dimanche 9 novembre 2008

DU ROLE DES MALADIES INFANTILES DANS L'INNOVATION !!!

Rien ne vaut une course en forêt pour se rappeler qu’un sapin est vert, qu’un arbre en octobre est flamboyant et que l’air vif et piquant du matin est le meilleur remontant pour pallier les attaques virales d’automne.

Car le virus d’automne s’expérimente en automne pour qui a, ou a eu, de jeunes enfants : la maladie infantile, plus rapide que l’éclair, arrive sans crier gare. Une poussée boutonneuse un jour, et hop, c’est la moitié d’une classe qui, dès le lendemain, se retrouve « out of order ». C’est impressionnant, mais souvent sans danger : de la rubéole à la varicelle, des oreillons à la rougeole, il y en a pour tous les goûts et de toutes les couleurs.

Mais je ne m’étais pas attendu à une telle épidémie au salon de l’auto ! Tout le monde ou presque s’est retrouvé contaminé par une étrange maladie répondant au doux nom de vertéole. La contagion fût sévère : il faut dire que dans un tel lieu confiné, brassant des millions de visiteurs, les germes agressifs n’avaient aucun mal à se développer. Les basiles Eco2, virus Bluetec et autres microbes Airdream attaquaient sans relâche ! Dès les conférences de presse d’ouverture, les dirigeants des fabriques de boites à 4 roues avaient une mine tirant incontestablement sur le vert. A l’origine de ce mal, une poussée fiévreuse de notre bonne terre, diagnostiquée par de doctes experts es-climat.

Sans parodier Coluche, on pouvait croire que l’automobile recrachait enfin un air plus propre que celui qu’elle aspirait. Réduction des consommations, hybride, hydrogène, pile à combustible, véhicule électrique : on allait voir ce que l’on allait voir. L’hystérie chlorophyllienne était en route, relayée par la vague médiatique du « plus c’est bio, plus c’est beau. »

Tout le monde se voyait déjà dans un carrosse sur batterie, fendant un air ayant perdu son petit côté vicié. J’avoue avoir assez mal vécu ce manque de recul flagrant devant un défit immense qui barre la route de l’industrie automobile.

La communication, le marketing ou la politique ont parfois des effets pervers. Prenez le cas du CO2, cancre montré du doigt de l’effet de serre. Aujourd’hui, il faut le réduire à tout va. Pour Monsieur Michu, visiteur du Mondial de l’Auto, la consommation du véhicule a fait place aux grammes par kilomètre de gaz carbonique. Mais rares sont ceux,sauf peut être les chimistes et autres motoristes, qui ont vu qu’il n’y avait rien d’autre dans la réduction du CO2 qu’une réduction des consommations. Jusqu’à preuve du contraire, notre essence, assemblage mystérieux de carbone et d’hydrogène, produit, en brûlant, de la vapeur d’eau et du CO2 ! Pas de transmutation par pierre écolo-philosophale ! Les grammes de dioxyde de carbone ne sont rien d’autres que des litres par 100 km ou des miles par gallon suivant que l’on est à droite ou à gauche de l’Océan Atlantique.
Mais le CO2 a un avantage incontestable : il « responsabilise » le bipède derrière son volant, le rendant acteur du sauvetage de sa planète bleue. Le zéro émission, voilà bien l’objectif du bobo ecolo citoyen. Vite de l’électrique … et tout de suite.

Je suis toujours amusé par nos deux bouts de cerveaux, qui ne se causent pas et qui nous font tenir des propos qu’un psychiatre qualifierait de pathologie lourde. Ainsi l’électricité qui serait la source miraculeuse du véhicule propre, est en même temps traitée d’affreuse énergie calorifique pour l’habitat. Propre ici et sale là, preuve que l’on peut vivre avec ses démons dilemmiques.

Mais trêve de grognitude (ben oui, moi aussi j’ai le droit d’inventer des mots, même si je ne suis pas sur la muraille de Chine) : ce salon de l’auto est sans doute un vrai tournant pour l’industrie automobile.

D’abord parce que la question de la consommation des véhicules est particulièrement critique vis-à-vis de la ressource énergétique fossile. Le pétrole, malgré ou à cause de son cours yoyo, se raréfiera alors que la flotte automobile augmentera, ne serait ce que par l’effet mécanique de croissance des pays émergeants. La baisse de l’appétit des véhicules est, de fait, une obligation.

On s’extasie aujourd’hui devant des consommations de 4l/100 km … qui étaient celles de la Citroën AX il y a 20 ans ! Certes, ce n’est plus la même voiture, mais la course au confort, à la sécurité … et à l’antipollution à sans doute exagérément engraissé des véhicules qui ont perdu, par la prise de poids, les gains d’efficacité énergétique des moteurs.

Ensuite parce que le véhicule tout électrique me laisse d’une extrêmement grande perplexité face aux problèmes industriels.
En vrac des questions sans réponses, version brève de comptoir :
Mais ou va-t-on trouver tout ce lithium (les batteries Lithium-Ion ou Lithium-polymères nécessitent …du Lithium dont les gisements ne sont pas si nombreux. La bagarre sera rude car c’est une chose d’alimenter une production de millions de batteries de quelques dizaines de grammes pour téléphones portables, c’en est une toute autre lorsque l’on parle de millions d’accumulateurs de centaines de kilos !)
Un réseau électrique, comme celui de la France peut résister à la recharge simultanée de combien de véhicules ?
Avec quoi va-t-on chauffer les véhicules en hiver, un radiateur électrique semblant inconcevable avec la capacité des batteries ?
Et mes doutes électrico-métaphysiques pourraient s’allonger sur des pages entières.

Mais ce côté extrémiste du tout courant est sans doute la preuve que le mixte hydrocarbure-electron, dans ses futures évolutions, sera la solution durablement raisonnable. L’heure est à la créativité. Avec son concept-car Volt, Chevrolet s’éclate en réinventant l’hybridation : un petit moteur thermique fonctionnant à son optimum de rendement est utilisé comme générateur électrique pour recharger la batterie, elle-même alimentant le moteur électrique. D’autres redécouvrent le moteur-roue, électrique bien entendu. D’autres encore regardent les ruses de sioux des structures ultra allégées des mini véhicules électriques.

Si l’automobile est malade en cette fin 2008, il s’agit bien d’une maladie infantile de changement de siècle. C’est un autre age adulte qui se prépare. Oui il y aura des voitures électriques, des hybrides, des piles à combustibles. Mais arrêtons de faire croire à M. Michu du Mondial de l’automobile que ce futur est facilement accessible. La physique de matériaux a des limites et la refonte industrielle ne se fait pas d’un clic de souris.


L’innovation est passionnante car elle invente le futur mais c’est avant tout une intense transpiration neuronale qui nécessite du temps.

Vous êtes au courant ?