Les aiguilles de glace aiguisent soudain tous les sens de la peau. Les
perches fouettent l’air dans un bruit métallique. Les câbles glissent
silencieusement sur des poulies trop bien huilées …
50 nuances de grey |
- Hola, hola pervers chroniqueur qui m’attire
toujours dans des chemins sans issu, tu ne crois quand même pas que je vais
tomber une nouvelle fois dans le panneau ? Là, tu nous parles de ta
dernière sortie de ski et, malgré le titre de ton message, je sais bien que tu
es incapable de résumer en 3500 signes un pavé de 560 pages. Alors, il te
faudra d’autres ruses si tu veux que ta chronique soit publiée.
Damned, me dis-je, tel un Sherlock Holmes fier de son jeu
d’énigmes à tiroirs et qui se trouve démasqué par un Colombo redingoté dans sa 403 cabriolet. Comment
réagir dans une situation aussi extrême ?
- Et si, redoutablement perspicace redac’chef, je te parle de #IoT et de #FoF, ça te va ?
- Ah non ! Pas de nouveaux ustensiles
sadomasochistes ! Ici tu dois faire du sérieux. C’est une page sur
l’innovation, pas sur tes travers lubriques. Mais #IoT, c’est de l’innovation, de la vraie.
Et si je te concède bien volontiers qu’il faut une certaine dose de masochisme
pour aller à contre courant de la pensée dominante lorsqu’on est innovateur
patenté, là, je te promets, je reste sur le droit chemin.
- - Bon, et bien allons y. De toute façon, tu n’en feras qu’à ta tête, toi qui prône la désobéissance comme une vertu de l’imagination débridée.
- - Bon, et bien allons y. De toute façon, tu n’en feras qu’à ta tête, toi qui prône la désobéissance comme une vertu de l’imagination débridée.
Alors tant pis, adieu le best seller
libertin : ami lecteur, nous voilà embarqués dans une révolution à hashtag(#).
Quelle idée m’a pris de choisir comme tête de gondole un #IoT (prononcez « Aïe Ao Ti ») ?
Pour tous ceux qui ne sont pas familiers de ce jargon de sigles, il s’agit de
l’abréviation de « Internet des Objets », en version
grande-bretonnante. Et même si je ne connais sacrément rien à #IoT et aux objets connectés, je penserais volontiers
que c’est encore un machin de geek qui va faire Pschitt comme les cadres vidéo
photo et les télés 3D, déjà relégués au cimetière des technologies obsolètes.
Et puis connecté à quoi ? Mes ampoules, elles sont connectées à la
centrale nucléaire par des kilomètres de cuivre. Le chien de mon voisin est
connecté à son maître par une laisse déroulante. Pour quelques centaines
d’euros, mes aïeux se connecteraient sans problème par table tournante
interposée, si j’en crois le tout dernier prospectus de madame Irma, au fond de
la boite aux lettres.
Alors du connecté, je ne vois
vraiment pas comment en tirer la moindre innovation. Et c’est là que le miracle
se produisit en la personne d’un dossier au titre évocateur « objets
connectés, attention usine à données » reçu par voie postale. Même si je ne
suis pas adepte de spiritisme, je vais finir par croire que mes ancêtres
connectés, voyant ma peine, ont préféré la boite à courrier au mobilier
circulaire pour me soulager !
Après quelques heures de lecture
et de surf sur Internet, je compris que le sujet était du tout bon. Je vous la
fait en court. Au départ, il y a de l’électronique et des capteurs qui se font
de plus en plus petits, à tel point que l’on peut en équiper tout type d’objet :
de la raquette de tennis à votre compteur d’eau qui deviennent du coup,
intelligents. Il y a ensuite les
« tuyaux » qui doivent véhiculer toutes les données produites, notre
fameux #IOT. Et enfin, les lieux de stockage et de traitement. Voilà brossée la carte du nouvel eldorado : un
triptyque reliant objet, réseau et big data, où chacun veut sa part du gâteau.
Encore faut-il que les clients
veuillent du gâteau ! Jusqu’à l’arrivée de l’Apple Watch, le marché des
montres connectées ne faisait pas vraiment frétiller les foules. Après quelques
semaines/mois, les utilisateurs se lassaient rapidement de ce mesureur de
calories, de pas, de km, générateur de complexes. Idem pour les lunettes Google, qui, au-delà de leur prix
excessif, ont effrayé les plus convaincus par leur côté potentiellement
intrusif. Car c’est bien là, le problème ! Pourquoi a-t-on besoin d’un
objet connecté dans la vie de tous les jours ? Une balance qui en fonction
de mon poids me fera des suggestions dans ma liste de course pour le
drive ? Ou un pneu qui m’indiquera sur le tableau de bord son nécessaire
remplacement ? J’en veux ou j’en veux pas ? Toutes les réponses sont
bonnes. La partie intéressante de l’iceberg (connecté) est ailleurs ! C’est
dans le domaine professionnel que cette technologie prend tout son sens. Un
futur lointain ? Pas sûr ! Savez-vous que le trafic Internet est maintenant
plus important entre machines qu’entre homme et machine ? L’usine du futur
sera massivement connectée pour optimiser les productions et les périodes de
maintenance. Idem pour la ville ou la maison bardée de capteurs dans une chasse
incessante aux gaspis de tous ordres. Les champs à investir sont infinis et
font frétiller bien des centres de recherche et … des directeurs financiers.
C’est bien pour cela que la
guerre s’annonce immense et, comme on dit dans le Seigneur des Anneaux,
« le sang va couler avant l’aube ».
Bagarre sur les protocoles de communication
qui répondent à des noms aussi «rigolos » que http, COAP, AMQP, Zigbee (oh
les gars, faudrait être un peu plus créatifs). Bagarre des tuyaux Wifi, 2G, 3G,
4G, 5G ou ISM (« oh les gars… » Bis). Bagarre de l’énergie, car,
franchement, qui acceptera encore recharger tous les jours son objet
connecté ? Bagarre des données où les grands de l’informatique regardent
avec gourmandise la masse de « datas » qui s’accumulent et qui, telle
une pierre philosophale, renferment des informations cachées à très forte
valeur ajoutée.
Bagarre enfin de « qui est
le patron ». C’est le cas de la maison individuelle où le fabricant de
systèmes domotiques, l’opérateur téléphonique, l’électricien et quelques autres voudraient être maître des
lieux. Sous entendu, les autres payeront une redevance, qui, même de quelques
centimes par unité, représente des millions de milliards à l’échelle d’un continent.
Tout celà est très loin d’une
doucereuse belle au bois dormant, mais le monde connecté est ainsi : à
deux faces. D’un coté la magie/la peur du service. De l’autre la guerre
économique des standards et des territoires.
Le connecté : conte de fée
et conte de fouet … tout comme 50 Nuances de Grey ! Alors, elle n’est pas
sado maso l’innovation ?