J’aurais voulu écrire une belle
chronique, en ce début d’année.
J’aurais voulu vous parler de
l’enthousiasmante génération geek. Vous savez, celle de ces anciens jeunes boutonneux,
biberonnés à l’Internet et qui communiquent à l’autre bout du monde (ou de la
table) par écran interposé. On les disait solitaires, superficiels, incapable
de coopérer. Ils ont fait taire la vieille économie, en s’unissant à la vitesse
de la lumière et avec une énergie
débordante autour du concept de FrenchTech.
Magique innovation qui apparait là où on ne l’attend pas !
J’aurais voulu rugir mon
agacement lorsque j’ai entendu, avant Noel, que l’efficacité des équipes opérationnelles des pôles de compétitivité
se jugeait, à nouveau uniquement, sur le
nombre de projets de recherche. Drôle d’idée réductrice de l’innovation :
où est donc passé cette belle promesse de l’« usine à produits », créatrice
de valeur et de satisfaction client ?
J’aurai voulu vous peindre
l’Innovation avec les couleurs de l’arc en ciel. Car l’innovation est belle, multiple
et inclassable, parfois technique, parfois service, parfois usage, parfois
organisationnelle, mais toujours humaine.
J’aurais voulu vous dire la
passion d’être innovateur. Ce métier d’éternel adolescent où l’on doit
canaliser son énergie créative et cultiver avec soin la révolte face aux
standards et aux « on a toujours fait comme ça ».
J’aurais voulu écrire une belle
chronique, en ce début d’année…
… J’aurais surtout voulu ne
jamais vivre ce funeste 7 janvier 2015.
J’aurais voulu ne pas voir de
blessés et de morts. J’aurais voulu ne pas avoir à entendre leurs noms.
Non pas toi, Wolinski, que je
lisais en cachette sous les draps, à la lueur d’une lampe électrique, de peur
de me faire attraper par mes parents.
Non pas toi, Cabu, qui a appris à
la jeune génération adulte, les délices de l’autodérision en dessinant des nez
en trompette à l’animatrice vedette du club Dorothée dont tu étais l’un des
déjantés animateurs.
Non pas toi, Oncle Bernard dont
la fougue économique sur France Inter arrivait à me sortir des dernières brumes
nocturnes, à l’heure où la tête a encore naturellement tendance à plonger
directement dans le bol de café.
Non pas vous, tous les autres,
qui faisiez un journal à nul autre pareil. Si je suis plus Canard que Charlie, mon
regard furtif m’a pourtant souvent fait bidonner sur vos unes
« révoltantes » dans les kiosques à journaux.
J’aurais voulu vous dire que ce
qui caractérise le mieux l’Homme, c’est son extraordinaire capacité à penser. Sans
l’Homme, pas de philosophie, de mathématiques ou …d’humour. Mais l’humour a
cela de particulier qu’il peut être tout
autant dangereux lorsqu’on le prend brut
de décoffrage, que délicieux lorsqu’on le savoure au second ou au troisième degré.
J’aurais voulu leur dire, à
Amedy, Cherif et Saïd, ces trois salauds qui ont cru pouvoir voler l’âme d’un pays
avec des armes, que mort de rire, ne devait jamais être pris au sens littéral du
terme.
J’aurais voulu vous faire sourire,
mais je n’ai pas su. Il est écrit qu’un homme, un « vrai », ne doit
jamais pleurer. J’ai tout faux
aujourd’hui : j’ai la gorge serrée et les joues humides.
Alors, comme cette chronique ne pourra pas
exister. Comme ma main n’a pas l’agilité
du caricaturiste, je vous propose de
passer du temps à regarder les innombrables dessins qui ont fleuri sur la
toile, tout autour de la planète : un printemps en hiver, pour donner des
couleurs au noir qui nous envahissait. C’est le miracle de Charlie qui, face aux
sourdes détonations, a vu se lever la Révolte des Crayons. Et si, malgré ce chagrin d’un pays tout
entier, j’arrive à vous formuler un vœu, un seul, pour 2015, ce sera celui de
toujours privilégier la mine à la gomme. C’est la seule qui crée et qui laisse
une trace indélébile au cœur du papier !
J’aurai voulu écrire une belle
chronique en ce début d’année…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire