Cette chronique vient de la rencontre récente au CERN avec le Dr Fisherman responsable des premiers tests du LHC : « nous sommes face à une machine capable d’arrêter le temps, mais nous ne savons ni pourquoi ni comment elle fonctionne !».Déjà connu sous le nom d’effet SALMON, ce phénomène méritait bien cette newsletter dans notre série alliant l’innovation et la gastronomie. Après le champagne et RH des chercheurs, le miel et la maîtrise du changement, voici l’épisode 3 : saumon et gestion du temps
Au départ, des détecteurs … qui ne veulent rien détecter !
Le CERN est entré dans la phase de test de son nouvel instrument, le LHC (large hardon collider) dont la mise en service est prévue dans le courant de 2008. Instrument exceptionnel ne serait-ce que par la taille du détecteur principal (plusieurs dizaines de mètres) ou par la nature des technologies mises en œuvre (l’accélérateur est équipé sur plus de 27 km en aimants supra conducteurs fonctionnant à – 271°C).
Mais comme souvent, la Science réserve des surprises non prévues dans les théories les plus sophistiquées. Il en est ainsi des premiers tests de l’accélérateur de particules démarrés au début d’année et dont l’annonce officielle des résultats dans les prochains jours promet un véritable cataclysme, scientifique et médiatique.
Rappelons les faits.
Début Janvier, l’émission des premiers faisceaux de particules devait permettre de tester la qualité de la focalisation et notamment de vérifier le bon fonctionnement des aimants supra conducteurs « guidant » les faisceaux. Pour se faire, un détecteur provisoire était installé sur le « chemin » du faisceau après les accélérateurs (système d’insertion linéaire, et anneau circulaire). Les premiers résultats ont été surprenants puisque les détecteurs… ne détectaient rien !
Les physiciens ont alors cru à un dysfonctionnement majeur des aimants dont la technologie représente un véritable défi. Pourtant, après contrôle des 27 kilomètres de tunnel, le diagnostic concluait à un fonctionnement correct. Selon le physicien Peter Fisherman, responsable de cette phase de test, « la période devenait critique car le problème rencontré ne rentrait dans aucun des schémas prévus ou prévisibles. Il nous fallait donc concevoir en urgence de nouvelles procédures, permettant de pister le faisceau de particules. Travaillant nuit et jour, nos électroniciens et mécaniciens ont conçu en moins de deux semaines un détecteur mobile léger que nous avons positionné sur des points stratégiques de l’accélérateur».
Des particules qui n’en font qu’à leur tête !
A partir de ce moment, les découvertes, pour le moins déroutantes, ont été au centre de toutes les discussions dans les couloirs du CERN. Comme le dit le Dr Fisherman, «tout se passait comme si le faisceau quittait bien le générateur de particules, parcourait une partie de l’accélérateur puis, pour une raison inconnue, rebroussait chemin ! Si nous augmentions la puissance, les particules allaient plus loin mais le phénomène de retournement se produisait de la même façon ».
Madame Lise Octopus du service communication du CERN tente de vulgariser cette découverte : « imaginez une pierre que vous lancez en l’air. A cause de la gravité, la vitesse de la pierre va diminuer jusqu’à s’annuler. La pierre retombera alors vers le lanceur. Si la vitesse initiale est plus importante, la pierre ira plus haut mais retombera toujours vers le lanceur. Dans le phénomène découvert au CERN, les particules réagissent de la même manière, sauf que nous ne comprenons pas quelle est la cause physique, équivalente à la gravité, qui ramène les particules vers le générateur ».
Non sans humour, les physiciens ont baptisé ce phénomène du nom de SALMON (Saumon en anglais), par analogie à ces poissons qui reviennent toujours sur leur lieu de naissance.
Mais le plus fantastique est à venir.
Vers la machine à remonter le temps ?
A chaque tir de particules, les horloges atomiques du CERN se désynchronisent avec celles du réseau mondial. Hubert Seaside, chef de projet temporel, explique qu’elles « prennent systématiquement quelques millionièmes de seconde de retard. Nous nous trouvons dans un état où le lieu CERN semble sortir, à chaque tir, de l’espace temps de la terre ! C’est comme si les horloges s’arrêtaient ! ».
La communauté scientifique mondiale se retrouve ainsi confrontée bien involontairement à une énigme dont les conséquences sont imprévisibles : « nous sommes face à une machine capable d’arrêter le temps mais nous ne savons ni pourquoi ni comment elle fonctionne ! ».
Le déplacement d’une horloge atomique, montre que le phénomène est encore sensible à plus de 50 km du CERN.
Le LHC fait donc parler de lui dans un domaine où on ne l’attendait pas. Si la machine à remonter le temps reste encore du domaine de la science-fiction, le CERN a démontré la possibilité pratique d’arrêter le temps : « en tirant en rafale 100 000 faisceaux de particules, nous sommes sortis de l’espace-temps durant 0,1 seconde ! Les chercheurs du CERN sont donc aujourd’hui plus jeunes que leurs voisins ».
Le monde de la Physique réuni en urgence dimanche à Genève
Preuve de l’importance de la découverte, une conférence internationale est programmée dès dimanche à Genève au centre des congrès du quai de la criée. Les principaux prix Nobel de Physique sont attendus pour tenter de fournir une explication rationnelle. Peter Fisherman ne se départit pas pour autant de son flegme tout britannique et conclut avec un sourire : « nous sommes aujourd’hui dans la position du pêcheur qui sent que la tension de sa ligne devient soudain très forte. Il sait que le prise sera belle même s’il ne l’a pas encore vue ».
Nul doute que l’effet SALMON va faire couler beaucoup d’encre dans les jours qui viennent.
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