C’était décidé ! Fini les discours, les incantations et autres bonnes résolutions. Je devais passer à l’acte. Le développement durable se vit dans l’action, pas dans les paroles… Et je le prouve.
L’autre jour, à l’autre bout de la France, par une fin d’après-midi maussade, la batterie de mon téléphone portable me lâche lâchement. Vous connaissez bien la loi de Murphy, dite loi de l’emm… maximal : c’est loin de tout, dans une ville que vous ne connaissez pas, à l’heure de fermeture des boutiques, qu’arrive la « boulette » redoutée. Devenu durable dans l’âme, j’allais bien évidemment me contenter de changer la batterie d’un téléphone dont les qualités téléphoniques restaient parfaites, malgré un age vénérable de 26 mois.
Premier magasin, moi avec ma batterie, le vendeur avec son ordinateur :
- Luc, va voir dans le stock s’il nous reste une référence XX-1233
Bruit de déménagement, silence, poussière et retour d’un Luc infructueux.
- Pas de problème, Monsieur, la batterie, on peut vous la commander pour dans 15 jours !
J’explique que bon, c’est bien sympa tout ça, mais j’habite à plus de 1000 km et que, comme je ne suis pas bloqué ici par un pervers nuage de cendres islandais, j’essayerai de trouver une autre solution.
Je m’engouffre donc dans une seconde grande enseigne dont le rideau descendant annonçait la fermeture. Direction le SAV, je réexplique mon petit problème et là, docte sentence du technicien :
- Mais mon bon monsieur, vous ne trouverez jamais : les références sont obsolètes tous les deux ans.
Ne voulant pas m’avouer vaincu, je rentrais dans une minuscule échoppe où l’adorable patron, voyant mon désarroi, me proposa de désosser un de ses téléphones de la même marque pour récupérer le petit parallélépipède énergétique tant désiré. Hélas, perversité du destin, quelques millimètres de trop empêchaient de faire rentrer l’objet A dans son contenant communiquant B.
J’allais donc devoir attendre le retour dans mes pénates pour redevenir un « homo digital eco-durable». J’étais sûr de réussir, car mon opérateur était engagé pour l’environnement : « En limitant l’impact de ses activités et en sensibilisant ses collaborateurs au respect de l’environnement, il contribuait, à son échelle, à la protection de la planète ». Quand à mon fournisseur de téléphone, il était classé numéro 1 des « entreprises électroniques vertueuses » par Greenpeace.
J’en étais maintenant certain, mon entrée dans la boutique pro de mon opérateur favori, marquerait aussi mon entrée dans le monde d’une écologie responsable. J’étais déjà fier de contribuer au sauvetage de la planète bleue : la fin de tant d’années sombres où j’avais vécu dans l’ignorance égoïste de l’hyper consommation.
Fier comme un Ulysse retrouvant sa Pénélope après avoir vaincu les obstacles d’une Odyssée, je demandais d’une voix forte et audible, une neuve batterie pour économiser les ressources naturelles.
Dans le regard de la vendeuse fort polie, je crus lire comme une interrogation face à un vert hurluberlu.
- Pas de problème, Monsieur, mais la batterie va vous coûter 40 euros. Quel est l’age de votre téléphone ?
- Un peu plus de 2 ans
- Savez-vous vous que vous pouvez le changer sans problème avec le nombre de points fidélité que vous avez ?
- Et cela me coûtera combien ?
- Si vous reprenez dans la même série, pas plus de 1 euro !
- Et vous pouvez me faire la réduction sur la batterie ?
- A non, les points fidélités ne s’appliquent pas aux accessoires ou au SAV.
Entre garder un vieux téléphone pour 40 euros et en récupérer un flambant neuf pour une simple piécette ronde bi couleur, j’avoue que l’avantage économique immédiat fit éclater ma conviction écologique naissante.
Mais bon, j’avais malgré tout quelques remords et je demandais à ne récupérer que le téléphone, sans son chargeur car le mien était encore efficace.
Toujours aussi polie, la vendeuse me rappela que « bon, ce que l’on vend ce sont des packs avec tout le nécessaire et de toute façon, il serait bien surprenant que le chargeur nouveau soit identique à l’ancien, même chez le même fabriquant ». Incrédule, j’ouvris la boite pour découvrir que le connecteur du chargeur avait effectivement eu la perversité de changer de forme !
Moralité : ce nouveau téléphone méritait bien une histoire ! J’étais sûr de tenir là, LE scénario d’une « Une vérité qui dérange 2 » : à tous les coups, un succès de Festival. Je me voyais déjà sur les marches du Palais, remontant le tapis rouge.
Cannes prépare-toi, j’arrive !
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