mardi 25 octobre 2011

Comme disait mon maraicher !






- C’est le B… !
- « Ben oui », te dis-tu, amical lecteur, « il a raison ! Le
triple A bascule, l’euro vacille, la dette grecque nous plombe, la bourse fait le yoyo, les banques flageolent ! Ah mon Dieu que c’est embêtant d’être toujours malade ! Ah mon Dieu que c’est embêtant, je n’suis pas bien portant !
- Holà, ne t’emballe pas. L’économie, ce n’est pas cette
chronique ! Moi, c’est l’innovation et là, c’est la panique
totale.



Cela a commencé par un mail anodin, un vendredi matin : « Lorsqu'une collaboration fait une observation aussi inattendue, sans pouvoir l'interpréter, l'éthique de la Science demande que les résultats soient rendus publics auprès d'une plus large communauté ». Derrière cette phrase se cachait un tsunami, assurément médiatique et, plus prudemment, scientifique : un mélange de dramaturgie Tannhäuserienne et de déluge Traviatesque, tout cela orchestré par une expérience répondant au nom d’OPERA. En bref, des neutrinos se seraient fait flasher à une vitesse dépassant celle de la lumière.

Bon, pour ceux qui ne se brossent pas les dents tous les matins en écoutant la théorie de la relativité restreinte, il faut savoir que Monsieur Einstein, avait instauré un limiteur de vitesse dans l’univers, indiquant que rien ne pouvait aller plus vite que de petits photons bien vigoureux. Patatras, les chercheurs d’OPERA obtiennent des résultats qui montrent le contraire. Très exactement, sur un parcours de 730 km, des neutrinos passeraient la ligne d’arrivée avec une avance de 20 mètres sur la lumière. C’est comme si Hussein Bolt se faisait coiffer sur le poteau pour moins de 3 millimètres. Pas de quoi fouetter un chat ? Et bien si ! Pendant quelques heures, pas plus, faut quand même pas exagérer, la planète entière est en émoi. La science fiction revient au galop avec l’épisode 4 de retour vers le futur. Les libraires frétillent à l’idée d’un « forcément-best-seller », un nouveau Da Vinci Code mâtiné de calendrier Inca et de complotage UFOlogique à la Roswell expliquant que le LHC du CERN n’était là que pour cacher une machine à remonter le temps.

Ok, les gars, on calme le jeu. Reprenons les choses dans l’ordre. C’est quoi d’abord un neutrino ? Petit tour rapide sur Wikipedia où l’on apprend qu’un neutrino est un fermion de spin un demi et qu’il en existe trois saveurs. A bon, il est sucré, salé ou amer mon neutrino? Arrrgh je n’y comprends rien ! Avec un peu plus d’efforts, j’ai vu qu’il était microscopique de chez microscopique, qu’il était plus bien léger que la plus svelte des mannequins d’un magazine féminin et qu’il n’était pas chargé électriquement : pas facile de prédire le coup de foudre pour cette particule passe partout.
Car c’est bien sa particularité, rien ne l’arrête : elle peut traverser la terre entière presque sans s’en apercevoir. L’autre jour, j’ai cru intelligent de jouer au neutrino : j’ai foncé tête baissée dans une porte automatique qui a refusé de s’ouvrir. Vous me croirez ou pas mais j’ai expérimenté que j’étais bien trop lourd pour être un modeste neutrino, dixit mon front cabossé.

Ensuite la manip OPERA. Un truc génial. Dans une marmite dont seuls les physiciens ont la recette, on fabrique des millions de neutrinos que l’on balance en ligne droite sous terre, direction Sud-Est pour qu’ils ressortent quelque part en Italie. Enfin, pas tout à fait ! Le détecteur à neutrino, un super MacDo, sandwich de pellicules photo et de plaques de plomb, est caché sous près de 1700 mètres de roches, car c’est la condition pour arriver à saisir, l’insaisissable particule, à une profondeur où toutes les autres ont jeté l’éponge, totalement épuisées. Et c’est là que tout bascule.

En quelques années, OPERA a réussi à attraper 15000 neutrinos, largement de quoi faire des statistiques. BBBBBRRRRRR des ordinateurs, Clac Clac clac des imprimantes qui crachent qu’il y a, comme qui dirait, un problème. Les scientifiques sont des gens sérieux. Ils refont tous les calculs, remesurent les distances, perfectionnent leurs chronomètres, mais il n’y a rien à faire : dans la grande traversée des Alpes, neutrino est toujours gagnant face à photon.

Voilà, on en est là aujourd’hui. A priori, notre monde résiste encore à cet insoutenable suspens. D’autres équipes, aux USA et au Japon, tentent de savoir si nos bouquins de physique sont bons pour la poubelle. Mais comme disait mon sage maraicher le week-end venu : « ce n’est pas encore ça qui va faire baisser, le prix du poireau ».

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