Mais quelle merveilleuse année,
nous venons de vivre !
Bon là, ami fidèle de ces lignes, soit tu lis en transversale cette chronique et il ne se passe rien. Soit tu compares le titre et l’intro et ton cerveau disjoncte instantanément. Et pourtant, l’année vingt-vingt est peut-être bien une des plus belles en terme de recherche. On disait que les français se désintéressaient des sciences et des technologies. Erreur majeure. Nous nous sommes tous transformés, en quelques mois, en spécialistes de l’ADN, de l’ARN messager et autre spike. Mieux encore, nous avons tous une opinion affirmée sur les virus et leur diffusion. Les commentaires concernant l’efficacité vaccinale se sont substitués à ceux sur la météo d’Evelyne Dheliat dans les discussions du café du commerce. Enfin, seulement à l’époque lointaine où les bars étaient ouverts.
Et pourtant ! Qui a
réellement compris la bataille qui se jouait à l’échelle de nos cellules ?
Les hackers d’internet font bien pâle figure à coté de ce combat sans merci.
Allez, un peu de révision ne nous fera pas de mal. L’ADN, c’est la star du
vivant. Une sorte de Bibliothèque Nationale de France, ultra protégée dans nos
cellules, qui possède notre partition de la vie. A côté, l’ARN fait l’effet
d’un petit être chétif, une collection Arlequin de roman de gare qui ne survit
que la durée d’un trajet en train. L’ARN, on le voyait comme une sorte de
photocopie traductrice qui allait dire à nos usines à protéines (les ribosomes)
quoi fabriquer. Ensuite, poubelle. Autant dire que pour un chercheur, il n’y
avait pas de gros intérêts à travailler dessus si on voulait réussir une
brillante carrière.
C’est là qu’intervient une
anachronique hongroise, Katalin Kariko. Elle a d’abord vécu dans une ville qui
aurait fait le bonheur des scrabblistes du dimanche : Kisujszallas. Sa
passion, c’est l’ARN messager. Mais cela intéresse tellement son labo de
Szeged, qu’elle s’en fait renvoyer. Elle décide alors de traverser l’Atlantique
avec son modeste pactole financier caché dans l’ours en peluche de sa petite
fille. A elle, l’Amérique et plus précisément l’Université de Temple à
Philadelphie qui lui tend les bras. Le rêve américain ?… Enfin pas
vraiment. Dans le pays du « business as usual », elle enchaine les
refus de bourses de recherche.
« C’est qui cette hurluberlue qui continue à vouloir travailler sur
l’ARN, alors que le futur est dans l’ADN ? »
Le coup de grâce tombe en 1995
lorsqu’elle est rétrogradée du rang de professeur à celui de simple chercheur.
Mais la dame s’accroche. En 1997, elle croise à la photocopieuse un certain
Drew Weissman qui travaille sur le VIH. A eux deux, ils découvrent le moyen de
protéger l’ARN synthétique afin de rentrer dans les cellules sans se faire
bousiller au passage. Un truc assez génial que l’on va retrouver dans les
vaccins et qui pourrait bien leur valoir un bon gros Nobel.
Mais je digresse, je digresse.
Donc, revenons à notre pauvre
virus affamé. Il n’a pas d’autres moyens que de rentrer tel un voleur dans les
cellules pour pirater les ribosomes grâce à ses ARN afin de détourner à sa
faveur, la fabrication des protéines dont il a besoin pour survivre. Il est
astucieux le bougre. Avec un petit crochet (spike), il s’agrippe à la cellule
avant de déverser sa cargaison à l’intérieur. Et c’est là que s’engage la
bataille dantesque : les ribosomes se mettent à produire en masse les
constituants qui vont donner en quelques heures des millions de particules
virales. Si notre système de surveillance ne détecte pas suffisamment tôt
l’intrus, nos cellules sont alors détruites en masse. C’est ce qui arrive avec
le SARS-CoV-2 qui n’a pas déclenché d’alarme intrusion car le corps ne le
connaissait pas.
Et c’est là qu’interviennent les
vaccins à ARNmessager. En gros, on injecte des ARNm avec le mode d’emploi pour
fabriquer des pathogènes ressemblant au virus. Là c’est de la très haute
technologie. L’ARNm est équipé d’une armure de graisse lui permettant de passer
la barrière de la cellule (l’innovation de dame Kariko). Puis il demande
gentiment à l’usine ribosome de fabriquer une protéine qui va ressembler au
spike du virus. Celle-ci va alors ressortir de la cellule pour entrainer le
système immunitaire à reconnaitre le danger et quand le vrai virus arrive, paf,
c’est le massacre à la mode Rambo. Car le système a de la mémoire, le
bougre : c’est encore mieux qu’un collier d’immunité dans Koh Lanta !
L’avantage de la technique, c’est
qu’elle est reconfigurable et que nos petits ARN messager sont rapidement
évanescents. Pfuit, ni vus ni connus !
Alors oui, cette chronique est bien le troisième volet de la saga coronavirage et
coronalphabet commencée il y a un an. Et si votre pervers chroniqueur l'a affublé du terme de "l’an foiré", c'est uniquement pour vous induire en erreur. Car l'an foiré existe vraiment mais en 2021 avec 4 des 11 jours fériés qui
tombent un WE.
Et là, franchement, aucun vaccin
ne pourra traiter cette malédiction !
André Montaud
montaudpro@gmail.com