vendredi 1 février 2013

Le robot ménager n’a jamais existé... enfin presque


Aïe ! Avec un titre comme ça, je vais encore me faire dézinguer par nos belles Pénélopes. J’entends déjà les cris féroces : Encore un discours de macho ! On voit bien que c’est un mec ! Pfeu, Il n’est jamais rentré dans une cuisine ! Tous les mêmes : ils parlent d’égalité et on voit vite ce que ça donne dans la pratique.

Bon, c’est sûr, je l’ai un peu cherché. Mais, après tout, toi, lecteur attentif et fidèle à cette chronique, tu sais bien que mes titres sont pervers et amènent souvent sur de faux chemins de traverse. Car, en vérité, l’idée de ces quelques lignes est venue d’un article rafraichissant publié par le New Yorker, une revue très culturo-humristico-BoBo. Sous la plume experte de Gary Marcus, professeur hautement patenté à l’Université de New York, on apprend pourquoi il est si dur de fabriquer des robots grand public ! La réflexion est lumineuse et mérite d’être contée, histoire de vous permettre, une nouvelle fois, de briller lors du prochain repas familial devant vos ados ébahis qui vous kifferont grave (bon là, j’exagère un peu mais que ne ferais-je pas pour vous amener au bout de la chronique ?).

La robotique a le vent en poupe, genre Vendée Globe Challenge, force 9. C’est un sujet hyper médiatique. Le Big Boss Obama en a fait un cheval de bataille de la réindustrialisation de l’Amérique. Le grand public, de son côté, rêve du jour où les R2D2 deviendront réalité. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder la foule de journalistes internationaux qui se presse tous les ans au salon InnoRobo à Lyon (19 au 21 mars 2013) et qui rappelle que « là, mon coco, c’est du lourd. Tu me fais l’ouverture du treize heures, du vingt heures et des flashs infos. On est dans le siècle du numérique, oui ou non ? Alors tu vas me la remuer vite fait bien fait, la ménagère de 50 ans ». Car, lorsque vous parlez industrie (sauf en cas de fermeture de site), économie (sauf en cas de crash boursier), innovation (sauf en cas de sortie du dernier iPhone), vous arriverez difficilement à mobiliser au-delà de la presse spécialisée. Mais le robot et pas uniquement humanoïde fait fantasmer les foules. Quoi ? Des robots à chenilles vont parcourir les couloirs de Fukushima ? Génial ! La Nasa teste un « humain » de métal et de silicium pour aider les astronautes. Génial ! Un robot a réussi à courir plus vite qu’un sprinter ? Génial ! Un autre danse remarquablement le Gnagnan style ? Génial !

On en finirait presque par croire que la créature qu’Asimov avait inventé pour son immense saga de science fiction était arrivée enfin à l’âge adulte après des décennies en laboratoire. C’est pourtant aller un peu vite en besogne. Car notre gentil robot, contrairement à notre ordinateur, doit cohabiter avec les mondes de l’information (l’intelligence) et de la physique (le mouvement). C’est ce qu’explique joliment le fondateur de Rethink Robotics : « Si vous voulez utiliser un tas de sable bleu pour représenter un 0, et un tas de sable rouge pour représenter un 1, vous pouvez diminuer de moitié chaque tas, vous aurez la même information. Et vous pouvez encore avoir la même information avec un seul grain de sable de chaque tas. C’est pourquoi les ordinateurs sont toujours plus petits. Mais les lois de la physique ne sont pas les mêmes que les lois de l’information. Si vous bougez un bras avec la moitié de la force, vous n’obtenez que la moitié du résultat, ce qui signifie, par exemple, que vous ne pouvez pas miniaturiser un bras de robot et vous attendre à ce qu’il soulève des objets aussi lourds qu’avant». Bref, depuis toujours, les concepteurs buttent sur le même problème : les actionneurs et autres moteurs électriques qui assurent le mouvement restent lourds et dévoreurs d’énergie : pas de souci dans un environnement industriel mais cela devient particulièrement frustrant lorsqu’on recherche l’autonomie. Et c’est ainsi que les créatures les plus remuantes gardent un fil à la patte ou se retrouvent affublées d’un moteur de mobylette. Pire, elles restent très pataudes dès qu’on les met dans notre environnement quotidien, très difficile à comprendre pour un cerveau de puces. Pas très sexy et donc « pas beau » pour le journal de Jean-Pierre Pernaut.

Alors, la partie robotique est perdue d’avance ? Ben non ! Sinon je ne serais pas là ! D’abord, dans le monde de l’informatique les choses avancent très vite. Tous les geek du monde vont pouvoir se donner la main pour développer avec les logiciels robotiques de Willow Garage des stratégies permettant au robot de « comprendre » seul son environnement. Une perspective aussi intéressante pour les robots industriels qui, au lieu de jouer tout seul dans leur cage, deviendront collaboratifs : c’est ce que l’on jargonne en cobotique. Et puis, peut-être que le robot humanoïde, en voulant trop nous imiter, n’est pas la solution réaliste, comme l’explique Bruno Bonnell dans sa Robolution. Le robot de service réussira lorsqu’il se fera oublier tel ce lit qui décide comment nous réveiller en douceur ou ce miroir bardé de capteurs qui nous donne notre état de santé.

Alors oui, le vrai robot ménager n’a encore jamais existé mais, c’est sûr, il fera, à n’en pas douter, la une des journaux, lorsque l’idée de génie « évidente » lui donnera vie!

Rêver l’avenir, Pénélope, c’est fun, non ? Tu ne m’en veux pas, dit?

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