mercredi 1 mai 2013

Maître Yoda et les 7 pêchés capitaux !



C’est quand même insupportable ! Comment admettre qu’un hiver aussi prétentieux déborde avec autant d’indélicatesse sur un printemps fort gringalet ? C’est ce que je me disais en ce premier mai de l’an de grâce 2013, alors que mes skis de fond glissaient sur un sol qui aurait dû être herbeux depuis fort longtemps. Ici point de gentiane bleue ou de crocus multicolore. Le seul maitre sur ce plateau des cimes était le blanc floconneux. Remarquez, cela n’était pas pour déplaire à ma physiologie néenderthalo-esquimau : dessiner deux lignes parallèles dans un froid glacial sur un manteau, vierge de toute trace, a un petit « je-ne-sais-quoi » d’explorateur de pacotille fort plaisant.

Donc, ce jour de fête du travail, j’avais décidé d’abandonner pour quelques heures un cerveau fatigué pour mobiliser mes forces dans une synchronisation encore imparfaite des jambes, des épaules et du souffle.

Pas d’âme qui vive aussi loin que porte la vue, une mer de nuages, là, en bas et un plafond de gris, là, au-dessus, une petite bise tonifiante : voilà bien tous les ingrédients pour réussir une glisse alerte. Lorsque, soudain, j’entendis une tonitruante voix « holà ! Toi ». Je me retourne, je regarde à droite, à gauche. Personne. Et à nouveau « Oui, toi ! C’est bien à toi que je parle ! »

N’ayant pas une mission divine Jeanne d’Arc-esse prévue dans les jours suivants, je commençais, un peu, à m’affoler. « Bon, toi, ça suffit. Arrête de flipper. Tu as voulu être seul, alors tu vas m’écouter ! Tes chroniques, c’est bien sympa, mais il faudrait que, de temps en temps, tu leur distilles à tes lecteurs un peu de contenu utile. Alors tu vas me faire un sujet qui tienne la route, et vite ! »

Moi bizarrement, je me suis mis à répondre à ces paroles venue d’ailleurs :

- Mais pas aujourd’hui, c’est la fête du travail !
- Tsssseu,tsssseu, tsssseu ! Tu ne m’auras pas avec ça ! Allez, je t’aide. Le thème imposé sera « les 7 péchés capitaux».

Panique à bord, qu’allais-je bien pouvoir écrire sur l'Orgueil, l'Avarice, l'Envie, la Colère, la Luxure ou La Paresse ? J’ai bien une certaine expertise pour le septième, la Gourmandise, mais de là à en faire une chronique technologique, il y a un pas difficile à franchir, fût-il même à faire en skating !

C’est là que le cerveau reprend le dessus et commence à nouveau à analyser la situation. Là, mon coco, tu as des hallucinations. T’as trop forcé, tu manques de sucre et patatras, tu délires. Par contre, tu dois te rappeler que l’on est en mai et qu’avec tous ces ponts, ta chronique, tu as intérêt à faire « fissa » ! Et un sujet sur les péchés capitaux, ce n’est pas si nul que ça ! Tu as bien des choses à dire sans te prendre pour Moïse avec ses 10 commandements. Si tu nous faisais un truc sur les 7 péchés capitaux de l’innovateur, on rigolerait bien et en même temps tu sauverais quelques âmes de l’enfer. Allez, lance-toi !

Pêché de frugalité :
ça c’est une belle catastrophe. C’est l’histoire d’un mec, comme disait Coluche, qui fait son tour de table financier, juste pour développer le prototype et qui oublie, qu’ensuite, il y a beaucoup mais alors beaucoup d’argent à dépenser pour industrialiser et commercialiser.

Pêché de « I am the king of the Word »:
c’est l’impayable innovation génialissime que parait-il le monde entier nous envie et que «retenez-moi avec quelques dizaines ou centaines de kilo-euros, car les chinois, les russes, les allemands, les américains (au choix) me la rachète à prix d’or mais… je veux rester en France ». Promis, on garde son sérieux.

Pêché de solitude :
haro à l’innovateur qui reste seul dans son coin et qui n’a pas encore compris que son voisin est peut-être très utile, ou, a minima, de super bon conseil. Vive les réseaux.

Pêché de ne « pas voir plus loin que le bout de son nez » :
combien n’ai-je vu de projets finalisés, franchement géniaux, qui n’avaient qu’un minuscule défaut : celui d’être totalement incompatible avec les normes techniques en vigueur ?

Pêché du syndrome du sida:
malheur à l’innovateur qui ne peut s’empêcher de raconter haut et fort, et bien trop tôt, ce qu’il a développé. Ici aussi, il faut savoir se protéger… sans miser obligatoirement sur le brevet : il y a bien des méthodes de « contraception » pour éviter que l’on vous fasse un bébé dans le dos.

Pêché de « personne ne m’aime » :
la meilleure innovation ne trouve pas obligatoirement son marché car ce dernier est parfois versatile. Pas la peine d’envisager le pire : même les meilleurs ont connu des échecs retentissants… pour mieux rebondir ensuite.

Pêché d’orgueil :
ben oui, ça arrive aussi de réussir et d’avoir soudain des taux de croissance à deux chiffres. Vous avez trouvé la poule aux œufs d’or ? Ne laissez pas le temps à vos chevilles d’enfler ! Il faut vite recommencer à innover car vos concurrents ne vont pas vous laisser longtemps tout seul.

Le voilà, je le tenais mon thème de chronique. Ce n’était pas la peine que je me fasse tout un cinéma avec des voix venues de l’au-delà. Juste un petit coup de fatigue et …

- Holà, toi ! N’oublie pas : « toujours en mouvement est l’avenir »
- Quoi ? Maitre Yoda ? C’est toi ?
- Et qui veux-tu que ce soit d’autre ? J’ai bien vu que tu peinais pour cette chronique. Alors un petit coup de pouce pour nos 30 ans de rencontre, ce n’était pas trop compliqué. Que la force soit avec toi !
Sur la neige printanière, une silhouette, soudain, accéléra.