Le monde des réunions change à vitesse grand V. Le retard franchouillard est une espèce en voie de disparition. Fini le quart d’heure parisien pour cause d’embouteillage, le savoyard pour intempéries hivernales, le toulousain ou le marseillais pour mauvaise digestion de cassoulet ou de bouillabaisse.
Pire, maintenant, on est en avance, et pas qu’un peu : parfois de quelques heures, voire de jours ! En cause, les tablettes et Smartphones qui se sont invités en passagers clandestins de nos rencontres professionnelles. Le pervers ennemi s’appelle hyperconnectivité. SMS, Tweets, mails se superposent aux ordres du jour programmés. Le cerveau du participant de toute réunion « moderne » passe allègrement des sujets prévus, à la définition des futurs objectifs de vente de la réunion de fin de semaine puis saute sur un problème d’appro à résoudre en hyper méga urgence, voire à la rougeole du petit dernier, en faisant un détour par le résultat du dernier match de la coupe Davis.
Ne prenez pas un air outré : c’est une réalité quotidienne. Pire, ces petites machines géniales deviennent maitre de notre emploi du temps en débordant de plus en plus sur notre vie privée, du lever au coucher, voire au-delà ! Les médecins commencent à lancer un cri d’alarme, non que l’arthrose du pouce devienne une maladie professionnelle pour cause d’utilisation immodérée des SMS, mais parce que la mobilisation version zapping du cerveau, nous transforme progressivement en « lapin crétin ». Le multitâche sur Smartphone, consulté à la va-vite en réunion, dans une file d’attente, ou compressé en heure de pointe, dans un métro parisien ferait perdre jusqu’à 40% de productivité … et 10 points de QI selon une étude de l’institut psychiatrique de Londres. Mais nous en rendons-nous réellement compte ?
Le Smartphone est devenu l’indispensable fidèle ami. Une addiction qui nous relie au monde extérieur, au travers d’applications toutes plus « utiles » les unes que les autres : distance nous séparant des plus proches WC publics dans une métropole inconnu, météo pour les 37 prochaines minutes ou indication des passages les plus potentiellement ennuyeux d’un film. Ne rigolez pas : si vous n’êtes pas encore tombé dans ce piège, cela ne va pas tarder ! La « révolution » est en route ! Il n’y a pas si longtemps, on se moquait presque des personnes qui téléphonaient en marchant. Aujourd’hui, on écrit en marchant, voire même en parlant. Le Smartphone, tel une vorace maitresse, s’approprie tous nos minuscules temps morts pour nous permettre de mailer, facebooker ou jouer. Il est devenu notre « doudou » de grand, source de contact sensuel quasi compulsif lié au glisser-toucher : un jeu à la limite de l’érotisme, comme s’amusent à le rappeler certains psy.
C’est dans cet état de sursaturation, proche de l’e-coma 2.0, que je décidais de réagir : il me fallait me mettre en diète de TIC pour quelques jours. Direction, des montagnes arides à moins d’une heure trente d’avion pour une cure bienvenue. Bon point dès l’arrivée : mon Smartphone chercha en vain un hypothétique 3G+. Mieux les 5 petites barres du réseau GSM se mirent à fluctuer entre 0 et 1. La télé était neigeuse, la radio FM totalement incompréhensible, le WIFI absent.
Et là, miracle miraculeux, je redécouvre que je peux vivre sans. En quelques jours, ma bande passante fait ceinture, je perds plusieurs dizaines de kilos … octets bien entendus. Vous me croirez ou pas, mais il existe de vrais gens qui parlent et qui bougent sans Smartphone. La météo se lit aussi en levant les yeux vers les nuages. La bourse a soudain moins d’importance que le prix de quelques oranges. L’information parcimonieuse redonne soudain un libre arbitre. Mieux je prends plaisir à aller la chercher. En quelques jours, la sérénité revient au galop.
Dans l’avion du retour, un article sur les nouvelles technologies me semble soudain insignifiant. La tribu i-phone serait celle des exhibitionnistes communautaires qui s’assument : architectes, publicitaires ou commerciaux. Le club VIP des Blackberry serait sérieux et professionnel : DG ou banquiers. Le clan Androïd , serait celui des révoltés du standard et des rois de la bidouille : le royaume des geeks et autres informaticiens. Pacotille ! Maintenant, je suis loin de tout ça, je suis serein, serein, serein ….
Pourtant, arrivé à destination, j’entends un bip, bip mélodieux associé à quelques lettres lumineuses et à une vibration bien connue : « vous avez 297 nouveaux messages ». Vite, vite, le monde m’attend.
Mais c’est promis, demain, la semaine prochaine ou dans quelques mois, j’attaque un nouveau régime, et là, ce sera sans pitié !
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