lundi 2 mars 2015

50 Nuances de Grey


Les aiguilles de glace aiguisent soudain tous les sens de la peau. Les perches fouettent l’air dans un bruit métallique. Les câbles glissent silencieusement sur des poulies trop bien huilées …

50 nuances de grey


-    Hola, hola pervers chroniqueur qui m’attire toujours dans des chemins sans issu, tu ne crois quand même pas que je vais tomber une nouvelle fois dans le panneau ? Là, tu nous parles de ta dernière sortie de ski et, malgré le titre de ton message, je sais bien que tu es incapable de résumer en 3500 signes un pavé de 560 pages. Alors, il te faudra d’autres ruses si tu veux que ta chronique soit publiée.

Damned, me dis-je,  tel un Sherlock Holmes fier de son jeu d’énigmes à tiroirs et qui se trouve démasqué par un  Colombo redingoté dans sa 403 cabriolet. Comment réagir dans une situation aussi extrême ? 


-  Et si, redoutablement perspicace redac’chef,  je te parle de #IoT et de #FoF, ça te va ?
    - Ah non ! Pas de nouveaux ustensiles sadomasochistes ! Ici tu dois faire du sérieux. C’est une page sur l’innovation, pas sur tes travers lubriques. Mais #IoT, c’est de l’innovation, de la vraie. Et si je te concède bien volontiers qu’il faut une certaine dose de masochisme pour aller à contre courant de la pensée dominante lorsqu’on est innovateur patenté, là, je te promets, je reste sur le droit chemin.
-   - Bon, et bien allons y. De toute façon, tu n’en feras qu’à ta tête, toi qui prône la désobéissance comme une vertu de l’imagination débridée.

 Alors tant pis, adieu le best seller libertin : ami lecteur, nous voilà embarqués dans une révolution à hashtag(#). Quelle idée m’a pris de choisir comme tête de gondole un #IoT (prononcez « Aïe Ao Ti ») ? Pour tous ceux qui ne sont pas familiers de ce jargon de sigles, il s’agit de l’abréviation de « Internet des Objets », en version grande-bretonnante. Et même si je ne connais sacrément rien à #IoT et  aux objets connectés, je penserais volontiers que c’est encore un machin de geek qui va faire Pschitt comme les cadres vidéo photo et les télés 3D, déjà relégués au cimetière des technologies obsolètes. Et puis connecté à quoi ? Mes ampoules, elles sont connectées à la centrale nucléaire par des kilomètres de cuivre. Le chien de mon voisin est connecté à son maître par une laisse déroulante. Pour quelques centaines d’euros, mes aïeux se connecteraient sans problème par table tournante interposée, si j’en crois le tout dernier prospectus de madame Irma, au fond de la boite aux lettres.
Alors du connecté, je ne vois vraiment pas comment en tirer la moindre innovation. Et c’est là que le miracle se produisit en la personne d’un dossier au titre évocateur « objets connectés, attention usine à données » reçu par voie postale. Même si je ne suis pas adepte de spiritisme, je vais finir par croire que mes ancêtres connectés, voyant ma peine, ont préféré la boite à courrier au mobilier circulaire pour me soulager !

Après quelques heures de lecture et de surf sur Internet, je compris que le sujet était du tout bon. Je vous la fait en court. Au départ, il y a de l’électronique et des capteurs qui se font de plus en plus petits, à tel point que l’on peut en équiper tout type d’objet : de la raquette de tennis à votre compteur d’eau qui deviennent du coup, intelligents.  Il y a ensuite les « tuyaux » qui doivent véhiculer toutes les données produites, notre fameux #IOT. Et enfin, les lieux de stockage et de traitement. Voilà brossée  la carte du nouvel eldorado : un triptyque reliant objet, réseau et big data, où chacun veut sa part du gâteau.

Encore faut-il que les clients veuillent du gâteau ! Jusqu’à l’arrivée de l’Apple Watch, le marché des montres connectées ne faisait pas vraiment frétiller les foules. Après quelques semaines/mois, les utilisateurs se lassaient rapidement de ce mesureur de calories, de pas, de km, générateur de complexes. Idem pour les  lunettes Google, qui, au-delà de leur prix excessif, ont effrayé les plus convaincus par leur côté potentiellement intrusif. Car c’est bien là, le problème ! Pourquoi a-t-on besoin d’un objet connecté dans la vie de tous les jours ? Une balance qui en fonction de mon poids me fera des suggestions dans ma liste de course pour le drive ? Ou un pneu qui m’indiquera sur le tableau de bord son nécessaire remplacement ? J’en veux ou j’en veux pas ? Toutes les réponses sont bonnes. La partie intéressante de l’iceberg (connecté) est ailleurs ! C’est dans le domaine professionnel que cette technologie prend tout son sens. Un futur lointain ? Pas sûr ! Savez-vous que le trafic Internet est maintenant plus important entre machines qu’entre homme et machine ? L’usine du futur sera massivement connectée pour optimiser les productions et les périodes de maintenance. Idem pour la ville ou la maison bardée de capteurs dans une chasse incessante aux gaspis de tous ordres. Les champs à investir sont infinis et font frétiller bien des centres de recherche et … des directeurs financiers.

C’est bien pour cela que la guerre s’annonce immense et, comme on dit dans le Seigneur des Anneaux, « le sang va couler avant l’aube ».

Bagarre sur les protocoles de communication qui répondent à des noms aussi «rigolos » que http, COAP, AMQP, Zigbee (oh les gars, faudrait être un peu plus créatifs). Bagarre des tuyaux Wifi, 2G, 3G, 4G, 5G ou ISM (« oh les gars… » Bis). Bagarre de l’énergie, car, franchement, qui acceptera encore recharger tous les jours son objet connecté ? Bagarre des données où les grands de l’informatique regardent avec gourmandise la masse de « datas » qui s’accumulent et qui, telle une pierre philosophale, renferment des informations cachées à très forte valeur ajoutée.

Bagarre enfin de « qui est le patron ». C’est le cas de la maison individuelle où le fabricant de systèmes domotiques, l’opérateur téléphonique, l’électricien  et quelques autres voudraient être maître des lieux. Sous entendu, les autres payeront une redevance, qui, même de quelques centimes par unité, représente des millions de milliards à l’échelle d’un continent.

Tout celà est très loin d’une doucereuse belle au bois dormant, mais le monde connecté est ainsi : à deux faces. D’un coté la magie/la peur du service. De l’autre la guerre économique des standards et des territoires.

Le connecté : conte de fée et conte de fouet … tout comme 50 Nuances de Grey ! Alors, elle n’est pas sado maso l’innovation ?


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