Une vision iconoclaste et humoristique de l'innovation et des nouvelles technologies.
mardi 1 novembre 2016
Ne croyez pas ce que vous êtes en train de lire !
Lui : Arrgh ! Mais t’as pas honte ? Tu ne vas pas te remettre à nous remuer les neurones, chroniqueur pervers patenté. Déjà Magritte nous avez fait le coup avec son célèbre tableau de la pipe « ceci n’est pas une pipe ». Mais toi, t’es ni peintre, ni surréaliste, ni belge. Ton truc, c’est l’innovation, tu te rappelles ? C’est même écrit en haut de la page. Alors ton titre « ne croyez pas ce que vous lisez » que je suis en train de lire veux bien dire que je dois, en fait, croire ce qui suit. Tu vois, tu m’as tellement déformé que j’anticipe tes ruses !
Moi totalement déconfit : heu oui, mais non, mais oui. Je n’ai jamais voulu t’induire en erreur, lecteur fidèle parmi les fidèles. Je voulais juste te mettre au courant de mes dernières pérégrinations. Il m’arrive même parfois d’écrire au premier degré, sans arrière pensée cachée (enfin, c’est rare, je te l’avoue). Mais là, c’est vrai, je voulais seulement te mettre en garde. C’est mon coté gentil qui ressort.
Car je reviens de la messe à Paris. Enfin je devrais même plutôt dire de la « grand messe », celle de 11 heures avec le décorum et la solennité qui vont avec. A Notre Dame ? A la Sainte Chapelle ? A Montmartre ? Mais non, tu n’y es pas du tout ! A la Porte de Versailles, au pays de l’adoration des rutilantes carrosseries et des vrombissantes bielles pistonnées, dans le dernier bastion de la culture testosteronnée et du rinçage d’œil devant de sculpturales silhouettes. Ici on écoute plus l’harmonie des chevaux qu’on ne regarde le dégradé des micro-particules et des oxydes d’azote.
Enfin, c’est ce que je croyais !
Car, en l’an 16 du troisième millénaire, les preux chevaliers et leurs carrosses à 4 roues ne parlent plus que d’électrons, de batteries révolutionnaires, de véhicules plus verts que les plus vertes prairies d’une Normandie après un printemps arrosé, de zéro émission et de bien plus encore. Si Coluche avait été là, sûr qu’il nous aurait sorti un sketch à la mode du plus blanc que blanc.
En passant de stand en stand, on bat des records d’autonomie, 400 km ici, 500 là voire 700 ou 800 ailleurs. A croire que, ça y est, l’homme bascule définitivement dans le monde de l’« eco-friendly ». Le pétrole has been, avouant ses fautes sur l’autel de l’air pur, fait place au Lithium-ion forcément moderne. Bon, moi je veux bien, mais mon petit cerveau d’ingénieur me rappelle à l’ordre : « déconne pas coco (c’est le petit nom qu’il me donne), tu sais bien que la physique ne fonctionne pas tout à fait comme ça. Alors dit leur, toi ». Je crois que le patron de PSA avait aussi envie de faire de même, au travers d’allusions policées, mais on était au Mondial de l’automobile. Alors ça ne se fait pas, hein ? Mais moi, vulgaire petit chroniqueur au demeurant particulièrement jésuite sur les bords, je peux parler, non ?
Commençons donc par le commencement, à savoir les ordres de grandeur. Une voiture avec une autonomie de 4500 km, ça fait rêver et pourtant vous pouvez le faire dès demain sur votre voiture et quasiment sans surcoût. Pourquoi ? Parce que la moindre voiture électrique transporte 250 kg de batteries. Transformé en carburant, cela fait dans les 280 litres de gas-oil, soit, retraduit en autonomie, les fabuleux kilométrages annoncés. Car là est tout le problème du véhicule électrique : la densité énergétique, c'est-à-dire la quantité d’énergie par unité de poids. On l’exprime en Watt heure par kg (encore un machin pour frimer dans les dîners en ville). Ce que l’on doit retenir c’est
qu’elle vaut 10000 pour un kg d’essence et 200 pour une excellente batterie. Oui, oui, tu as bien lu ! 50 fois moins d’énergie dans l’électrique car la physique est têtue et refuse de substituer les mécanismes de combustion à ceux de l’électrochimie. Circulez, ya rien à voir.
Bon là, je sens déjà ton âme d’écologique en train de se pendre. « Dit chroniqueur, on peut pas tasser un peu plus les électrons ? Ils ne sont pas bien gros, tu sais ! ». C’est vrai que les batteries font d’énormes progrès mais il y a des limites ! Trop d’énergie, c’est comme trop d’alcool, on chope une cirrhose de batterie voire même on prend feu. Des smartphonistes célèbres en font l’amère expérience aujourd'hui . Ca court-circuite vite fait ces petites bêtes.
Et puis, parler de zéro émission polluante, c’est une pure vision de citadin. Il faut bien la produire quelque part cette électricité. Grosso Modo, si on passait le parc automobile français en électrique il faudrait utiliser environ une dizaine de centrales nucléaires EPR toutes les nuits ou, dit autrement en énergie propre, mobiliser tout le parc éolien allemand ou hydraulique français . On les viderait vite fait nos barrages. Autant dire que, dans la vraie vie, le véhicule électrique va générer du gaz à effet de serre avec les centrales à gaz ou à charbon … mais ailleurs ! Certaines études montrent même une augmentation du CO2. Un comble. Mais n’ayons pas une vision trop machiavélique. Les lobbyistes des deux bords agissent !
Car tout n’est pas si noir, loin de là. La Giga Factory de Tesla devrait faire plonger au moins d’un facteur 10 le coût des batteries. Le véhicule électrique récupère facilement l’énergie de freinage, il accélère mieux qu’une Porsche ou une Ferrari mais nécessite une conduite pépère gage de sobriété et de sécurité. Il réduit drastiquement les coûts d’entretien : un bonheur pour l’automobiliste mais une catastrophe pour les garagistes devenus électrotechniciens. Bref, l’électrique a un vrai avenir mais dans des conditions particulières et ne doit pas nous faire croire que nous sommes devenus d’un coup, d’un seul, des amis de la terre.
Tu vois bien ami lecteur, je ne te voulais aucun mal. Je te l’ai bien dit dès le début : « ne crois pas aveuglement tout ce que tu lis ». Entre le monde de l’annonce médiatique et celui de l’austère culture technique, il ya un fossé qui s’appelle la réalité physique. Un vrai bonheur car entre le blanc et le noir, il y a toute une nuance de verts, et ça, c’est bon pour les peintres, les poètes et … les innovateurs.
André Montaud
am@thesame-innovation.com
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