mercredi 10 septembre 2014

Le futur a-t-il encore de l’avenir ?



Oh Chaahk, Oh Tlaloc, Oh Anzar, Oh Tanaris, oh Néréides bienfaisantes, oh Saint Odon et Saint Victor, mais que vous a-t-il pris ? Êtes-vous tous tombé sur la tête ? Quel message céleste nous avez-vous adressé ?
-          Regardez ce pauvre hère malheureux, dégoulinant sous son parapluie !  Un « pigeon » attiré par les prix bas, parti pour un trek himalayen en pleine période des moussons ? Que nani : il parcourt seulement le GR7 en plein été au cœur des Cévennes.
-          Découvrez ces blanches mines de retour de vacances !  N’allez  pas imaginer qu’elles sont le fruit d’explorations spéléologiques de caveaux vinicoles ou de grottes profondes. Elles appartiennent à des gens consciencieux et responsables, qui, pour ne pas déstabiliser un peu plus la balance nationale des paiements ont choisi de privilégier un repos estival franco-français.
-          Admirez cette trace dans une neige poudreuse à la fin du mois d’aout ! Là, je sais, vous enviez ces privilégiés qui peuvent s’offrir, les veinards,   un début de saison de ski austral sur un volcan de Nouvelle-Zélande. Mais non, cela se déroule sur un proche glacier de l’Oisans.

Vraiment, dieux et saints patrons  experts du climat, avec ce déluge quasi perpétuel, vous nous avez pourri notre été. Alors, après, quand il faut se remettre au boulot et sortir une chronique, et bien, il arrive, ce qui doit arriver : des titres déprimants,  à faire pâlir d’anxiété les meilleurs cerveaux issus de la rue d’Ulm, de l’école des Chartres et de l’ENA réunis.

-          « Le futur  a-t-il encore de l’avenir ? » Je sais bien que, dans la classe politique, certains doivent se poser avec anxiété cette redoutable question en cette rentrée de septembre, mais faire endurer cela à votre émérite chroniqueur, c’est du pur sadisme machiavélique.
-          « Le futur  a-t-il encore de l’avenir ? » Mais qu’est-ce que j’en sais moi ? Mon futur proche c’est d’être capable de sortir cette fichue chronique innovation. Alors mon avenir à moi, c’est la peur de la feuille blanche… A moins que je ne trouve un plan ! Et c’est là que Saint François, patron des scribouillards de ma race me fit un signe. En fait, pour être totalement honnête, il a agi par l’intermédiaire de sainte BFM, la radio du tout éco.

En ce matin matinal, entre le brossage de dents et la tonte capillaire, un message percuta quelques uns de mes neurones endormis. On parlait des plans d’avenir et en particulier d’usine du futur, robotique compris. « Mais tu l’as, là, ta chronique» me dis-je soudain tout autant émoustillé que mouillé. « C’est dans ton cœur de cible. Du tout bon mon coco ! »

Bon, pour ceux qui vivent dans la banque, la production du petit crème du matin, la réparation du chauffe-eau qui a inondé toute la maison pendant les vacances, la cueillette de pommes et bien d’autres métiers passionnants, bref, tous ceux qui ne sont pas dans l’industrie, il faut que je vous remette rapidement au goût du jour. Il y a quelques années, un certain nombre de grandes têtes pensantes ont émis l’idée que l’usine, c’était ringard et totalement dépassé (heureusement il y eut quelques désobéissants et autres sourds d’oreille). Donc, haro sur la bête et barre à fond sur les services, paradis merveilleux du 3ème millénaire pour notre mode occidental exemplaire. C’était l’axiome de « l’entreprise sans usine » et du « à nous les blouses blanches de la recherche et à eux les cheminées qui puent et qui fument ». Sauf qu’à trop vouloir jouer à qui perd-gagne, on perd toujours ! Et c’est ainsi que ces « petits » qui émergeaient sont devenus des grands. La  Chine, par exemple, est  le premier déposant de brevets : drôle d’idée pour un pays qui devait être simplement l’usine du monde.

 Retour aux têtes bien pensantes qui se disent : « houla, houla,  ya comme un bug dans le logiciel. Voila t’y pas que le dosage industrie, service, tourisme, agriculture est à revoir » ?  Bref une répartition de risque, style gestion de bon père de famille. Et c’est là que nait « le concept », l’idée révolutionnaire tellement hyper méga géniale que même la ménagère de 50 ans va y adhérer, j’ai nommé : l’USINE DU FUTUR ou FoF pour ceux qui veulent faire anglophile, (FoF = Factory of the Future), à moins que vous ne préfériez industrie 4.0 ou smart industry.

Un vrai fourre-tout. On parle beaucoup de l’impression 3D, ces fameux FabLab, certes ultra médiatiques mais qui ne s’appliquent pas à tout. A l’inverse, l’usine communicante tout numérique qui est une révolution au moins aussi importante que les progiciels des années 2000, ne fait fantasmer que les spécialistes, alors qu’elle est à la base  de l’usine flexible, reconfigurable et quasi auto maintenable. Car c’est bien cela qui caractérise ce futur : des usines probablement plus petites, plus proches de leur clients, très automatisées et reconfigurables à souhait. Le slogan de la première Twingo était « inventons la vie qui va avec ». Ici le bureau d’étude en concevant le produit inventera la chaine de production qui va avec. Mieux encore, cette chaine pourra  intégrer des cobots, terme désignant des robots collaboratifs, collègues sympathiques interagissant avec l’opérateur. Enfin, sympa, ça reste à prouver … au moment de la pause café !

Pourtant, et c’est là ma grosse interrogation, ces énormes projets de recherche (on parle ici en milliard d’euros) ciblent avant tout la techno. Après «l’entreprise sans usine » verra-t-on  « l’usine sans homme » ?  Une aberration évidente qui me fait évidemment hurler, tant il est vrai qu’une usine du futur qui marche est avant tout une usine basée sur l’intelligence de ceux qui l’habite au quotidien. Automatiser pour supprimer les taches répétitives ou pénibles est un devoir absolu. Mais répondre très vite à des attentes d’un client zappeur de plus en plus versatil, c’est avant tout s’appuyer sur l’agilité de l’homme qui s’adapte bien mieux que toute machine aux environnements chaotiques et mouvants, et sait trouver localement les solutions adéquates.


Le futur  a-t-il encore de l’avenir ? Ca c’est une question bien  trop compliqué pour mon petit cerveau. Mais ce dont je suis convaincu c’est que l’usine du futur aura un avenir si elle sait mettre l’Homme en son cœur. C’est même plus qu’une conviction : un dogme, évidemment non négociable !