mardi 1 avril 2014

Un radar expérimental flashe les vélos à Annecy


Dès ce matin, un radar expérimental flashera les vélos à Annecy. Il fait partie d'un train de mesures visant à fluidifier la circulation des vélos sur la piste cyclable du Lac d'Annecy.

La piste cyclable qui fait le tour du lac d’Annecy est la plus fréquentée de France. Afin d’améliorer sa sécurité elle sera prochainement équipée de trois systèmes uniques en Europe : radar, circulation alternée et même péage seront ainsi testés avant de qualifier la solution définitive.

Eugène vélocipède, génial inventeur du véhicule éponyme et de la roue à filet (ancêtre de celle à rayons qui l’a supplantée depuis) n’en croirait pas ces yeux tant le « véhicule homo mobile » qu’il avait décrit avec moult détails dans son premier brevet indexé FR 0104-1814 et dont nous fêtons le bi-centenaire ce printemps, connait aujourd’hui un succès fulgurant. Certes il y a un monde entre le premier cadre bricolé en bois et les bicycles actuels, allégés à la fibre de carbone ou dopés à l’électricité lithium-ion qui parcourent nos routes.
Mais ce succès connait aussi son revers et ceux qui ont tenté le tour du lac d’Annecy certains dimanches ensoleillés ont probablement plus cherché à éviter les autres cyclistes que regardé le cadre enchanteur environnant. Victime de sa fréquentation, la piste cyclable va être le lieu d’une expérimentation unique en Europe. C’est ce que nous raconte Paul Fisherman, le directeur de la toute nouvelle société RE.VE.LAC (REgulation VElo LAC d’Annecy) créée à cet effet : « Le challenge qui était le nôtre visait à fluidifier le trafic des vélos sur les 40 kilomètres du tour du lac en maintenant un très haut niveau de sécurité. Et, contrairement aux secteurs routiers classiques, nous n’avions pas ici d’itinéraires bis. Il nous fallait donc concevoir une solution particulièrement novatrice pour la piste cyclable ».

C’est pour cela que REVELAC s’est associé avec le pôle innovation local Thésame et notamment avec l’un de ses experts, Albert Salmon, précédemment directeur recherche d’une société d’autoroute du sud de la France. Avec son accent chantant et son langage imagé il nous explique le projet.

« L’augmentation du trafic cycliste autour du lac allait rapidement aboutir à une congestion totale. Les sportifs allaient être plus serrés que dans une boite de sardines à Marseille ! C’est dire. Nous avons donc adapté nos modèles mathématiques de trafic auto à l’environnement particulier du vélo en reprenant l’unité de mesure classique : le TVK pour tronçon véhicule kilomètre. »

En simplifiant un TVK inférieur à 100 garantit une fluidité absolue mais au-delà de 1000 on arrive au bouchon.

A chaque TVK a donc été imaginée une technique de régulation adaptée.

Lorsque le TVK est compris entre 100 et 500 la vitesse des vélos est modulée. Si elle est libre en dessous de 100, elle est limitée à 40km/h jusqu’au TVK de 200 puis 30, 20 et 15 km/ lorsqu’on atteint le TVK de 500. «Nous avons conçu un système adapté à la faible signature radar des vélos avec la société Mhérou électronique » rappelle M. Salmon. « Mais nous n’avons pas voulu du tout répressif ! Ici il n’y aura pas de PV : nous avons préféré un système très éducatif visant à responsabiliser les cyclistes. Ainsi, supposons que la vitesse soit régulée à 20 km/h et qu’un cycliste soit flashé à 40 km/h, soit 100% de plus que la vitesse autorisée, et bien nous lui confisquerons son vélo pendant 100 minutes. S’il avait roulé à 30 km/h, soit 50% de plus, alors cela n’aurait été qu’un arrêt forcé de 50mn. Vous voyez c’est un système simple et compréhensible par tous. En plus, durant ces pauses-amendes, nous offrons une petite collation, histoire de garder le sourire ! »

Le deuxième train de mesure se déclenche au-delà du TVK de 500. Ici c’est une circulation alternée qui sera prescrite. Encore une fois, c’est la simplicité qui a été privilégiée : toutes les heures paires, le tour du lac se fera dans le sens des aiguilles d’une montre et les heures impaires dans le sens contraire. Mais pour ceux qui voudraient terminer leur tour, six zones de stockage et d’attente sont prévues autour du lac comme pour les poids lourds en amont des tunnels du Mont-Blanc et de Modane. Mieux encore, pour ceux qui n’auraient pas de montre, des sirènes seront déclenchées. « Nous avons choisi des thons faciles à mémoriser. Dans un sens, la sirène sera en raie mineur et dans l’autre en sole majeur ».


Enfin, le troisième niveau de mesure et qui sera probablement le plus contesté, est l’instauration d’un péage au-delà du TVK de 1000. La gratuité est totale en dessous puis le péage est de 5 euros jusqu’à 2000 et vraiment dissuasif au-delà, puisque les tarifs peuvent grimper à 20 euros ! « Notre objectif est surtout d’éviter ces pointes extrêmes en rendant l’accès à la piste particulièrement onéreux ». Et lorsqu’on évoque le fait que cela risque de renvoyer les cyclistes sur la nationale voisine, il nous est expliqué que cette dernière sera interdite au trafic vélo durant cette période. Le cycliste est donc bel et bien piégé dans les filets de REVELAC, très loin de l’esprit de liberté que représente ce sport.
Mais qu’on se rassure, la période de test est limitée à 6 mois, d’avril à septembre. Ensuite, pour pérenniser le dispositif il faudra la publication de décrets qui sont loin d’être acquis. En effet, les abords du lac d’Annecy étant soumis à la loi littorale, c’est le ministère de la pêche qui devra homologuer le projet.

Une affaire qui risque de trainer mais qui n’enlève rien à l’optimisme de Paul Fisherman. « Nos modèles mathématiques sont robustes et s’adaptent à beaucoup de situations. Notre marché est avant tout international. Si plusieurs stations de ski autrichiennes nous ont approchés pour équiper leur domaine nordique, nous venons de signer avec Hawaï pour la régulation des surfeurs et nous sommes en négociation finale avec Venise pour mieux contrôler le trafic des gondoles sur le Grand Canal ».