! Mais c’était fait, l’aventure touchait à sa fin … du moins le croyais-je naïvement ! Pourtant j’aurais dû savoir qu’une star, fut-elle télé, existait, certes par son talent mais aussi par ses caprices.
Caprice d’installation où vous régressez soudain d’un demi-siècle.

Je m’explique. Au début de la télévision, la boite à image, plaquée d’acajou, était un objet statutaire qu’il fallait montrer. Puis, avec sa démocratisation allant de pair avec sa plastification, il devenait de bon goût de cacher le tout dans un meuble télé ou derrière les portes d’un buffet bibliothèque/bar suivant que l’on était « Siècle des Lumières » ou Pastis 51. Ainsi, la douce harmonie d’un salon cosy était préservée. Le Hic, c’est que les meubles anciens ne sont pas faits pour accueillir les nouveaux objets télévisuels au format ravageur. Je l’appris rapidement à mes dépens et compris, avec force tournevis, perceuse et support métallique, que le salon devait, comme dans les années 50, se recombiner autour d’une télé à nouveau « m’as-tu vu ».

Si vous n’êtes pas convaincu, il vous suffit de regarder les émissions de décoration qui fleurissent sur nos chaînes à l’heure de la digestion crépusculaire. Le design moderne s’accommode fort bien du passé, tout en le réinventant : le charme des fauteuils en cuir anglais a fait place aux chauffeuses d’un suédois aux enseignes bleues, les tables ont oublié les plateaux en bois chaleureux pour le noir profond et glacé des verres trempés, les cheminées ne brûlent plus de bûches ringardes mais de l’eco-alcool. Tout est « modernisé » mais les éléments essentiels retrouvent leur place. Tous sauf la veille bibliothèque qui doit faire place à la moderne télé HD : changement de millénaire qui nous rappelle que cette grande lucarne n’est que la tête de proue d’une déferlante d’écrans envahissant la maison pour faire disparaître un papier devenu intrus.
Mais je m’égare, probablement à cause de la fatigue de cette installation difficile : j’avais réussi à faire cohabiter, au terme d’une lutte acharnée, la bibliothèque aux centaines d’ouvrages et le plat LCD.

Branchement de l’alimentation, branchement du câble antenne, légère poussée sur le bouton on/off ! Youpi, c’est parti ! Sagement et tout automatiquement, la machine de guerre recherche les canaux et fige les chaînes : 1, 2, 3, 4, 5, 6 et ….. rien de plus. La TNT aux 18 chaînes semblait sourde. Plongeant dans le mode opératoire (on le lit toujours après les boulettes), je refaisais scrupuleusement l’installation, mais ma télé ultra moderne restait inexorablement bloquée sur les 6 chaînes analogiques.

Heureusement, grâce à mon contrat d’assistance pour téléphobe technophobe, je pouvais accéder à un technicien hors pair.

Il arriva dans son vaisseau jaune vif et sortit de son véhicule, tel un Arnold Schwarzenegger allant sauver le monde numérique. D’un regard perçant tourné vers le toit, sa sentence tomba d’un trait :

« C’est votre antenne qui est trop vieille ».

Voilà ce que c’est de ne pas se former aux nouveautés de la physique. Pour moi, une antenne est en lambda sur quatre pour être bien accordée à la longueur d’onde mais je découvrais soudain que, au 21ème siècle, la physique avait changé. Etait-on en lambda sur deux voire en lambda ? Il me fallait vite interroger mon Arnold sur le toit.

Un soupir de soulagement me parcourut, lorsque je compris que mes fondements de physique n’étaient pas ébranlés mais que le problème venait de l’amplification du signal. La TNT, ça chuchote quand l’analogique crie dans l’éther. En d’autres termes, les nouveaux émetteurs numériques nécessitent beaucoup moins de puissance mais adieu les réceptions « aux limites » !

Une nouvelle antenne pris la place de la précédente, et là, surprise, je vis l’installateur se gratter la tête en regardant son analyseur de fréquences. Il décrocha l’antenne, la porta à l’autre bout du toit et regratta sa chevelure faîtière. Ce ballet assez esthétique dura une bonne demi-heure mais se termina par un diagnostic lourd de sens : vous êtes en zone grise !

Bon, je vous explique, la zone grise, c’est ni blanc, ni noir. En d’autres termes, je pouvais capter faiblement certaines chaînes de la TNT à cet endroit du toit et d’autres quelques mètres plus loin.


C’est ça, la magie du numérique, celle des 2G : génial ou galère !


Moi, j’étais en situation galère, alors que j’habitais à moins de 5 km de la préfecture et en vue directe du relais télé. Je n’étais pas perdu dans une vallée encaissée au milieu de nulle part mais il se trouve que les ondes numériques venues de divers émetteurs se contrariaient !

Alors docteur c’est grave ?
Pas tant que cela me dit mon Scharzy des ondes ! Il va juste falloir prendre la TNT par satellite et un décodeur HD. J’ai tout ça dans mon camion.
Deux heures plus tard, une petite parabole, regardait le ciel de son œil vide, telle une statue pétrifiée de l’île de Pâques. Un décodeur décodait pour fournir un signal HD à un écran enfin rassasié ! Le monde du futur s’offrait à moi.

Il me restait juste à lancer le superbe lecteur de blue ray pour redécouvrir les délices du 7ème art remasterisé. Le tiroir avala sans problème la galette brillante qui se mit à tourner. L’écran se couvrit d’un splendide bleu intense et profond avec une petite phrase en bas à gauche. On aurait dit un ciel pur, tel que savent les rendre certains peintres de génie.

Oui, je l’avoue, cette image sublimé m’arracha une réflexion émue : « c’est beau comme du Magritte ! ».

Seuls m’inquiétaient un peu les quelques mots brillants sur l’azur :
SIGNAL AV1 NON DETECTE

La technologie, c’est formidable ! L’aventure continue !

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