lundi 25 juillet 2011

Elle ...

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Si, Elle, était musique, Rachmaninov lui aurait dédié un cinquième concerto pour piano : immense, langoureux et nostalgique.

Si, Elle, était tableau, les pinceaux de Monet l’auraient imaginée dans une fulgurance de couleurs.
Si, Elle, était modèle, Rodin en aurait fait une déesse, sublime, torturée et puissante.

Mais, Elle, était d’un autre temps.

Alors, Elle, devint Aile.

Je la vis, pour la première fois, un beau jour de printemps, à un âge où tous les impossibles sont des possibles à découvrir. Sa silhouette immaculée et racée n’était qu’une incitation au voyage.
Déjà, Elle ne savait partir que dans un torrent de bruit, de lumière et de feu. Etonnante créature qui ne vivait pourtant que pour le froid, le silence et la nuit. Dans son voyage autour du monde, tel un petit prince, Elle, aimait la dizaine de levers et de couchers de soleil journaliers.

J’en devins sa groupie, écoutant sa voix crachotante sur des ondes fragiles.

J’admirais ses impossibles retours, où après être devenue la plus torride et la plus brillante des étoiles, Elle, arrivait en un majestueux et infini vol plané. L’Homme, pour l’accueillir lui construisit la plus large des autoroutes, commençant nulle part, pour terminer ailleurs. Elle était, pour beaucoup, le cormoran, volant vers de cieux inaccessibles, la Caravelle de Colomb modernes, le cargo courageux affrontant les dangers. Car sa vie, croisa parfois la mort. Par un matin glacial, sa trajectoire parfaite, soudain, se figea en un immense champignon. Bien plus tard, alors que les premiers rayons de l’astre d’un autre jour n’avaient pas encore froissé la robe de la nuit, Elle, se transforma en éphémères comètes : Fille des Etoiles à jamais.

Mais, comme un Phénix, toujours, Elle, renaissait.

Elle, devint notre œil, plus perçant que le plus perçant des regards, scrutant bien plus loin que l’au-delà, là où le noir est plus noir que noir.
Elle, devint nos oreilles, nous offrant une terre de communications.
Elle, devint notre artiste, transmettant les chefs d’œuvres de galaxies lointaines.
Elle, devint notre maçon, construisant une maison du monde, véritable cité de Babel, imaginée à une période, pas si lointaine, où les points cardinaux de l’Est et de l’Ouest ne se vivaient qu’au travers d’un mur. Ceux qui depuis l’habitent, savent que, loin d’être une utopie, Elle, avait compris, avant l’heure, que la seule frontière réelle est celle séparant le bleu de la vie et l’ébène du vide sidéral.

Mais un jour fatidique, Elle, sut que le dernier décompte serait le grand Final.

Alors, dans une tournée d’adieu, silencieuse, Elle, nous salua tous, des pôles à l’équateur, n’oubliant personne, des plus grandes métropoles aux plus reculés des déserts.

Je l’admirais encore et toujours, regardant maintenant son fier carénage, sur mon écran d’ordinateur, en Haute Définition.

Puis vint cette belle journée d’été où, sur une piste immaculée, telle une fleur fanée, la corolle de son parachute rouge et blanc, une dernière fois, se dégonfla.

Elle se croyait oiseau du ciel.

Elle ne fut jamais qu’un génial prototype fait de brique et d’acier, née de la main de l’Homme pour assouvir son insatiable besoin d’explorer.

Elle s’appelait Columbia, Challenger, Discovery, Entreprise ou Endeavour.

Elle fut ma secrète aventure de 30 ans. Ce n’était qu’une Navette … mais elle m’a fait rêver.

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