dimanche 10 août 2008

« Mutation génétique » : l’étonnante histoire cachée des JO !

Avez-vous vu la cérémonie d’ouverture des JO ? Ce qui est le plus fascinant c’est la synchronisation des mouvements. Non, je ne parle pas des athlètes ou des figurants car mon regard s’est porté vers les tribunes. Durant une compétition sportive, on ne les regarde jamais assez ces fameuses tribunes avec leur « garniture » : les spectateurs !

Pourtant d’Atlanta à Beijing, ces derniers ont connu une mutation génétique rapide et profonde, passée inaperçue, mais pourtant source de bien plus d’enseignements que ce que nous apportera l’olympisme.

Cette évolution, révolution ( ?), se traduit par… la position des bras.

Au départ, toujours le même syndrome : un visage grimaçant avec un clignement d’œil. La suite est plus surprenante : des bras tendus le long du corps il y a 50 ans, des bras pliés toujours le long du corps il y a 10 ans et des bras tendus en avant aujourd’hui. Cela est tellement naturel que plus personne n’y fait attention. Et pourtant, cette mutation trouve son origine commune dans une petite boite noire ou argentée : l’appareil photo.

Du viseur vertical du boîtier 6x6 à l’écran de l’appareil numérique, la photo nous renvoie l’image , humour facile, d’une redoutable bagarre industrielle contrôlée par l’innovation, et dont les guerriers font passer les robustes athlètes pour des gringalets.

Notre but est de vous conter l’histoire de ces jeux historiques faits de stratégies conquérantes et des défaites mémorables.

Il y a 20 ans, que pouvait-il se passer dans la photo ? Les marketeurs vous disaient : « c’est un marché mature » où les positions des uns et des autres sont clairement établies : les fabricants d’appareils fabriquent (Canon, Nikon, Kodak, Rollei, Mamya, Minolta et quelques autres), les fournisseurs de pellicules fournissent (Kodak encore, Agfa, Ilford…) et les gros laboratoires, répartis sur tout le territoire pour être près du consommateur, développent. La niche de la photo instantanée était solidement tenue par l’incontesté Polaroïd. Bref, une vie pépère avec des évolutions tranquilles : des pellicules aux couleurs de plus en plus « plus vraies que nature », des chargements de pellicules de plus en plus « plus faciles », tirées par le grand innovateur d’alors, Kodak , ave l’Instamatic, puis le pocket 110 et enfin l’APS.

Mais un marché mature a un gros défaut : celui d’être mature et donc de moins en moins rentable.

Kodak lance alors l’attaque sur la niche profitable de l’instantané de Polaroïd. Il s’en suit un fabuleux 110 mètres haies à coup de brevets et de juristes affûtés. Une course pas très reluisante techniquement mais gagnée, au finish, par Polaroïd. Victoire à la Pyrrhus car, alors que ces géants s’épuisaient sur leur cœur de métier, personne n’allait voir ce qui se passait sur le terrain d’à-côté, en électronique !

Les industriels photographes d’alors, étaient d’immenses spécialistes de la mécanique, de l’optique ou du chlorure d’argent, mais oubliaient d’orienter leurs veilleurs technologiques dans la bonne direction. Et un veilleur mal orienté c’est potentiellement un aveugle ! Remarquez, ils avaient des excuses. Auriez vous eu idée d’aller observer un fabricant de gros ordinateurs professionnels comme HP, un créateur de fours à micro ondes comme Matsushita ou un coréen low cost comme Samsung ?

Et pourtant, s’ils avaient suffisamment observé, ils auraient découvert la redoutable rupture technologique du capteur CCD. En fait, ils l’ont peut être vue mais ils n’y ont pas cru ! Rappelez-vous les appareils du début 2000 à 300 000 pixels : « Booooh ! Que c’est moche ! Des photos immondes … l’argentique aura toujours de beaux jours devant lui » entendait-t-on chez les spécialistes. Sauf que monsieur et madame Michu, c'est-à-dire vous et moi, découvrions que l’on pouvait voir immédiatement sur un petit écran, le résultat du clic, et l’effacer si nous n’étions pas contents. La frustration liée à l’attente interminable du développement de la photo papier, au final ratée, s’évaporait d’un coup.

Aujourd’hui, la photo est redevenue un marché dont la croissance fait pâlir plus d’un dirigeant d’entreprise. Les méthodes dont l’électronique a le secret y sont appliquées : vous avez aimé les microprocesseurs 286,386, 486, Pentium 1, 2, 3, Duo Core, alors vous apprécierez les appareils 2, 5, 7, 10 millions de pixels ! Et tant pis si vous n’avez besoin que de 3 millions de pixels ! L’essentiel, c’est le plaisir de l’instant … puis la frustration de ne pas avoir LA dernière révolution technologique. La photo est devenu un consommable de mode : ne pas changer son appareil tous les trois ans est devenu ringard.

Quand à nos anciens leaders de marché, ils ont bien souffert : Polaroïd est quasi mort, Kodak a failli disparaître, et des marques prestigieuses ont sombré, comme beaucoup de laboratoires de développement, avec la dépression du cristal d’argent !

Vous connaissez aujourd’hui Matsushita sous le nom de Panasonic, leader du compact, vous ne vous moquez plus de Samsung, devenu un géant innovateur de l’électronique et HP veut vous accompagner de l’écran photo à l’écran d’ordinateur.

Un monde nouveau se recrée avec ses nouveaux acteurs. Même les boites à chaussures pour stocker les photos ont changé, elles se nomment aujourd’hui disques durs mais leur utilisation reste la même : on oublie toujours aussi vite la super méga exceptionnelle photo de vacances lorsqu’elle s’enfouit dans les méandres du temps ! Les bits ont juste remplacé la poussière.

Alors, lecteur compatissant, que retenir de ces jeux de la décennie :

- D’abord qu’un marché mature peut redevenir ultra profitable si l’on trouve la bonne rupture technologique.
- Ensuite qu’être leader d’une vieille technologie ne signifie plus grand-chose lors d’une mutation profonde de marché. Anticiper nécessite de savoir garder en interne quelques innovateurs long terme, créatifs, désobéissants et avec l’esprit start-up. Lâcher la bride de la créativité, c’est souvent l’assurance d’une certaine pérennité.
- Enfin, se rendre compte que l’on est potentiellement aveugle, non sur les évolutions, mais sur les révolutions de son marché. Comment un Kodak pour la couleur ou un Ilford pour le noir et blanc auraient ils pu imaginer que la solide branche sur laquelle ils étaient assis n’était plus rattachée qu’à un tronc vermoulu ? Il ne faut pas hésiter à se payer quelques veilles multisectorielles pour savoir si les autres, dans des marchés totalement différents, ne vont pas venir gambader dans votre pré carré !

Alors, me direz-vous, et ces JO ? Ils seront splendides à n’en pas douter tout comme sont passionnants les JO de l’innovation avec des médailles d’or souvent inattendues !

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