samedi 2 septembre 2006

J’aime bien la rentrée !

Il y a, fin Août, un moment quasi hors du temps où le monde économique n’est pas encore sorti de son rythme estival, où les gens sont souriants et prévenants, où les voitures n’ont pas encore pris l’habitude de se remettre en position de chenille.


C’est pour cela que j’aime bien la rentrée.

Oh pas la rentrée scolaire car ma barbe grisonnante et mon comportement de bobo font que je me trouve dans la catégorie où la progéniture préfère se retrouver plus avec les potos qu’avec les parents (prononcer pôtô avec un plus gros accent circonflexe sur le premier o. Pour les ignares issus du vingtième siècle comme moi, ce mot peut approximativement se traduire par copain, en vieux français).

Non, moi la rentrée que j’aime bien, c’est la rentrée professionnelle. Celle qui va faire se retrouver les collègues du bureau :

- Les blancs : c'est-à-dire ceux qui ont déjà terminé leur vacances depuis un mois, les adeptes de la crème solaire indice 60, les stagiaires spéléologues, les œnologues ayant fait le tour des caves ou enfin les aoûtiens ayant pris leur vacances dans le nord, l’Ouest et l’Est de la France (on ne peut pas gagner tous les ans).

- Les foncés : c'est-à-dire ceux ayant éclusé le bassin méditerranéen ou le reste de la France (voir plus haut), les frimeurs spécialistes de l’autobronzant («incroyable, j’avais un micro climat au dessus de notre village de vacances »), les bricoleurs ayant abusé de la soudure à l’arc et les premiers ministres. Mais là, j’avoue, je n’en ai pas beaucoup dans mon entourage.

J’aime bien la rentrée car elle recrée autour de la machine à café, ce lien social si particulier qui va faire que votre équipe fonctionnera bien.

J’aime bien la rentrée même quand je franchis la porte de mon bureau car, sur la table, je trouve le courrier bien ordonné : « quel plaisir d’avoir des assistantes efficaces » !


Bon d’accord, en cumulé, il y a bien 1 mètre de papier mais je trouve le tas des urgents, le tas des « peut attendre », le tas des publicités, et le tas de mon journal économique préféré. Tiens c’est bizarre, il me semblait avoir suspendu mon abonnement pendant l’été ! Oui mais c’était sans compter avec l’acharnement marketing dû à un fichier indépendant de celui des abonnés et :

1- Qui m’a permis de recevoir gratuitement et comme offre de découverte, trois semaines de mon quotidien,
2- Qui me promet ensuite de recevoir la montre 36 aiguilles, l’enregistreur de message multi fonctions, la station météo qui dit la pluie et le beau temps
3- Qui m’assure enfin, si je suis sélectionné, d’un méga tour du monde dans les plus grands palaces.

Je ne s’avais pas que mon journal favori faisait aussi agence de voyages et grand bazar !

Tout cela est parfait et me permet de mener rondement et efficacement mes deux premières heures de travail.

Vient alors le moment d’allumer mon ordinateur. Et là, comme un réflexe, je serre les maxillaires, mon cou se raidit, un frisson parcours mon dos. Car le moment fatidique arrive : je vais ouvrir ma boîte à mails.

L’ordinateur pédale un peu, le réseau s’échauffe et l’écran imperturbable annonce, comme toujours, la catastrophe pourtant prévisible : « vous avez reçu 2416 messages ». Rapide calcul : je passe 10 secondes à lire chaque titre, je suis donc lancé pour 24160 secondes soit approximativement 7 heures sans pose, ni arrêt, pour uniquement reproduire informatiquement le tas des « urgents », des « peut attendre » et des « pubs ».

Bon, tant pis, en bon stakhanoviste de l’informatique, je plonge. Et là, je suis heureux de voir combien l’on me veut du bien :

- Untel me propose le Viiiiagra (avec 4 i pour tromper les logiciels anti spams) à des prix défiants toute concurrence
- Un autre m’offre 10% pour servir d’intermédiaire dans une opération visant à faire sortir d’un pays africain, les millions de dollars de son/sa pauvre père/mère atrocement attaqué par des rebelles
- Un troisième m’indique que mon prêt aux Etats-Unis a été accepté
- Un casino me propose gratuitement 3000 euros en fonction du montant que je mettrai sur son compte

Et ainsi de suite. Et là, je dis stop car je n’aime plus du tout cette rentrée. Combien d’heures sont ainsi perdues dans les entreprises pour retrouver au milieu de ce fatras de Spams, le mail du client qui attend sa réponse urgente ?

On nous avait promis un monde nouveau grâce à la révolution des TIC (Technologies de l’Information et des Communications). Alors expliquez-moi pourquoi j’ai une folle envie d’appuyer sur la touche « suppr » pour cet outil devenu complètement incontrôlable et dévoreur de temps ?

Que l’on me comprenne bien. Je serais plutôt du genre technophile curieux.

J’adore les CD qui m’ont permis de reproduire sans les gratouillis du vinyl l’ambiance des auditoriums et des salles de spectacles.
Je suis heureux de courir avec mon MP3 sur les oreilles
J’ai redécouvert les joies du « développement photo » avec les appareils numériques et les logiciels de traitement d’images
Je suis satisfait de la mobilité que m’apportent les ordinateurs portables.
Je suis même compréhensif face à la contagion du « Téou », vous savez cette maladie qui touche aussi bien la superbe naïade voisine de serviette sur la plage ou le cadre en costume trois pièces assis à vos côtés dans le TGV de 5h30 du matin, qui a, comme symptôme principal, le besoin irrésistible de localiser dans la seconde son petit ami ou son collègue de travail (« tu es où ? ») et qui entraîne comme effet secondaire la sortie en sursaut de votre torpeur estivale ou matinale. Vous souriez ? Vous les avez aussi rencontrés ?

Tout cela, c’est maîtrisable et sans gros danger !

Mais le Spam est devenu, à lui seul, une peste pernicieuse pour notre efficacité.

Je sais, certains vous diront que cela démontre un secteur d’activité pas encore mature. Mais en attendant la stabilisation, le Spam sature les tuyaux Internet, nos « mail box » et nos neurones.

D’autres affirmeront l’efficacité des logiciels anti-spams. C’est sans compter avec l’ingéniosité des spammeurs : bataille infini entre l’armure et l’épée et succès assuré pour le chiffre d’affaire et la côte en bourse des éditeurs de logiciels concernés !

Alors face à cette attaque des TIC prônons l’éthique de TIC. Rêve insensé dans un réseau mondial ? Bien évidemment, mais il faudra rapidement qu’un minimum de régulation se fasse si l’on ne veut pas voir disparaître cet outil fabuleux que représente le mail.

Devrons nous arriver à une FINUL de l’Internet pour séparer les spammeurs margoulins des utilisateurs professionnels ? L’urgence est criante même si elle vient du monde virtuel. Alors courage lorsque vous ouvrirez votre ordinateur et bonne rentrée.