jeudi 15 septembre 2011

Alors, c’est qui le chef ?

Aujourd’hui, je voudrais lancer un vibrant appel aux amoureux des beaux tracés rouges, jaunes ou blancs bordés parfois de vert : SAUVONS LA CARTE ROUTIERE.

Quoi, se dit mon lecteur étonné, ce chroniqueur favori qui me bassine à longueur d’année avec les révolutions de l’innovation, ne serait qu’un vieux Schnock rétrograde qui refuse les bienfaits des systèmes de navigation par satellite ?

Holà ! Ne te méprend pas. Je pense même qu’il faudrait décerner à l’inventeur du GPS, véritable bienfaiteur de l’humanité, le diplôme de la vie conjugale apaisée. Cette merveilleuse petite boite de haute technologie, à l’apparence très anodine, a sauvé le devenir de bien plus de foyers que la ceinture de sécurité et l’airbag réunis.

Rappelez-vous ! Dans des temps pas si anciens, il n’était pas rare d’entendre, dans l’alcôve feutrée d’un habitacle automobilistique, des copilotes échangeant de savoureux dialogues Audiardesques à la limite de l’explosion nucléaire. Aujourd’hui, rien de tout cela. Le bavard objet fétiche nous abreuve d’un « tournez à droite ou à gauche dans 200, 100, 50 mètres », voire d’un pédagogique « faites demi tour ». Qui oserait alors pester contre une machine à la suavité toute féminine, à moins de vouloir passer pour un dangereux psychopathe ou un malotru patenté ? Le GPS, c’est la force brute d’une boite noire qui calcule l’optimum ( ?), à la seconde près, parmi 485 737 itinéraires, avec ou sans péage, voire plus si affinité. La carte, c’est autre chose ! Elle nous amène à définir la stratégie des nos parcours, rapides ou buissonniers. Carte et GPS sont deux raccourcis saisissants de notre conception du monde moderne.

J’avoue que mon côté rebelle post soixante huitard attardé, mâtiné de bobo-ïsme cinquantenairien, me pousse vers le demi mètre carré de papier routier. Enfin, je devrais plutôt dire, me poussait ! Car les neurones ramollis par la promotion du siècle, m’ont transformé en « heureux » propriétaire d’un GPS avec la promesse d’une cartographie de 50 pays. Notez au passage, qu’à moins de devenir le stakhanoviste mondial du kilomètre, il y a peu de chance que je parcoure plus de deux ou trois pays ! Mais le marketing, c’est le marketing, et fournir les routes de San Marin, de l’Estonie, d’une lointaine province balkanne ou de Gibraltar, ça rassure !
Mon nouvel ami gépéhèstique, bien plus intelligent que je ne le pensais, ne se laissa pas dompter facilement. Je ne parle pas des menus de pilotage, admirables d’ergonomie. Non, la réaction de la machine a été plus vicieuse, dès le premier contact, se rendant probablement compte qu’il fallait me faire payer cher, mes années de Michelinisme cartographique. Ainsi, alors que je rentrais sagement les coordonnées de mon lieu de travail, le GPS a délibérément refusé de connaitre mon adresse exacte et me proposa d’atterrir à quelques numéros de là, soit dans un pressing, soit dans … une maison de retraite. Vexant, non ? Comment expliquer aussi, ce sluuuurp annonçant le décollement de la ventouse support, alors que je m’apprêtais à négocier un redoutable échangeur autoroutier. Ou pire, ce splendide « battery out » affiché au beau milieu d’un dédale labyrinthique de ruelles dans une vieille ville malicieusement piétonne à 95% ! Parfois, la bataille fut plus subtile, telle cette sortie de parking souterrain où, confronté à la décision cornélienne du gauche, droite ou tout droit, mon GPS crut bon de se prélasser interminablement à la recherche de satellites.

Au bout de quelques jours de combats impitoyables, j’ai enfin cédé et je dois aujourd’hui admettre que le GPS, c’est quand même un vrai confort. La preuve, la semaine dernière, éreinté après une journée de conduite, je me suis laissé guider, sans réfléchir vers mon hôtel … Le GPS, forcément conscient de la situation, se lança alors dans un giratoire fatidique pour m’abandonner en plein milieu en m’annonçant gaillardement : « vous êtes arrivés » ! Moralité, j’oubliais la fatigue et ne put m’empêcher de rigoler.

Depuis, entre mes deux amis, j’ai fait le choix : j’en ai un sur les genoux et l’autre … dans la boite à gants ! Alors, c’est qui le chef ?