On oublie bien souvent que les succès d’aujourd’hui ont démarré par des histoires parfois rocambolesques.
Il y a bien longtemps, c'est-à-dire vers la fin du dernier millénaire, une compagnie aérienne répondant au doux nom de « l’Aéroplane Facile » voulut revendiquer une part du marché de « l’Helvète Volant ». Ce dernier, à coup de réglementations, réussit à protéger durant quelques temps son espace aérien, jusqu’au jour où, le premier se mit à penser autrement et commercialisa, non pas un billet d’avion, mais un package incluant une nuit sous tente dans un camping sans confort ! Comme dirait Coluche « et ça se vend, ça ? ». Certains à l’époque en sont morts de rire. Et pourtant en « sortant du cadre », c'est-à-dire en passant du statut de transporteur à celui de voyagiste, l’Aéroplane Facile faisait sauter un monopole et entamait une fulgurante carrière, l’amenant aujourd’hui à truster une belle part du gâteau aérien européen.
Si je vous raconte ces propos de vieux croûton, c’est que le low cost loin d’être anecdotique, représente, pour le concepteur de produit ou de service, un redoutable challenge,nécessitant de penser autrement, en balayant les standards bien établis. Rappelez-vous :
Mort de rire, voilà bien l’état d’esprit de bien des marketeurs à la vue des premiers emballages de produits sur les rayons hard discount. Des codes barres sur toutes les faces du produit, c’est invendable !
Mort de rire, les informaticiens à la lecture des caractéristiques des premiers ordinateurs ultra portables low cost. Des disques durs avec des capacités ridiculement faibles, des processeurs poussifs et des écrans minuscules. Une aberration dans la course à la puissance engagée dans cette industrie.
Mort de rire, les constructeurs auto lors de la présentation d’une berline à 5000 dollars. Des motorisations anciennes, des carrosseries d’un autre age, une électronique inexistante : un échec non pas prévisible mais assuré !
Et pourtant, dans tous les cas, le succès était là, alliance d’une symbiose dès l’origine entre l’approche marché et une conception radicalement différente. Le produit est étudié d’abord dans sa globalité tout en étant aussi positionné dans son environnement. . En d’autre terme, le low cost est philosophiquement mécatronique !
Reprenons nos trois exemples.
Le code barre est synonyme de traçabilité et de logistique. Mais quid de son utilisation en magasin ? Pour la caissière, le code barre sur toutes les faces, c’est une détection sans retourner le produit, d’où un débit plus important, et donc plus de clients par caisse. Une autre façon de grappiller quelques centimes d’euros si précieux en low cost (conception produit dans son environnement).
Pour l’ingénieur que je suis, la stratégie de l’ultra portable pas cher est celle qui est à mon avis la plus aboutie. Dialogue pas si imaginaire :
Monsieur Classique : « Le problème du portable c’est la nécessité d’avoir des pièces mobiles robustes (par exemple les disques durs résistants aux chocs). »
Monsieur Low Cost : « Et si on supprimait les disques durs ? Adoptons les nouvelles mémoires Flash solides »
- Oui mais elles n’ont pas une grosse capacité : 4 à 16 Go
- C'est-à-dire les capacités largement suffisantes dont se contentent les utilisateurs de clés USB
- Les systèmes d’exploitation (ex. WINDOWS VISTA) sont voraces en puissance.
- Pas de problème, adoptons un LINUX spécial, léger et open source (sous entendu gratos) qui, cerise sur le gâteau, va démarrer ultra vite.
- Bon d’accord, mais vous ne résoudrez pas le problème de l’autonomie qui nécessite des batteries particulièrement onéreuses.
- Sauf en diminuant la consommation à la source, d’où des petites écrans qui ont en plus l’intérêt d’être faciles à fabriquer.
Et voilà comment l’on propose un merveilleux gadget technologique avec de « vieux » éléments totalement amortis mais repensés comme un tout.
Le même dialogue pourrait se renouveler avec les équipementiers sur l’automobile low cost. J’y rajouterai un point qui montre la puissance de la pensée système … en soulevant le capot ! Se découvre alors un boc moteur entouré de vide, synonyme d’un accès facile pour une maintenance devenant elle aussi low cost.
Il y a quelques mois, l’Usine Nouvelle parlait de cette nouvelle génération d’experts en low cost, seniors expérimentés, capables d’une véritable vision globalisée pour concevoir autrement. La caricature du low cost se limitant à de la délocalisation dans des pays à la main d’œuvre bon marché, cache une toute autre réalité. Loin d’être (uniquement !) dans une logique de « coup bas » pour massacrer les prix des équipements achetés, le véritable « bas coût » me semble correspondre à une nouvelle révolution des métiers de concepteur. Il ouvre aussi l’ère fusionnelle des équipes mixtes marketeurs/chercheurs. Et elle implique un « dynamitage » des classiques relations donneur d’ordre-sous traitant. Le low cost attise la cotraitance.
Il y a souvent une autre réponse à la reconception produit.
Voilà le message puissant que nous renvoie le low cost ! Mais n’est ce pas la définition même d’une nouvelle forme d’innovation … difficile à maîtriser tant nos propres barrières culturelles sont fortes ? Pourtant ceux qui l’ont compris avant les autres se créent actuellement des jackpots fabuleux.
Ce cher Low Cost nous réservera encore quelques surprises.
« Remarquez, s’il y en a qui achète ça » (Coluche).
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