jeudi 5 mai 2011

Eloge de la Fondue savoyarde






S’il y a bien quelque chose qui manque dans la formation de nos grandes écoles, c’est bien la connaissance de la Fondue savoyarde.


Cette exception culinaire de nos montagnes, qui devrait figurer au patrimoine de l’Unesco, mérite en effet tous les égards. Qui a-t-il de plus admirable pour nos papilles que ce mariage d’ingrédients simplissime ? Je sais, vous allez dire que je suis chauvin, mais avouez qu’on trouve difficilement mieux pour animer une soirée entre copains, surtout si vous l’agrémentez d’une aimable Abyme, d’un doré Chignin, sans son Bergeron, ou plus étonnant et rarissime, d’un fabuleux Schiste du vignoble des Ardoisières.


Bon là, je vous l’ai fait tip top, version guide touristique. C’est après, que les choses se gâtent ! Car la Fondue ne se laisse pas facilement apprivoiser. Effleurez rapidement la divine texture, et vous ne mangerez que du pain. Laissez tremper longuement et vous ne récupèrerez rien, sauf un gage à choisir dans l’ouvrage de référence « Astérix chez les helvètes ». Non, « L’or jaune » qui semble à portée de main, nécessite de manier la patience et la dextérité, mélange de fermeté et de souplesse. Un plongeon maitrisé, suivi d’aller-retour fréquents, histoire de voir comment le mariage s’opère et, enfin, la remontée triomphante … en espérant que vos voisins de table ne vous jouent pas des tours tordus !


C’est pour cela que la Fondue devrait être obligatoire pour tous les futurs entrepreneurs. Car le marché est une sacrée Fondue. Regardez, vous détenez LE produit de l’année, c’est sûr, vous êtes assis sur un tas d’or, vous rêvez de croissance à deux chiffres, c’est parti, c’est sûr, et, patatras, vous ne récupérez rien « au bout de la fourchette ».


Pourtant, si on regarde quelques histoires de ruptures technologiques, il est assez général de découvrir que le marché rêvé, qui semble hyper accessible est souvent … plus visqueux qu’attendu.


Connaissez-vous le Sphinx ? Non ! Pas le mec qui roupille depuis quelques millénaires devant les pyramides. C’était un fameux trois mats … à moteur, du début du 19ème siècle. A cette époque, la marine marchande à voile est au top de sa performance. Arrive une innovation de rupture : la machine à vapeur. Génial se dit l’ingénieur, les navires vont pouvoir avancer même sans vent ! Craignos dit le marché : ce n’est pas fiable, ça ne marchera pas. Moralité, on construisit des voiliers à vapeur et il faudra plus de 20 ans pour que le moteur commence réellement à se substituer à la voile.


« Oui mais aujourd’hui, ce n’est pas pareil !» penses –tu, lecteur que je commence à bien connaitre ! En es-tu si sûr ?


Le premier brevet du Plip, l’ouverture centralisé du véhicule a été déposé en … 1978. On aurait pu croire que cette invention allait se substituer rapidement à la clé vieillotte. Oui mais pour M. Michu, « y a pas mieux que la mécanique ». Le Plip ça peut tomber en panne, la pile peut flancher, on peut le perdre … Je ne m’attarderai pas sur le fait que l’on peut trouver quasiment les mêmes maux à la clé, toujours est-il que, 30 ans plus tard, les deux systèmes cohabitent toujours !


La première télé LCD a été commercialisée en 1988 mais les écran plats n’ont dépassé les vieux tubes cathodiques qu’en … 2007 ! La « poêle qui n’attache vraiment pas », fabuleuse invention s’il en est, date de 1954 mais il a fallu attendre 7 ans pour que les ventes explosent vraiment grâce à … Jacky Kennedy ! (mais ça c’est une autre histoire). Idem pour les tablets PC : 10 ans. Et la crème chocolatée aux noisettes, passion panégyrique des ados, a dû attendre 20 ans sa mondiale envolée.




Ainsi est faite l’innovation de rupture qui crée des fortunes.
On s’extasie devant le succès lors du véritable décollage en oubliant souvent la
phase nécessaire de longue galère.

Alors, jeune entrepreneur dynamique qui a entre les mains le produit du siècle innovant et forcément planétaire, gonflé à bloc par un business plan forcément parfait, plonge avec fougue et énergie dans cette aventure passionnante, MAIS, surtout, où que tu sois, va d’abord manger une Fondue savoyarde.


Sûr, qu’un jour, tu me remercieras !

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