vendredi 5 novembre 2010

POMME-POMME BOY


Je n’avais qu’une vague idée de chronique, une histoire de pomme et de tentation, une histoire où le tentateur s’appellerait …


- T’es trop fort mon gars, me dit Diably du fond de la cave (Diably, c’est mon
diable gardien). Moi, à la création du monde, j’ai fait ça avec une nana dans le
rôle de la tentatrice et une belle pomme dans un jardin d’Eden. Je ne te dis pas
le succès ! On en parle encore aujourd’hui. Alors si tu modernises le tout, je
te prédis un best-seller.

Allez, je me lance ! Après tout, je risque quoi, un flop, des pépins en perspective ?

Savez-vous comment faire la une de tous les journaux mondiaux ?

Vous pouvez sponsoriser les grands évènements sportifs, JO en tête, à la manière d’un sombre et bulleux soda américain bien connu. C’est efficace mais ça coûte un max.

Vous pouvez, au choix, provoquer un crack boursier ou, encore mieux, déverser quelques millions de tonnes de pétrole, idéalement dans le Golfe du Mexique. C’est aussi cher mais avec des effets secondaires garantis !

Enfin, vous pouvez donner l’impression de révolutionner le monde à chaque sortie de nouveau produit et laisser faire le job de communication par les journalistes. C’est efficace et quasi gratuit.
Impossible ? Alors demandez-vous par quel miracle, les i-phone et i-pad ont envahi pendant plusieurs semaines les couvertures de nos magazines ! Par quel étonnant sortilège, les rédactions se sont trouvées prises d’une douce euphorie Apple-maniaque !

Il y a, derrière cet étonnant phénomène, la construction d’une stratégie, redoutablement efficace, de la tentation et du désir de la pomme, pardon, de l’Apple.

Le sentiment d’appartenance: la société Apple a été l’une des premières à comprendre l’arrivée d’une génération du « superflu ». Il fallait inventer aux futurs « bobos » et à leur progéniture,un univers et le style de vie qui va avec : « je suis cool, je dois skater en écoutant mon i-pod » ou «j’ai une activité débordante, mon i-phone sera là pour me tirer de toutes les situations ». Conséquence, là où d’autres vantent les performances techniques, la firme de Cupertino surfe sur le besoin de services exclusifs : le produit n’est plus que le support physique d’une multitude de fonctions payantes et forcément indispensables qui font l’attrait… et la marge !

Le Design Roi : où trouve-t-on les designers rattachés directement au PDG ? Chez Apple. Il n’y a pas besoin d’être devin, pour se rendre compte combien un i-strouph est différent du produit concurrent. C’est vrai pour la carrosserie, cela l’est encore plus pour les interfaces homme-machine. Le straaaatch avec deux doigts sur l’écran a remplacé le clic sur l’icône de zoom. Le sleeeep avec l’index qui fait défiler les pages, s’est substitué à « l’ascenseur » piloté par la souris. Les technologies étaient déjà présentent sur le marché (écrans tactiles, tablettes informatiques) mais le coup de génie c’est d’avoir permis à Monsieur Michu de faire des sleeeep et des straaaatch, bref, lui redonner la main sur son informatique envahissante. En simplifiant la complexité, l’innovation-design crée du désir.

L’hyper communication : Regardez une conférence de presse en VO du lancement de l’i-phone. C’est un show à l’américaine ! Les mots « amazing », « cool », « fantastic », « révolution » sont inlassablement répétés. L’objectif est d’arriver au point où les attentes du consommateur sont si élevées que chacun veut découvrir les capacités du produit. La sobriété du power point contraste volontairement avec la passion du présentateur : du genre « regarde mon coco, ce que tu n’aurais jamais osé rêver tu vas l’avoir en exclusivité, et cela n’a pas de prix ! »

Voilà bien le job de Jobs, car rares sont les entreprises où la fusion avec son dirigeant est aussi poussée. Steve Jobs est tout autant bateleur hors classe, « le plus grand conteur industriel », génial inventeur que redoutable business man. Il a été capable d’inverser les rôles client-fournisseur dans le bras de fer entre constructeurs de téléphones et opérateurs télécom : bagarre des seconds pour obtenir l’exclusivité du « bijou désiré ».


Le pomme-pomme boy de la high tech nous rappelle ainsi, qu’une pomme, même en
silicium, est toujours aussi tentatrice lorsqu’elle est maniée avec la dextérité
du marketing, de l’innovation et du design.

Une leçon à méditer au quotidien, histoire de bien nous occuper de nos « Adam » à nous !






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