Les informaticiens sont devenus en quelques années de redoutables joueurs de scrabble. Il est loin le temps du « bug » (6 points), ou plus récemment du blog ou du spam (tous les deux à 7 points). Voici venir l’ère du buzz, qui, avec ses 4 lettres, affiche fièrement 24 points, pouvant, avec un peu de chance et un mot compte triple, dépasser largement les 70 points ! Non vraiment, en rapport coût performance, il n’y a pas mieux que le buzz et certains l’ont bien compris !
Mais au fait, c’est quoi un buzz (prononcez « beuz »), vue que parmi les honorables lecteurs de cette newsletter, il n’y a pas que des bilingues français – Google ?
Le buzz est le résultat du mariage harmonieux du hoax, du blog et du spam.
Je vous vois déjà pâlir ! Vous avez décroché ! Le langage à la mode Internet est devenu hermétique. C’est normal. Tout clan se croit obligé de créer sa propre langue de spécialiste. Ne rigolez pas : vous faites de même.
Le hoax, c’est la rumeur diffusée sur la toile. Vous savez, celle à laquelle on se fait prendre au moins une fois et que vous rediffusez avec la plus grande bonne foi vers votre carnet d’adresse, ne faisant ainsi qu’amplifier ladite rumeur (exemple type : l’hôpital X qui a besoin en urgence de sang YY pour sauver la petite ZZ).
Le spam, lui, vous l’endurez, car il encombre vos boîtes aux lettres de messages de publicité.
Le blog enfin s’apparente au journal intime, sauf qu’il est ouvert à tous et que les internautes peuvent commenter vos messages. Il y a des blogs « fleur bleue », des blogs politiques, des blogs technologiques et bien d’autres encore. Et certains bloggeurs sont devenus de véritables maîtres à penser et de redoutables faiseurs d’opinion.
C’est là qu’a germé dans la tête des marketeurs, l’idée d’utiliser les bloggeurs pour hoaxer la bonne parole vers les communautés hyper spécialisées : le rêve devenu réalité avec un cœur de cible atteint à 100%. En utilisant le Buzz, comme un hoax « positif », on s’approprie les moyens les plus modernes du marketing viral ! Ce n’est plus la société qui prêche la bonne parole mais la communauté des internautes. C’est comme les chaînes épistolaires de notre enfance où l’on devait renvoyer un message à 10 amis, sauf que là, les amis sont des milliers.
Prenons 3 exemples.
Le « buzz de promesse » est admirablement maîtrisé par l’enseigne à la pomme, fabricante du Mac et autres gadgets technologiques. Le i-phone en est le dernier exemple. Comment vendre, en effet, un nouveau concept de téléphone qui, très accessoirement, sert à téléphoner. Steve Jobs jouait sur du velours car ce qui caractérise les Apple-maniaques, c’est leur technophilie exacerbée et leur appartenance quasi initiatique à la secte des croqueurs de pomme. Bref il a suffi de distiller vers les bloggeurs les plus influents quelques infos exclusives dans les 6 mois précédents la sortie de l’objet déjà choyé et, par le miracle de la contagion Interneto-virale, l’achat frénétique était quasi assuré. Encore fallait-il que le gadget tienne ses promesses, mais là, c’était la culture maison qui était à l’œuvre.
Cas plus surprenant, le « buzz de tendance » qui va d’abord surfer sur une attente sociétale. L’exemple type est le manger sain. Le gras est à bannir, l’essentiel est dans l’entretien du corps et tant pis si notre gastronomie en prend un coup ! La frite, compagne de toujours de notre steak national doit déguerpir de l’assiette et au plus vite … sauf si on peut réussir des frites sans matière grasse. Surfer sur cette tendance du sain, voilà qui a dû donner bien des maux de tête aux ingénieurs du groupe Seb … mais voilà, ils ont réussi leur coup. Connaissez-vous Actifry, la friteuse sans huile ? Non ? Et pourtant c’est l’un des tous derniers grands succès de l’electro-ménager. Des ventes d’un produit grand public qui explosent presque sans publicité : possible en mariant une véritable innovation technologique avec un incroyable buzz sociétal. Hormis la qualité intrinsèque du produit, je suppose que la rapidité du succès fait suite à un repérage des gourous ménagers et autres Weight Watcher, et à une « instillation », en avance de phase, d’une information privilégiée et crédible (Tefal du même groupe avait déjà fait le coup de la poêle qui n’attache pas, même sans huile). C’est là toute la magie des nouvelles technologies, qui permettent à l’information d’aller là où elle sera audible. Faites un tour sur Internet et vous serez surpris par le nombre de forums parlant de cette friteuse hors du commun. Car au-delà du buzz, les designers ont aussi joué un rôle essentiel. Dans la friteuse à panier de nos grand-mères on voyait l’huile dorer progressivement la patate découpée. Avec l’ère du manger moins gras, la friteuse est devenue hermétique et sans odeur : on cache le gras. Aujourd’hui, la friteuse sans huile se pare d’un immense hublot afin de pouvoir montrer, avec fierté, la magie opérer ! (Bon j’arrête là ma campagne de pub, sinon cela va paraître suspect. Toutefois, cher Monsieur SEB, pour la commission commerciale, vous pouvez m’appeler à tout moment !)
Reste afin le « Buzz de rêve » ! Lorsque M. Harold, nom bien évidemment inventé, responsable d’un office de tourisme, est rentré dans une agence de publicité, il a dû en étonner plus d’un. Voici une tentative de reproduction du dialogue qui a pu exister.
- Bonjour M. Harold. Que puis-je pour vous ?
- Je voudrais faire de la publicité
- C’est normal, nous sommes là pour ça ! Et qu’elle est votre cible client ? La région ou le pays ?
- Non, le monde entier et en plus je veux avoir les meilleurs créneaux en « Prime Time ».
A l’intérieur de l’agence, je pense qu’à ces mots, un court instant de silence absolu a dû parcourir les bureaux.
Retrouvant son professionnalisme, l’agent a sans doute expliqué, de manière docte et courtoise, le coût d’une campagne mondiale qui se chiffre en un sacré paquet de millions de dollars et que seuls quelques majors peuvent se payer.
- Et vous, Monsieur, votre budget est de combien ?
- 100 000 dollars et pas un de plus.
Vous pensez que tout cela n’est que délire. Et Pourtant M. Harold a eu tous les prime time du monde et, en plus, hors des fenêtres de pub, lui assurant de fait une notoriété exceptionnelle.
M. Harold est responsable de l’office touristique de Queensland en Australie et a « inventé » le métier de gardien de la grande barrière de corail rémunéré 76500 euros + villa de fonction. Avec ce rêve à l’allure de fantasme universel, le buzz a fait rapidement le tour de la planète, relayé par toute la presse, créant pour moins de 100 000 dollars une notoriété à faire pâlir de jalousie les Coca Cola et autres Procter et Gamble.
Le Buzz est de fait, une arme redoutable au service des entreprises qui savent le maîtriser. Outil idéal dans un monde où la crise économique réduit de manière drastique les budgets de communication, son emploi avec succès nécessite toutefois de respecter deux règles :
- Etre le premier a avoir la « bonne idée ». Le buzz est unique. Il n’y aura qu’un buzz i-phone et les autres i-machins de Samsung, LG et autres Nokia ne pourront profiter du même impact.
- Etre capable de tenir la promesse évoquée dans le buzz, sinon gare au tsunami en retour, dont la puissance destructrice sera dévastatrice pour l’image de la société. Car un buzz marche dans les deux sens.
Le buzz aujourd’hui est encore balbutiant. S’il connaît ses premiers succès vers le grand public, il reste à inventer le buzz des marchés Pro. Mais l’objectif est le même, car, qu’il soit adepte des linéaires de grandes surfaces ou acheteur de grand groupe, vous serez toujours heureux lorsque votre client, parlant de votre nouveau produit, s’exclamera enfin : « vous êtes désirable »