mardi 5 avril 2011

La symphonie du nouveau monde


Je reviens du Far West !

Non, non, scrupuleux lecteur, ce n’est pas le Far West revu et corrigé à la mode Paramount, avec un beau ténébreux marchant sous un soleil de plomb au rythme cling-cling-cling des éperons rouillés. Ni celui des catalogues de vacances, vantant la splendeur sauvage des sculptures de grès rouge d’un Ouest américain mystérieux !

Non, je reviens tout simplement du premier salon de la robotique de service, Inno-Robo. Et oui, c’était bien l’ambiance Far West, du style ruée vers l’or dans les Rocheuses avec, en guise de filons, un marché estimé à 100 milliards de dollars, en 2020, qui en fait rêver plus d’un. Mirage ou miracle ? Comme il y a 200 ans dans les contrées sauvages, des start-up, souvent microscopiques se jettent à corps perdu dans cette quête d’un Graal androïdique. Et comme il y a 200 ans, les 9 dixièmes se retrouveront au bord du chemin, pour quelques uns qui connaîtront la fortune. Mais quel plaisir, quel enthousiasme, quelle énergie de découvrir dans ces Geeks, cowboys du 21ème siècle, le goût intact de l’aventure.

Bon, histoire de ne pas passer pour un sombre attardé dans votre prochain dîner, je vous conseille vivement une micro-leçon de phonétique. Geek ne se prononce pas Gueuk, ni Jèk, encore moins Jik mais Guik. Je ne vais pas vous le faire à la mode Wikipedia, mais un Geek est un croisement génétique d’hyper-technophile futuriste, de génial post-adolescent informaticien boutonneux, et de communiquant hors pair. Car le Geek roboticien a compris que la clé de son succès passe par un savoir-faire s’apparentant parfois à un bricolage de professeur Nimbussien … et à une capacité vitale de le faire savoir ! Et là, c’est du tout bon : je n’ai jamais vu dans un salon pro autant de télévisions et de journalistes patentés, cherchant tous, LE scoop du siècle.

Mais de quoi parle-t-on lorsqu’on évoque la robotique de service ? Pour ma part, je me voyais déjà partager quelques agréables moments avec une adorable Leeloo aux cheveux roux, me montrant sa Moulti-pass, version Cinquième Elément ! Bon, on m’a rapidement fait comprendre que je ferais mieux de ranger mes fantasmes pour quelques temps encore. Car la robotique de service c’est du sérieux : du médical au jouet volant en passant par la maison intelligente et d’autres innovations plus ou moins ésotériques. Même naissante, la géostratégie du secteur est maitrisée par deux clans adverses à la mode Star Wars : les pro-C3-PO à pattes et les pro-R2D2 à roues.

Les C3-PO, c’est la famille des humanoïdes, sur le modèle du sympathique robot de protocole, star de la saga interplanétaire. Ici, on est encore au B-A-BA : les robots sont patauds (beaucoup), bavards (un peu) et parfois un peu dur d’oreille. Mais on est tout autant émerveillé par ces petites bêtes qui vont jouer au foot, vous donner la main ou danser sur le rythme endiablé de Spice Girls coréennes.

Le clan des R2D2 a abandonné l’idée du « 2 ou 4 pattes » et de son équilibre instable pour adopter les déplacements sur roulettes. Ici c’est du robuste, en limite du marché pro, issu de la conquête spatiale ou de la surveillance en milieu hostile. Et demain, ces adeptes du techno-push se voient en pourvoyeurs de robots d’assistance à la personne se baladant dans la maison. « Tiens mami, pour Noel on t’offre Toto le robot, comme cela tu n’auras plus besoin de parler à Jean-Pierre Pernaut lors du journal de 13h ».

En pur esprit ingenio-marketo-rationnel j’ai parfois quelques difficultés à valider le modèle économique de ces nouveaux marchés. Mais le Geek, à réponse à tout ! « Tu raisonnes comme un vieux, tes analyses sont has been ! ». Lui, face à un robot aspirateur : « Regarde, vous, avec vos hyper modèles vous avez développé des aspirateurs de plus en plus puissants pour réduire le temps que vous passez à tenir le manche du dévoreur de poussières. Nous, on vous fait découvrir que votre optimisation est géniale, sauf qu’il y a une autre solution à l’équation : enlever l’opérateur ! »

Alors oui, cette fichue robotique de service nous perturbe dans nos certitudes, mais les Geeks ont la capacité à nous secouer face à nos modèles économiques trop bien huilés. Et rien que pour cela, je crois que j’aime bien leur douce musique : ils écrivent une nouvelle symphonie d’un nouveau monde !

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