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De Brigitte Bardot à Avatar : la haute technologie est-elle devenue sadique ? (première partie)
C’était décidé. Cette année serait innovante et numérique.
Dehors la vieille télé à tube cathodique. Au placard le magnétoscope VHS tout essoufflé. Fini les 36 télécommandes. Il est temps de se tourner vers les technologies audio-visuelles en Haute définition. Vive l’écran plat et la TNT !
Cà, c’était les bonnes résolutions… à confronter à une réalité pas toujours aussi reluisante.
Me voilà donc parti chez FNARTY pour faire mes emplettes en 16/9.
Le Hic, c’est que je n’étais pas le seul à avoir souhaité tout chambouler. De vendeurs stressés en vendeurs débordés, je me retrouvais face à un jeune stagiaire, du moins si j’en jugeais par son badge fièrement arboré, là, à gauche sur la poitrine.
Ce qui n’était pas visible au premier abord, c’est qu’il devait posséder au moins un MBA de HEC croisé d’un doctorat de physique du MIT. Mais au deuxième abord, le résultat de mon modeste souhait de changer mon environnement vidéo, me fit vite comprendre dans quel piège je m’étais fourré.
- Pourquoi ne pas vous laisser tenter par la HD 3 D ? C’est la toute dernière innovation et avec le relief, vous ne verrez plus jamais la télé comme avant !
Je commençais déjà à fantasmer, pensant redécouvrir un « Et Dieu créa la femme » plus vrai que nature au beau milieu du salon, ou espérant plonger pour arrêter le ballon virtuel tiré par un Christiano Ronaldo dans un Real, tout aussi virtuel.
- Hélas mon bon monsieur, vos grands classiques resteront définitivement en 2D.
Je ne sais pas si Brigitte Bardot aurait bien apprécié qu’on la traite de créature sans relief, mais je compris vite que le procédé ne s’adaptait qu’à des œuvres tournées avec des moyens adéquats et nécessitant de surcroît des lunettes polarisées nous transformant en Avatars cinématographiques. Ne me voyant pas imposer à la famille et aux amis, le port de cet accessoire peut seyant, j’accomplis rapidement un repli stratégique vers des écrans plus classiques
- Vous le voulez comment votre écran ?
- Ben grand !
- Mais grand comment ? 81, 108, 127, 132, 140 cm ?
- Grand, grand ! Disons 132. C’est déjà bien, Non ?
- Effectivement.
J’eus droit à un cours de politique marketo-économique, m’expliquant que bon aujourd’hui avec la surcapacité de production, la crise et une guerre des prix sans merci, des écrans, hier encore inaccessibles, avaient vu leur prix plonger en quelques mois de 30 à 40 %. Là, je fus pris d’un doute. Fallait-il attendre un peu pour gagner encore 20 %. Mais non, ma détermination restait intacte : l’achat était en vue… enfin presque, car il fallait choisir la technologie.
- Plasma ou LCD ? me lança perfidement mon vendeur au QI surhumain.
- Ben ?
- Le Plasma est en général meilleur en qualité d’image bien que cela soit de moins en moins vrai… mais il consomme un peu plus. Le LCD est aujourd’hui accessible y compris pour les très grandes tailles. Donc, vous avez le choix.
- N’écoutant que ma fibre Copenhaguesque, je jetais mon dévolu sur le LCD moins énergivore, histoire de protéger ma planète contre les affres d’un CO2 en chaleur.
Je ne sus si cela était le fruit de mon imagination, mais je vis alors comme une étincelle dans le regard de mon interlocuteur qui, sans me laisser souffler, ne put s’empêcher de me proposer des cathodes froides CCFL, des Leds Edge, du Local Diming et autres Leds RVB.
- Car oui, cher client potentiel, un panneau de LCD peut être éclairé de multiples façons et donner des images plus ou moins lumineuses ou dynamiques.
- Dans un souffle, je lui indiquais que j’aimais les belles images naturelles et que je lui faisais confiance pour la technologie.
- Je ferai au mieux, mais voulez-vous une définition standard, HD ou HD1080 ?
Mes neurones étaient au bord de l’implosion et « oui, je voulais de la vraie haute définition ».
- Ne vous énervez pas, Monsieur, j’essaye de contribuer au mieux à la définition de vos besoins non clairement exprimés.
- Mais je veux juste regarder la télé !
- D’accord, je ne vous parlerai donc pas du balayage 100 ou 200 hertz, du DNLA ou des Widgets pourtant forts utiles, cher technophobe irascible.
Il nous restait à choisir une source vidéo HD pour compléter la TNT : un lecteur de DVD blue ray ferait l’affaire. Le choix fut rapide car pour ne pas retransformer la table de salon en exposition de télécommandes, je pris le lecteur dans la même marque que la télé. C’était le choix de la raison.
- Un dernier point : avez-vous un cordon ?
- Pouvant enfin avoir l’avantage, je répondis que oui, j’avais une collection de péritels, réutilisable sans problème.
- Mais pour la Haute Définition , c’est du cordon HDMI qu’il vous faut et même du 1.3 pour le dialogue CEC.
Cette fois, c’était sûr, je tombais dans la plus profonde crétinitude aux yeux de mon interlocuteur, qui, dans une tentative de rapprochement de nos mondes si différents, m’offrit le cordon tant souhaité. Nous étions ainsi unis par un lien HDMI supposé indéfectible.
Après cette expérience mémorable, le paiement en moultes fois sans frais me parut être une sinécure.
Moralité : Brigitte Bardot en noir et blanc sur un vieux poste en 819 lignes était peut-être peu affriolante mais la situation était simple pour le client M. Michu, limitant sa décision au choix de la marque. Aujourd’hui, la sadique pléthore de hautes technologies, loin de simplifier l’achat, le transforme en parcours du combattant, plongeant M. Michu dans un état anxiogène qui risque de transformer son achat en frustration.
L’ordinateur personnel à ses débuts est passé par ce stade jusqu’à ce qu’un Apple vienne rappeler que derrière un écran il y avait rarement un informaticien mais toujours un client utilisateur. Aujourd’hui, la télé est en plein dans cette tourmente métaphysico-technologique, peut-être plus édulcorée, mais qui est loin d’être finie. Alors, j’attends avec impatience l’invention du Macintosh télévisuel.
Reste les aventures de l’installation du « bijou » à domicile : mais cela c’est la prochaine histoire.
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De Brigitte Bardot à Avatar : la haute technologie est-elle devenue sadique ? (première partie)
C’était décidé. Cette année serait innovante et numérique.
Dehors la vieille télé à tube cathodique. Au placard le magnétoscope VHS tout essoufflé. Fini les 36 télécommandes. Il est temps de se tourner vers les technologies audio-visuelles en Haute définition. Vive l’écran plat et la TNT !
Cà, c’était les bonnes résolutions… à confronter à une réalité pas toujours aussi reluisante.
Me voilà donc parti chez FNARTY pour faire mes emplettes en 16/9.
Le Hic, c’est que je n’étais pas le seul à avoir souhaité tout chambouler. De vendeurs stressés en vendeurs débordés, je me retrouvais face à un jeune stagiaire, du moins si j’en jugeais par son badge fièrement arboré, là, à gauche sur la poitrine.
Ce qui n’était pas visible au premier abord, c’est qu’il devait posséder au moins un MBA de HEC croisé d’un doctorat de physique du MIT. Mais au deuxième abord, le résultat de mon modeste souhait de changer mon environnement vidéo, me fit vite comprendre dans quel piège je m’étais fourré.
- Pourquoi ne pas vous laisser tenter par la HD 3 D ? C’est la toute dernière innovation et avec le relief, vous ne verrez plus jamais la télé comme avant !
Je commençais déjà à fantasmer, pensant redécouvrir un « Et Dieu créa la femme » plus vrai que nature au beau milieu du salon, ou espérant plonger pour arrêter le ballon virtuel tiré par un Christiano Ronaldo dans un Real, tout aussi virtuel.
- Hélas mon bon monsieur, vos grands classiques resteront définitivement en 2D.
Je ne sais pas si Brigitte Bardot aurait bien apprécié qu’on la traite de créature sans relief, mais je compris vite que le procédé ne s’adaptait qu’à des œuvres tournées avec des moyens adéquats et nécessitant de surcroît des lunettes polarisées nous transformant en Avatars cinématographiques. Ne me voyant pas imposer à la famille et aux amis, le port de cet accessoire peut seyant, j’accomplis rapidement un repli stratégique vers des écrans plus classiques
- Vous le voulez comment votre écran ?
- Ben grand !
- Mais grand comment ? 81, 108, 127, 132, 140 cm ?
- Grand, grand ! Disons 132. C’est déjà bien, Non ?
- Effectivement.
J’eus droit à un cours de politique marketo-économique, m’expliquant que bon aujourd’hui avec la surcapacité de production, la crise et une guerre des prix sans merci, des écrans, hier encore inaccessibles, avaient vu leur prix plonger en quelques mois de 30 à 40 %. Là, je fus pris d’un doute. Fallait-il attendre un peu pour gagner encore 20 %. Mais non, ma détermination restait intacte : l’achat était en vue… enfin presque, car il fallait choisir la technologie.
- Plasma ou LCD ? me lança perfidement mon vendeur au QI surhumain.
- Ben ?
- Le Plasma est en général meilleur en qualité d’image bien que cela soit de moins en moins vrai… mais il consomme un peu plus. Le LCD est aujourd’hui accessible y compris pour les très grandes tailles. Donc, vous avez le choix.
- N’écoutant que ma fibre Copenhaguesque, je jetais mon dévolu sur le LCD moins énergivore, histoire de protéger ma planète contre les affres d’un CO2 en chaleur.
Je ne sus si cela était le fruit de mon imagination, mais je vis alors comme une étincelle dans le regard de mon interlocuteur qui, sans me laisser souffler, ne put s’empêcher de me proposer des cathodes froides CCFL, des Leds Edge, du Local Diming et autres Leds RVB.
- Car oui, cher client potentiel, un panneau de LCD peut être éclairé de multiples façons et donner des images plus ou moins lumineuses ou dynamiques.
- Dans un souffle, je lui indiquais que j’aimais les belles images naturelles et que je lui faisais confiance pour la technologie.
- Je ferai au mieux, mais voulez-vous une définition standard, HD ou HD1080 ?
Mes neurones étaient au bord de l’implosion et « oui, je voulais de la vraie haute définition ».
- Ne vous énervez pas, Monsieur, j’essaye de contribuer au mieux à la définition de vos besoins non clairement exprimés.
- Mais je veux juste regarder la télé !
- D’accord, je ne vous parlerai donc pas du balayage 100 ou 200 hertz, du DNLA ou des Widgets pourtant forts utiles, cher technophobe irascible.
Il nous restait à choisir une source vidéo HD pour compléter la TNT : un lecteur de DVD blue ray ferait l’affaire. Le choix fut rapide car pour ne pas retransformer la table de salon en exposition de télécommandes, je pris le lecteur dans la même marque que la télé. C’était le choix de la raison.
- Un dernier point : avez-vous un cordon ?
- Pouvant enfin avoir l’avantage, je répondis que oui, j’avais une collection de péritels, réutilisable sans problème.
- Mais pour la Haute Définition , c’est du cordon HDMI qu’il vous faut et même du 1.3 pour le dialogue CEC.
Cette fois, c’était sûr, je tombais dans la plus profonde crétinitude aux yeux de mon interlocuteur, qui, dans une tentative de rapprochement de nos mondes si différents, m’offrit le cordon tant souhaité. Nous étions ainsi unis par un lien HDMI supposé indéfectible.
Après cette expérience mémorable, le paiement en moultes fois sans frais me parut être une sinécure.
Moralité : Brigitte Bardot en noir et blanc sur un vieux poste en 819 lignes était peut-être peu affriolante mais la situation était simple pour le client M. Michu, limitant sa décision au choix de la marque. Aujourd’hui, la sadique pléthore de hautes technologies, loin de simplifier l’achat, le transforme en parcours du combattant, plongeant M. Michu dans un état anxiogène qui risque de transformer son achat en frustration.
L’ordinateur personnel à ses débuts est passé par ce stade jusqu’à ce qu’un Apple vienne rappeler que derrière un écran il y avait rarement un informaticien mais toujours un client utilisateur. Aujourd’hui, la télé est en plein dans cette tourmente métaphysico-technologique, peut-être plus édulcorée, mais qui est loin d’être finie. Alors, j’attends avec impatience l’invention du Macintosh télévisuel.
Reste les aventures de l’installation du « bijou » à domicile : mais cela c’est la prochaine histoire.
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