Une vision iconoclaste et humoristique de l'innovation et des nouvelles technologies.
lundi 1 octobre 2012
Je suis un conservateur traditionnaliste casanier !
Par une belle journée, je me baladais dans les rues de la capitale franc-comtoise. Bon là, je dois reconnaitre que c’est une figure de style, car en vérité, je devrais rattacher belle à rue plutôt qu’à journée, tant le déluge qui avait pris la direction dictée par la gravité, avait rendu la situation humide. Mais bon, la gouteuse « boite » de Mont d’Or associée à un sublime savagnin de 2006 qui avaient agrémenté notre table, auraient facilement transformé le pire terril minier en chaud lagon polynésien. Alors, dans une ville classée au patrimoine de l’Unesco, le divin breuvage ne pouvait qu’euphoriser la situation.
J’arpentais donc, en guise de digestion, les rues bisontines et tombait par le plus pur des hasards sur le musée du Temps.
Musée du Temps : voilà bien une étonnante expression qui fascinerait tout philosophe et arracherait quelques gouttes de transpiration aux élèves de terminale séchant lamentablement sur une improbable dissertation. Car si le « Oh temps, suspend ton vol » est au TOP 50 des citations, qui aurait osé mettre le Temps en boîte, fût-elle muséographique. Le Temps aurait-il donc trouvé son conservatoire ? L’inéluctable fuite des secondes, des minutes et des heures serait-elle ici figée, faisant cohabiter le passé, le présent et le futur ?
Inutile de dire que la curiosité … et un impérieux besoin de séchage, me firent franchir avec joie, tel un acteur de la série « la Porte des Etoiles », un splendide porche Renaissance que j’imaginais être déjà une brèche dans l’espace-temps quantique. Pourtant, je n’eus pas besoin de réviser les E=MC2 et autre relativité générale car la magie de l’Art, de la sémantique ou, plus vulgairement, du Marketing, transforma rapidement le mot « Temps », en « Horlogerie ». Musée de l’Horlogerie ? En réalité, un miracle d’intelligence : le palais qui avait hébergé le conseiller de Charles Quint était devenu une ode au génie humain, à sa capacité à maitriser toujours mieux le Tic-tac. Du sable fuitant au travers d’un minuscule orifice, aux battements affolés d’un atome de Césium, du mouvement de balancier à l’égrenage digital de cristaux liquides, il y en avait pour tous les goûts !
J’avoue avoir un faible pour le Pendule de Foucault, traité ici de manière artistique. Vous savez, c’est cette très lourde sphère métallique accrochée à un interminable filin (plus de 10 mètres à Besançon) et qui, après avoir été délicatement lancée, entame un très lent et majestueux balancement. Par un phénomène quasi surnaturel, cette immense « horloge », loin de rester fixe par rapport au bâtiment, semble entamer une ronde sur un peu plus de 24 heures, visualisant la rotation de la terre. Les savants vous diront que le pendule reste « scotché » dans le même plan alors que la terre tourne autour de lui, un truc étonnant lié à la force de Coriolis! En d’autres termes, ce que nous voyons sous nos yeux, c’est le mouvement de notre planète bleue. Si je voulais frimer, je vous parlerai de référentiel et de repères relatifs, mais je n’ai pas envie de vous payer encore de l’aspirine, de plus non remboursée par la Sécurité Sociale. Je vous raconterai juste qu’un de mes prof de Physique les plus géniaux me disait que l’on voyait l’Univers tout entier dans le pendule de Foucault, car le plan du tic-tac est lui immobile, non seulement par rapport à la Terre, mais aussi au système solaire, à la galaxie toute entière et au-delà.
Ailleurs, protégées dans des vitrines armées, des montres de « grande complexité » nous rappellent que l’on maitrisait ici tous les rouages d’une horlogerie flamboyante et innovante. L’histoire est pourtant parfois cruelle car les destins de deux territoires voisins se sont écrits avec les lettres LIP ou SWATCH, synonymes ici de « Fin » (provisoire ?) et là de « Renouveau ». Pourtant, en voyant le génie mécanique, microtechnique et mécatronique qui règne dans les PME de l’arc jurasso-alpin, je me prends parfois à rêver à une renaissance d’une grande industrie horlogère qui dépasserait la difficile aventure de la Manufacture Pequignet. Car dans le Luxe, où la France excelle, le parfum, la haute couture et la maroquinerie restent orphelins de la montre. Pari risqué certes, mais est-il réellement improbable de trouver les entrepreneurs et les investisseurs amoureux de « la belle ouvrage » ?
Plus loin encore, je crus que ma presbytie de quinqua me jouait encore un vilain tour. Pourtant à force de compter et de recompter je dus bien admettre que le cadran de l’horloge était bien numéroté de 1 à 10. Une bizarrerie, pas si bizarre, de la Révolution française qui durant quelques années voulut imposer les jours de 20 heures. Car c’est vrai après tout, on peste contre la gente anglo-saxonne avec ses pieds, ses pounds, ses Fahrenheit et ses miles, alors que nous avons à nos poignées des reliques d’un autre temps ayant résisté à la déferlante du système décimal. Sacrée histoire : d’après de doctes ouvrages, cette tradition de diviser le temps en douze remonterait à la Mésopotamie, avant même les égyptiens et leurs pyramides.
J’y crois pas ! Moi qui pensais être un innovateur, défricheur et perturbateur, je découvre que je ne suis dans mon rapport au temps, qu’un vulgaire conservateur traditionnaliste casanier ! La claque !
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