Vous êtes vous retrouvés dehors, en montagne, par une nuit d’hiver, au dessus d’une mer de nuages et par des températures de -20°C ? Moi oui ! Et je peux vous garantir que l’on s’en souvient.
Les pieds semblent se figer comme pris dans un boc de béton. Les doigts, malgré gants et sur gants deviennent aussi agiles qu’une barre d’acier 100C6. Quand au nez, il peut avantageusement remplacer la machine à glaçon d’un frigo américain. Mais le choc violent vient du regard, sous réserve que le cou ait gardé un minimum de laxité arrière avant le torticolis fatal : le noir absolu accentue l’impression de plonger dans un voyage intersidéral dont le vaisseau serait la terre. Et ce n’est pas si faux puisque notre merveilleux corps vitreux à lentille auto adaptative et à bâtonnets sélectifs repousse notre horizon vers 30 milliards de milliards de km plus ou moins quelques frifreluches. C’est d’une beauté quasiment mystique à la condition que le cerveau accepte toujours de fonctionner dans ce milieu de congélation extrême.
Si je vous parle de cette tonifiante expérience, c’est que cette année en 7, par une étrange coïncidence, est marquée d’anniversaires pleins d’étoiles.
1957 : C’est l’époque du bip bip. Non pas ceux du « road runner », oiseau du désert en perpétuelle chasse avec le coyote d’un célèbre dessin animé, mais ceux émis par une boule d’acier répondant au nom de spoutnik. Je suis toujours impressionné de voir combien cette époque où régnait le Bouvart et Ratinet, les abaques et la règle à calcul a réussi à mettre sur orbite des tubes électroniques puis de petits animaux et enfin des hommes avec des moyens pour le moins rudimentaires mais pour autant efficaces et géniaux (pour la génération Playstation, le Bouvart et Ratinet, le petit jaune pour les intimes, était le livre de chevet de tout bon ingénieur voulant faire des calculs précis grâce aux tables de log). Déraisonnable, cette époque le fut à plus d’un titre : débauche d’énergie, de moyens financiers, prise de risque pas toujours maîtrisée. La course à la technologie conquérante, la médiatisation d’ingénieurs de génie comme Werner Von Braun ou Korolev , l’acquisition par l’industrie d’une masse démesurée de compétences nouvelles était la contrepartie d’une technologie « politique », partie émergée de l’affrontement de deux Etats Empire. Mais que cette période fut excitante et combien d’entres nous ont pris goût aux sciences et à la technologie au travers du rêve un peu fou d’envoyer un homme sur la lune.
15 ans plus tard, en décembre 1972 le rideau se baissait sur Apollo 17 : fin de l’ère des pionniers. Les noms de Gagarine et d’Armstrong entrent dans la mémoire collective à côté de Christophe Collomb et de Magellan.
1977, l’espace qui fait rêver est devenu fiction. L’affrontement des empires s’écrit sur la pellicule de par le génie d’un réalisateur, Georges Lucas, lui aussi déraisonnable : une guerre des étoiles qui allait s’allonger sur trois décennies et 6 épisodes. Je me souviens d’avoir eu la chance de voir sur un très grand écran ce premier épisode qui était le quatrième : un choc d’images et de sons. Mais je faisais déjà parti des « vieux » et la génération « que la force soit avec toi » n’a connu le mythe spatial qu’au travers d’Obi-Wan Kenobi, de la princesse Leia et de maitre Yoda. Certes les fusées fusent et continuent à décoller, les robots robotent et explorent Venus, Mars ou Jupiter, les télescopes louchent un peu parfois pour scruter les frontières de l’Univers. Mais l’inconscient collectif se focalise sur R2D2 et Z-6PO et non sur Viking, Pionner ou Venera marquant l’éloignement progressif face à une technologie réelle devenue étrangère à beaucoup.
2007, l’espace est virtuel. Pour ses 10 ans, Google après avoir recréé dans ses serveurs une terre informatique avec une précision souvent métrique, un projet totalement déraisonnable, s’attaque à la Lune, à Mars et à l’Univers. En arrière plan, la guerre sans merci de deux nouveaux empires, Google et Microsoft, pour conquérir le poste informatique depuis la toile, à moins que ce ne soit l’inverse. L’espace réel est devenu industrie spatiale et tourne en rond, comme cette station spatiale internationale ISS qui grossit au rythme des vols de navette sans que l’on imagine réellement où elle doive aller. L’espace est rentable avec ses satellites méteo et de télécommunication. Mais les projecteurs sont bien loin de cette technologie pourtant superbe mais que le grand public appréhende. L’aventure est financière, le grand frisson s’appelle Hedge fund. Les héros sont banquiers ou traders et font la une des magazines de la réussite.
… Et pendant ce temps là, le monde se morfond de la désaffection pour la science et la technologie et du déficit en ingénieurs. Il ne sert pourtant à rien de s’apitoyer sur ce passé révolu ! Les Etats désargentés orientent leur maigre dîme vers des projets « utiles ». Mais ne pourrions-nous pas remettre un peu de déraison dans les grands programmes spatiaux ? La course est au point mort par manque de combattant. Les USA annoncent tous les ans le prochain mega super programme de retour de l’homme sur la Lune. La Russie est convalescente. L’Europe n’arrive pas à se mettre d’accord sur le « simple » programme de positionnement par satellite Galileo.
… Reste l’Empire du Milieu aux ambitions démesurées, inventeur il y quelques siècles de la fusée à poudre et qui pourrait bien nous réserver quelques surprises ! La course en avant reprendra alors, car c’est dans la nature de l’homme de repousser les frontières.
Alors Père Noël, redonne-nous vite le goût d’être déraisonnable ! Mars attend.
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