mercredi 10 septembre 2014

Le futur a-t-il encore de l’avenir ?



Oh Chaahk, Oh Tlaloc, Oh Anzar, Oh Tanaris, oh Néréides bienfaisantes, oh Saint Odon et Saint Victor, mais que vous a-t-il pris ? Êtes-vous tous tombé sur la tête ? Quel message céleste nous avez-vous adressé ?
-          Regardez ce pauvre hère malheureux, dégoulinant sous son parapluie !  Un « pigeon » attiré par les prix bas, parti pour un trek himalayen en pleine période des moussons ? Que nani : il parcourt seulement le GR7 en plein été au cœur des Cévennes.
-          Découvrez ces blanches mines de retour de vacances !  N’allez  pas imaginer qu’elles sont le fruit d’explorations spéléologiques de caveaux vinicoles ou de grottes profondes. Elles appartiennent à des gens consciencieux et responsables, qui, pour ne pas déstabiliser un peu plus la balance nationale des paiements ont choisi de privilégier un repos estival franco-français.
-          Admirez cette trace dans une neige poudreuse à la fin du mois d’aout ! Là, je sais, vous enviez ces privilégiés qui peuvent s’offrir, les veinards,   un début de saison de ski austral sur un volcan de Nouvelle-Zélande. Mais non, cela se déroule sur un proche glacier de l’Oisans.

Vraiment, dieux et saints patrons  experts du climat, avec ce déluge quasi perpétuel, vous nous avez pourri notre été. Alors, après, quand il faut se remettre au boulot et sortir une chronique, et bien, il arrive, ce qui doit arriver : des titres déprimants,  à faire pâlir d’anxiété les meilleurs cerveaux issus de la rue d’Ulm, de l’école des Chartres et de l’ENA réunis.

-          « Le futur  a-t-il encore de l’avenir ? » Je sais bien que, dans la classe politique, certains doivent se poser avec anxiété cette redoutable question en cette rentrée de septembre, mais faire endurer cela à votre émérite chroniqueur, c’est du pur sadisme machiavélique.
-          « Le futur  a-t-il encore de l’avenir ? » Mais qu’est-ce que j’en sais moi ? Mon futur proche c’est d’être capable de sortir cette fichue chronique innovation. Alors mon avenir à moi, c’est la peur de la feuille blanche… A moins que je ne trouve un plan ! Et c’est là que Saint François, patron des scribouillards de ma race me fit un signe. En fait, pour être totalement honnête, il a agi par l’intermédiaire de sainte BFM, la radio du tout éco.

En ce matin matinal, entre le brossage de dents et la tonte capillaire, un message percuta quelques uns de mes neurones endormis. On parlait des plans d’avenir et en particulier d’usine du futur, robotique compris. « Mais tu l’as, là, ta chronique» me dis-je soudain tout autant émoustillé que mouillé. « C’est dans ton cœur de cible. Du tout bon mon coco ! »

Bon, pour ceux qui vivent dans la banque, la production du petit crème du matin, la réparation du chauffe-eau qui a inondé toute la maison pendant les vacances, la cueillette de pommes et bien d’autres métiers passionnants, bref, tous ceux qui ne sont pas dans l’industrie, il faut que je vous remette rapidement au goût du jour. Il y a quelques années, un certain nombre de grandes têtes pensantes ont émis l’idée que l’usine, c’était ringard et totalement dépassé (heureusement il y eut quelques désobéissants et autres sourds d’oreille). Donc, haro sur la bête et barre à fond sur les services, paradis merveilleux du 3ème millénaire pour notre mode occidental exemplaire. C’était l’axiome de « l’entreprise sans usine » et du « à nous les blouses blanches de la recherche et à eux les cheminées qui puent et qui fument ». Sauf qu’à trop vouloir jouer à qui perd-gagne, on perd toujours ! Et c’est ainsi que ces « petits » qui émergeaient sont devenus des grands. La  Chine, par exemple, est  le premier déposant de brevets : drôle d’idée pour un pays qui devait être simplement l’usine du monde.

 Retour aux têtes bien pensantes qui se disent : « houla, houla,  ya comme un bug dans le logiciel. Voila t’y pas que le dosage industrie, service, tourisme, agriculture est à revoir » ?  Bref une répartition de risque, style gestion de bon père de famille. Et c’est là que nait « le concept », l’idée révolutionnaire tellement hyper méga géniale que même la ménagère de 50 ans va y adhérer, j’ai nommé : l’USINE DU FUTUR ou FoF pour ceux qui veulent faire anglophile, (FoF = Factory of the Future), à moins que vous ne préfériez industrie 4.0 ou smart industry.

Un vrai fourre-tout. On parle beaucoup de l’impression 3D, ces fameux FabLab, certes ultra médiatiques mais qui ne s’appliquent pas à tout. A l’inverse, l’usine communicante tout numérique qui est une révolution au moins aussi importante que les progiciels des années 2000, ne fait fantasmer que les spécialistes, alors qu’elle est à la base  de l’usine flexible, reconfigurable et quasi auto maintenable. Car c’est bien cela qui caractérise ce futur : des usines probablement plus petites, plus proches de leur clients, très automatisées et reconfigurables à souhait. Le slogan de la première Twingo était « inventons la vie qui va avec ». Ici le bureau d’étude en concevant le produit inventera la chaine de production qui va avec. Mieux encore, cette chaine pourra  intégrer des cobots, terme désignant des robots collaboratifs, collègues sympathiques interagissant avec l’opérateur. Enfin, sympa, ça reste à prouver … au moment de la pause café !

Pourtant, et c’est là ma grosse interrogation, ces énormes projets de recherche (on parle ici en milliard d’euros) ciblent avant tout la techno. Après «l’entreprise sans usine » verra-t-on  « l’usine sans homme » ?  Une aberration évidente qui me fait évidemment hurler, tant il est vrai qu’une usine du futur qui marche est avant tout une usine basée sur l’intelligence de ceux qui l’habite au quotidien. Automatiser pour supprimer les taches répétitives ou pénibles est un devoir absolu. Mais répondre très vite à des attentes d’un client zappeur de plus en plus versatil, c’est avant tout s’appuyer sur l’agilité de l’homme qui s’adapte bien mieux que toute machine aux environnements chaotiques et mouvants, et sait trouver localement les solutions adéquates.


Le futur  a-t-il encore de l’avenir ? Ca c’est une question bien  trop compliqué pour mon petit cerveau. Mais ce dont je suis convaincu c’est que l’usine du futur aura un avenir si elle sait mettre l’Homme en son cœur. C’est même plus qu’une conviction : un dogme, évidemment non négociable !  

mardi 10 juin 2014

CHRONIQUE DE MI-TEMPS


Quelle incroyable révélation ! 



Les bleus au Mondial : bon pour le référencement du blog !

Le Mondial serait, à en croire des sources ultra autorisées, la plus importante révolution planétaire : une manifestation mettant en communion trois ou quatre milliards de bipèdes humanoïdes devant de splendides apollons à la crinière iroquoise ou au torse tatoué qui se disputent la propriété d’un ballon rond. Dans un ballet qui n’a rien à envier aux charmes du Bolchoï, 22 joueurs deviennent durant 90 minutes les as de la relance, avec une efficacité bien plus redoutable que la BCE ou la réserve fédérale américaine. Car il faut bien le reconnaitre, leur magique coup de pied fait le bonheur de bien des professions.


Les chaines télé engrangent des audiences stratosphériques et les recettes publicitaires associées. Les urgences de l’hôpital retrouve la joie de vivre: « tu vois, tonton, c’était rien, juste un petit coup de tension mais t’aurais pas dû t’énerver comme ça avec l’arbitre ».Dans l’économie, le foot réveille le textile convalescent et affole les courbes de ventes de pizzas, merguez et autres canettes en tout genre ! On rigole des bons mots des sportifs : «jokeStic», «reprouvement» , «la routourne va tourner» ou «avoir les épaules sur la tête» garnissent plus efficacement les pages d’un nouveau dictionnaire que le travail consciencieux de nos pauvres Immortels de l’Académie Française . Le foot c’est que du bon ! Plus efficace que le Prozac ou le Laroxyl, il étire la banane sur les visages à chaque but marqué. Et c’est bien cela qui fait sa force : une capacité infinie à nous sortir du quotidien !

Mais si on y regarde de plus près, et parce que vraiment je ne serai jamais un émérite chroniqueur sportif, la vraie grosse méga révolution qui nous déboule dessus tel un tsunami sur une cote lointaine, se cache dans les tréfonds des datas centers. Elle a même un nom « Big Data » ou Méga données si on veut éviter l’anglo-latin. Mon coté légèrement retord me laisserait à penser que le Big s’applique tout autant aux données qu’à la taille du gâteau que les sociétés informatiques, les opérateurs de réseaux et autres fournisseurs de logiciels vont pouvoir se partager. Le Big Data, nom sorti de la magique invention d’un marketeur américain, n’est rien d’autre que l’exploitation rapide de données produites de façon massive par nos sociétés modernes. Bon d’accord, on a modélisé un peu l’ensemble en amenant le concept de trois V (Vélocité, Volume, Véracité). Mais au bout du bout du compte, ce que l’on veut faire, c’est traiter à toute vitesse cette énorme masse de données non structurées qui, en tant que telle, n’a aucune valeur, mais qui, travaillée par des mineurs de fond (data mining), va nous révéler des secrets insoupçonnés. Ainsi, il y a quelques années une start up utilisait les positions de tous les portables couplée à une carte routière pour détecter les zones de bouchon. Aujourd’hui, on mobilise les petits accéléromètres de nos Smartphones pour connaitre les tressautements de la voiture et détecter les nids de poules. Cette information corrélée avec beaucoup d’autres sera envoyée au service des routes pour réparation de la chaussée. Ne rigolez pas : cela existe déjà à Boston. Et avec les objets connectés, le phénomène va encore s’accélérer. Une merveille ? Pas si sûr car ce qui m’inquiète le plus est la consommation énergétique de tous ces petits monstres bardés de capteurs et connectés aux serveurs informatiques. Si l’on n’y prend pas garde, c’est un déluge d’électricité qu’il faudra pour alimenter le Big data. Un sujet qui pour l’instant est passé inaperçu face aux possibilités positives … ou négatives de ce nouveau système nerveux planétaire.



Ronaldo Ribery Messy - Encore bon pour référencement !!!
Mais le Mondial est là, alors relax. .. Quoique, même dans le sport, les méga données commencent à être exploitées. En regardant Roland Garros, votre écran vous indique en superposition que tel joueur a couru 50,83 mètres avant un point décisif. Son image totalement éreintée après cette mini distance accessible à tous, tend à confirmer que les tennismen ne sont pas de grands athlètes ! Mais non, je plaisante ! Et dans le foot c’est pareil : on fixe, durant les entrainements, des GPS dans le dos des joueurs. Les protèges tibia fournissent les accélérations à des staffs hyper-connectés. Sur une année entière, une équipe pro de D1 peut générer dans les 10 millions de données, ouvrant l’opportunité de jobs rémunérateurs à de jeunes statisticiens sportifs. L’objectif est évidemment de peaufiner la trajectoire optimale qui poussera le ballon dans la cage adversaire. Une chimère ? Pas tant que cela mais il faut toutefois se souvenir qu’au sommet des chaussures et de la silhouette musculo-squelettique du footballeur se trouve une masse gélatineuse grise répondant au doux nom de cerveau. Et celui-ci à la fâcheuse tendance de ne pas réagir exactement comme de l’intelligence artificielle. Malgré tous les modèles Bigdataliens, il sera difficile d’intégrer les états d’âme du joueur recevant, quelques minutes avant le match, le mail assassin : « je te quitte ». Et paf, voilà le dixième de seconde de trop dans une passe ou devant les buts qui met à plat toutes les belles stratégies ! A moins que, l’entraineur technique n’ait intégré une analyse statistique des derniers profils Facebook et autre Twitter lui indiquant que le Numero xx était potentiellement en phase de rupture et lui suggérant de le laisser, de ce fait, sur le banc.

Je vous l’ai dit, la vraie révolution est bien là… Sauf si tout cela n’est que pur fantasme et que le seul vrai moteur qui fasse gagner une équipe soit la cohésion et l’envie. C’est d’ailleurs la conclusion que je préfère !

Alors, allez les Bleus ! 

dimanche 4 mai 2014

Je ne m'énerve pas, j'explique !



Google, c’est comme le chien-chien à sa mémère : vous lui lancez un objet et il vous ramènera toujours quelque chose. Dans le langage informatique plus châtié, on appelle cela des requêtes et des résultats. Ainsi, connaissez-vous le terme qui vous renvoie pratiquement 1,8 milliard de réponses ?

 Holà, holà, ami lecteur, cool, cool, ne t’emballe pas ! Pas la peine de me proposer ton sourire entendu et légèrement lubrique ! Car, loin de tes pensées perverses, le mot qui écrabouille à plate couture, celui que tu avais naturellement en tête est … «innovation ».

INNOVATION, ces 10 lettres sonnent comme le Graal des temps modernes. Pas un jour, une heure, une minute où vous ne croisiez ce terme assaisonné à toutes les sauces, plus ou moins digestes. Normal, me direz-vous, quand on voit qu’il contient, en son sein, le germe d’une « ovation ». Mais quand même, faudrait pas exagérer ! Au dire des média, des politiques et autres sources bien informées, l’innovation sauvera nos pays développés, créera de l’emploi et de la valeur ajoutée, rétablira notre balance commerciale, dégonflera la dette, sera notre pétrole du 21ème siècle et le renouveau de l’industrie, combattra le réchauffement climatique et sera pourvoyeuse de toutes les énergies, et j’en oublie. N’en jetez plus ! Tout cela est peut-être vrai, mais ceux qui ont ce seul mot d’innovation à la bouche, savent-ils  réellement de quoi ils parlent ?
Je monte régulièrement dans les tours comme un bolide rouge sur une route piemontaise, lorsqu’on réduit  l’innovation à la technologie. J’hurle, tel un loup affamé dans le grand nord des steppes sibériennes, quand on calcule l’efficience de la recherche par la seule quantité de publications scientifiques dans de prestigieuses revues internationales. Je pisse l’adrénaline par tous mes pores dès que je vois sortir un classement innovation basé exclusivement sur les brevets.

Non, ami lecteur, je ne m’énerve pas, j’explique !

Contraindre l’innovation à ces seuls critères relève, à minima, d’un délit de (mal) initié. L’innovation a cela de magique qu’elle s’applique à tout : de la technologie aux usages en passant par l’organisation. Elle est accessible à tous, grand ou petit  tant il est vrai que l’imagination et le bon sens se marient avec grâce. Messieurs Toyota et son Lean management, RyanAir et son low cost ou Facebook et son réseau social, sont des innovateurs aussi respectables que les inventeurs du moteur diesel, du smartphone ou du couteau suisse. Je suis tout autant en admiration devant ces patrons de PME dont l’innovation se cache dans l’ingéniosité extrême et la maitrise unique de l’outil de production. Oui, l’innovation est multiple et souvent invisible. C’est bien cela qui fait son charme mais aussi sa faiblesse, les innovateurs étant, le plus souvent, des gens particulièrement taiseux.

Aussi, lorsque d’outre tombe, un Steve Jobs vous balance ses conseils d’innovation (« Digital leader » Erik Qualmann, ou « Steve Jobs » par Walter Isaacson), on serre les fesses, on ouvre grand ses oreilles et on prend des notes, fissa. Je vous en ai compilé quelques petits extraits pour vous permettre de briller au prochain diner en ville.

·         Simplifier, simplifier, simplifier : faire simple est compliqué mais le réussir permet ensuite de déplacer des montagnes

·         Tu renifleras  les bonnes idées: ce n’est pas toujours  la peine de réinventer un produit. Ce qui compte, c’est l’usage. En d’autres termes, allez regarder dans les tiroirs des copains, s’ils n’y a pas de bonnes idées à réadapter.

·         Tu te ficheras éperdument  de la pensée dominante: être désobéissant n’a fait de mal à personne. Pas la peine de faire le mouton, sortez des autoroutes de la pensée unique ! Tentez les chemins de traverses vers les besoins non-exprimés. Bye-bye  les études de marché  sclérosantes ! (…mais tout le monde n’est pas Steve Jobs)

·         Ton concurrent, tu créeras toi-même, tout seul, comme un grand : autant inventer le produit qui vampirisera sa propre innovation, plutôt que d’attendre que la concurrence le fasse à votre place.

·         Ta communication, tu maitriseras : l’innovation ça s’entretient. Créez l’émotion et l’envie par des informations fournies avec parcimonie et par le culte du secret. Vous tiendrez le client en haleine et lui offrirez ainsi le sentiment d’exclusivité.

·         Tu préfèreras l’innovation frugale : ce ne sont pas les gros budgets de Recherche qui font la bonne innovation mais l’agilité et la capacité à repérer les tendances.

·         Tu bâtiras des commandos plutôt  qu’une grande armée : la petite équipe favorise la cohésion, la rapidité et l’absence d’idée préconçue.


Et puis pour terminer, trois méditations remuo-dérangeantes à méditer sans parcimonie :
        « Le design, ce n’est ni l’apparence, ni le ressenti mais l’art du fonctionnement harmonieux »
            «La créativité consiste juste à connecter les choses entre elles au moment où cela semble évident »

Et celle que j’afficherai le plus volontiers dans mon bureau :
                 «Si vous regardez avec attention, la plupart des succès obtenus du jour au lendemain prennent vraiment beaucoup de temps».
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Tu vois bien, ami lecteur, je ne m'énerve pas, j'explique !

mardi 1 avril 2014

Un radar expérimental flashe les vélos à Annecy


Dès ce matin, un radar expérimental flashera les vélos à Annecy. Il fait partie d'un train de mesures visant à fluidifier la circulation des vélos sur la piste cyclable du Lac d'Annecy.

La piste cyclable qui fait le tour du lac d’Annecy est la plus fréquentée de France. Afin d’améliorer sa sécurité elle sera prochainement équipée de trois systèmes uniques en Europe : radar, circulation alternée et même péage seront ainsi testés avant de qualifier la solution définitive.

Eugène vélocipède, génial inventeur du véhicule éponyme et de la roue à filet (ancêtre de celle à rayons qui l’a supplantée depuis) n’en croirait pas ces yeux tant le « véhicule homo mobile » qu’il avait décrit avec moult détails dans son premier brevet indexé FR 0104-1814 et dont nous fêtons le bi-centenaire ce printemps, connait aujourd’hui un succès fulgurant. Certes il y a un monde entre le premier cadre bricolé en bois et les bicycles actuels, allégés à la fibre de carbone ou dopés à l’électricité lithium-ion qui parcourent nos routes.
Mais ce succès connait aussi son revers et ceux qui ont tenté le tour du lac d’Annecy certains dimanches ensoleillés ont probablement plus cherché à éviter les autres cyclistes que regardé le cadre enchanteur environnant. Victime de sa fréquentation, la piste cyclable va être le lieu d’une expérimentation unique en Europe. C’est ce que nous raconte Paul Fisherman, le directeur de la toute nouvelle société RE.VE.LAC (REgulation VElo LAC d’Annecy) créée à cet effet : « Le challenge qui était le nôtre visait à fluidifier le trafic des vélos sur les 40 kilomètres du tour du lac en maintenant un très haut niveau de sécurité. Et, contrairement aux secteurs routiers classiques, nous n’avions pas ici d’itinéraires bis. Il nous fallait donc concevoir une solution particulièrement novatrice pour la piste cyclable ».

C’est pour cela que REVELAC s’est associé avec le pôle innovation local Thésame et notamment avec l’un de ses experts, Albert Salmon, précédemment directeur recherche d’une société d’autoroute du sud de la France. Avec son accent chantant et son langage imagé il nous explique le projet.

« L’augmentation du trafic cycliste autour du lac allait rapidement aboutir à une congestion totale. Les sportifs allaient être plus serrés que dans une boite de sardines à Marseille ! C’est dire. Nous avons donc adapté nos modèles mathématiques de trafic auto à l’environnement particulier du vélo en reprenant l’unité de mesure classique : le TVK pour tronçon véhicule kilomètre. »

En simplifiant un TVK inférieur à 100 garantit une fluidité absolue mais au-delà de 1000 on arrive au bouchon.

A chaque TVK a donc été imaginée une technique de régulation adaptée.

Lorsque le TVK est compris entre 100 et 500 la vitesse des vélos est modulée. Si elle est libre en dessous de 100, elle est limitée à 40km/h jusqu’au TVK de 200 puis 30, 20 et 15 km/ lorsqu’on atteint le TVK de 500. «Nous avons conçu un système adapté à la faible signature radar des vélos avec la société Mhérou électronique » rappelle M. Salmon. « Mais nous n’avons pas voulu du tout répressif ! Ici il n’y aura pas de PV : nous avons préféré un système très éducatif visant à responsabiliser les cyclistes. Ainsi, supposons que la vitesse soit régulée à 20 km/h et qu’un cycliste soit flashé à 40 km/h, soit 100% de plus que la vitesse autorisée, et bien nous lui confisquerons son vélo pendant 100 minutes. S’il avait roulé à 30 km/h, soit 50% de plus, alors cela n’aurait été qu’un arrêt forcé de 50mn. Vous voyez c’est un système simple et compréhensible par tous. En plus, durant ces pauses-amendes, nous offrons une petite collation, histoire de garder le sourire ! »

Le deuxième train de mesure se déclenche au-delà du TVK de 500. Ici c’est une circulation alternée qui sera prescrite. Encore une fois, c’est la simplicité qui a été privilégiée : toutes les heures paires, le tour du lac se fera dans le sens des aiguilles d’une montre et les heures impaires dans le sens contraire. Mais pour ceux qui voudraient terminer leur tour, six zones de stockage et d’attente sont prévues autour du lac comme pour les poids lourds en amont des tunnels du Mont-Blanc et de Modane. Mieux encore, pour ceux qui n’auraient pas de montre, des sirènes seront déclenchées. « Nous avons choisi des thons faciles à mémoriser. Dans un sens, la sirène sera en raie mineur et dans l’autre en sole majeur ».


Enfin, le troisième niveau de mesure et qui sera probablement le plus contesté, est l’instauration d’un péage au-delà du TVK de 1000. La gratuité est totale en dessous puis le péage est de 5 euros jusqu’à 2000 et vraiment dissuasif au-delà, puisque les tarifs peuvent grimper à 20 euros ! « Notre objectif est surtout d’éviter ces pointes extrêmes en rendant l’accès à la piste particulièrement onéreux ». Et lorsqu’on évoque le fait que cela risque de renvoyer les cyclistes sur la nationale voisine, il nous est expliqué que cette dernière sera interdite au trafic vélo durant cette période. Le cycliste est donc bel et bien piégé dans les filets de REVELAC, très loin de l’esprit de liberté que représente ce sport.
Mais qu’on se rassure, la période de test est limitée à 6 mois, d’avril à septembre. Ensuite, pour pérenniser le dispositif il faudra la publication de décrets qui sont loin d’être acquis. En effet, les abords du lac d’Annecy étant soumis à la loi littorale, c’est le ministère de la pêche qui devra homologuer le projet.

Une affaire qui risque de trainer mais qui n’enlève rien à l’optimisme de Paul Fisherman. « Nos modèles mathématiques sont robustes et s’adaptent à beaucoup de situations. Notre marché est avant tout international. Si plusieurs stations de ski autrichiennes nous ont approchés pour équiper leur domaine nordique, nous venons de signer avec Hawaï pour la régulation des surfeurs et nous sommes en négociation finale avec Venise pour mieux contrôler le trafic des gondoles sur le Grand Canal ». 

jeudi 20 mars 2014

C'est quoi votre meilleur souvenir de ...2050 ?

Comme tous les ans, lorsque les perce-neiges percent la neige, fleurit à Lyon, un salon à nul autre pareil, j’ai nommé … (là, normalement on entend un roulement de tambour, mais c’est loin d’être évident sur une chronique web) … donc j’ai nommé, Innorobo. Si nous n’avez jamais vu ou touché en vrai, ce que la science-fiction invente en faux, il faut vraiment faire le déplacement dans la capitale des gaules et mixer tablier de sapeur, cervelle de canut, beaujolais et robotique. Le voyage sera doublement amorti  et je suis sûr que vous découvrirez que le futur n’est vraiment pas si loin que cela !



En complément de cet évènement, votre besogneux, scribouillard patenté, s’est dit que vraiment, pour une fois, dans cette page, c’était mieux de faire bosser les autres.  Et plutôt des cadors, des darons, du gros calibre quoi. D’où l’idée d’interviewer une palanquée d’experts (le cours de la palanquée vaut actuellement 12) sur plein de questions existentielles et roboticiennes.L’une d’entres elles est, au moins dans le style, robot-compatible avec cette chronique. Le thème : « votre meilleur souvenir de la robotique … en 2050 ! ». Je vous laisse avec plaisir découvrir ces perles sérieuses, décalées, humoristiques. Elles sont là pour nous rappeler que l’innovation est partout et que, vraiment, c’est le meilleur remède à la morosité !

A titre personnel, à défaut de Mary Poppins et ses pouvoirs magiques : un robot multitâches pas trop encombrant et discret qui range, nettoie, repasse… enfin fasse toutes les tâches ménagères rébarbatives pour tous, gère le frigidaire et les placards, contrôle la température de mon habitation, adapte la lumière… garde ma maison. Pour l’extérieur et l’entretien de mon jardin, j’accepte qu’il y en ait un second. Cela me donnera plus de temps pour mijoter des bons petits plats, m’occuper de ma famille, de mes amis, profiter de ma maison et de mon jardin… De la vie en somme. (Laurence Cherillat – ARTEMA)

Mon souvenir ? Ce sont les yeux des foules incrédules des années 2010 quand j'affirmais qu'en 2050 conduire une voiture sera un luxe ou un hobby et que ce véhicule aura enfin atteint son statut d'AUTOmobile ! (Bruno Bonnell – SYROBO)

En 2050… j’aimerais me souvenir d’un objet ou d’une maison uniquement par son côté agréable, confortable et sécurisé, où la domotique / robotique - bien présente, presque banalisée - se serait faite oublier. (Jean-Philippe Demaël – SOMFY)

25 février 2050… Année de mes 90 ans. Je prends mon petit déjeuner avant de me rendre au travail. (Encore 10 ans pour rejoindre l’âge légal de la retraite…). Le nouveau cristallin artificiel qui m’a été greffé me permet évidemment de lire sans problème les nouvelles sur ma tablette. Je ne peux retenir un rire à la lecture de cette rétrospective sur les fameuses lunettes « GOOGLE ». Et pourtant si d’un regard j’anime tous ces instruments du quotidien dans ma cuisine, sans les toucher de mes doigts car ils agissent comme des membres de mon propre corps, instinctivement, ce sont bien ces appareils « préhistoriques » qui sont à l’origine. Tout à l’heure, dans l’usine de Faverges, j’assemblerai de la même manière des robots Stäubli qui sont toujours les plus performants et les plus intelligents au monde. (Bernard Carera – STAUBLI)

Mon meilleur souvenir, c'est quand j’ai appris que le robot du petit Grégoire l'avait  sauvé de sous son avalanche, le maintenant en vie en montant sa température interne jusqu'à « en mourir » pour le maintenir au chaud, tellement « il l'aimait ».  Ça m'a bouleversé. (Bruno Maisonnier -ALDEBARAN)

Mon meilleur souvenir c’est ce matin quand j’ai enfilé ma combinaison textile intelligente qui préserve ma santé en garantissant mon équilibre, en assistant mes gestes et en monitorant mes fonctions vitales. (Serge Grigorowicz – RB3D)

J’ai été assez ému lorsque le vieux robot que j’avais moi-même conçu bien des années plus tôt est venu me présenter… son petit-fils. (Alexandre Haag – ADEPT)

2050 : je vais sur mes 95 ans… Merci à tous les ingénieurs qui ont développé les merveilleux robots qui me rendent la vie quotidienne aussi facile qu’à l’époque de ma presque jeunesse de 2014 ! (Philippe de LACLOS – CETIM)

Je garde en mémoire les grappes de robots récoltant d’une façon totalement autonome les nodules, nouvelle source d’approvisionnement en matériaux de toutes sortes, au fond des océans de la planète. Et les micro-robots traitant sans que l’on s’en rende compte des maladies graves au sein de notre organisme en palliant les déficiences. (Bernard Million-Rousseau – PFA)

Génial mon pantalon fabriqué avec un textile intelligent qui va détecter si je perds l’équilibre (dès l’âge de 80 ans les conséquences d’une chute sont souvent fatales) et qui deviendra rigide, où il faut, pour me soutenir. Et aussi mon chapeau avec son mini-airbag. (Simon Johnson –NCCR Robotics)

Mon souvenir c'est un robot plus intelligent que l'homme ! (Mirel Scherer – Journaliste)

Au-delà du fait que j’aurai 90 ans et qu’il y a de fortes chances que je ne m’en souvienne plus très bien, ce serait ce que nous avons vécu en 2020, quand les premiers robots collaboratifs ont investi massivement l’industrie avec comme corollaire des coûts de production en France largement compétitifs avec le reste du monde. La France avait dès lors retrouvé sa capacité à concevoir et fabriquer. (Jean-Hugues Ripoteau – FANUC)



Et vous c’est quoi votre meilleur souvenir ?

dimanche 2 février 2014

Julie Gayet, Nouvelle Révélation !


Ca y est ! Cette fois, je suis vraiment un « vieux c.. » !

Je sais, ami lecteur, lorsque tu as lu le titre de cette chronique, tu t’es dit « mais il n’a quand même pas osé. C’est du n’importe quoi. Pas lui, non, pas lui. Comment a-t-il pu tomber aussi bas, dans les tréfonds du mauvais people » ? Et puis, tu as vu mon constat : je suis définitivement un « vieux c.. », un has been, comme on le devient tous à un moment donné. Alors tu m’as peut être pardonné de m’être laissé emporter par la facilité pour récupérer un dernier brillant de notoriété.

Je dois quand même l’avouer, être « vieux c.. » est un mécanisme franchement pernicieux car la frontière est imperceptible entre le moment où l’on vous scrute avec un regard envieux « il n’est vraiment pas c.. ce type » et celui où le visage des autres vous fait comprendre, sans ambigüité, que, vraiment, vous êtes devenu un « vieux c.. » qui ne comprend plus rien à rien.

Moi qui me croyais le champion de l’innovation, l’expert des nouvelles technologies, le cador de l’intelligence stratégique, je me vois totalement dépassé par une chanteuse de R’n’B à la voix douce et acidulée répondant au nom de Beyonce. (Petite parenthèse pour ceux que la culture afro américaine laisse de marbre malgré les qualités vocalistiques de la charmante dame, il faut prononcer : bi –ion-cé). Donc, cette éminente artiste, chanteuse de l’hymne américain lors des Superbowl et des cérémonies d’investiture de Présidents Yankee, a bouleversé tous mes standards de marketing appris pour le lancement de nouveaux produits. Etude de marché, teasing, fuites savamment orchestrées, publicité, présentation d’échantillons, clients béta testeurs, avant première, prototypes : tout cela je connaissais et j’appliquais. Jusqu’à ce funeste 12 décembre 2013. Lors de cette nuit, sans rien dire à personne, Gisèle Knowle-Carter (c’est son vrai nom) déposa sur i-Tunes un nouvel album baptisé simplement « BEYONCE ». En trois heures, les ventes atteignent 80.000 exemplaires, 400.000 en 24 h, 800.000 en 3 jours et 3 millions après un mois. Tout cela, en se la coulant douce et en laissant bosser les réseaux sociaux alimentés par les fans. Moi qui avais quelques doutes sur la réalité de ces nouveaux métiers de stratégie digitale et d’e-réputation, je reçus en pleine figure une claque de première. Has been, je vous dis. Et ce n’est pas fini !



Quelques jours plus tard, sur une radio ciblée CSP+, dédiée à l’économie et à la finance, je tombe, lors d’un brossage matinal des dents, sur un reportage consacré aux bitcoins. Déjà, que ce n’est pas évident de garder les neurones bien attachés à 6 heures du mat, je dus endurer les doctes experts démontrant les avantages et les dangers de cette monnaie virtuelle qui utilise internet et les logiciels libres. « Bitcoin, bitcoin ?  Mais je ne connais pas » me dis-je dans un sursaut de fierté embrumée. « Surement du nouvellement nouveau qu’il me faut, de ce pas, documenter ». Et là, nouvelle claque lorsque j’apprends que  le bitcoin est une monnaie électronique conçu en … 2009 par un développeur se camouflant sous le pseudo de Satoshi Nakamoto. Certes, je ne suis pas banquier mais il semble bien que le bitcoin soit depuis quelques temps déjà une innovante révolution, très tendance dans le marché des transactions, nous refaisant le coup des échanges de fichier Peer to Peer, bien connus pour la vidéo. Mais pire, je n’ai strictement rien compris à son fonctionnement. Comme je suis sympa et que j’espère que quelqu’un sur cette planète aura la délicate attention de me traduire en langage compréhensible par un « vieux c.. » les lignes qui suivent, je vous livre un extrait de wikipedia .
Bitcoin (BTC) se distingue le plus des autres monnaies par le fait que l'agrégat monétaire n'est pas conçu pour s'adapter à la production de richesse. Les bitcoins sont émis lentement et régulièrement, de façon dégressive, jusqu'à atteindre un montant maximal de vingt-et-un millions dans quelques décennies. Le montant total, ainsi que le taux annuel d'émission, sont inscrits explicitement dans le code informatique du logiciel. Il prévoit l'émission de monnaie d'après une règle mathématique.

… Et le reste est à l’avenant ! Bref, en moins d’un mois, le signal d’alerte s’était déjà allumé à deux reprises. Je découvrais que je devenais réellement un has been « vieux c.. ». La troisième alerte allait finalement m’achever.

Cela faisait presque un an, qu’au boulot, les jeunes de mon équipe me tannaient pour que je devienne un twitteur averti. C’est toujours bon d’avoir une proportion de génération Y dans ses murs, histoire d’être bousculé dans ses certitudes et de ne pas déconnecter trop vite. Mais là, fallait quand même pas exagérer ! Qu’allais- je faire avec un oiseau bleu gazouilleur (le logo de twitter) ? Pourquoi irais-je me fourvoyer sur un réseau dont le seul intérêt est de se regarder le nombril en envoyant ses pensées, ou ses moindres faits et gestes au monde entier ? Comme si mon ego  et mon narcissisme exacerbé pouvaient se contenter de 140 malheureux caractères ! Une bonne chronique, il n’y a que cela de vrai pour déployer sa pensée et délivrer un message !!!

Enfin, c’est ce que je croyais. Car, je l’avoue, j’avais tort, une nouvelle fois ! De guerre lasse, j’ai cédé à mes jeunes Y et j’ai ouvert mon compte, @montaudpro, très franchement, pour leur faire plaisir. Et là, miracle, j’ai découvert un outil merveilleux, à mille lieux de mon imaginaire de crouton défraichi. Depuis, je soigne mon syndrome de « vieux c.. » à coup de hashtag (#) et autres arobases (@). Je #FF et #TT allègrement. J’ai des followers, des gens qui m’aiment et me suivent. Je gazouille et je suis les gazouillis. Au-delà du bruit de fond numérique qui caractérise la blogosphère mondiale, twitter s’est révélé être un formidable outil de veille, me donnant accès à des infos de toute première main. Et franchement, n’est-ce pas ce que l’on recherche en innovation ? Mieux encore, j’ai découvert des experts qui trient, analysent et commentent. Ici plus de perte de temps : Il faut maitriser l’art de la synthèse, mieux qu’un émérite énarque, pour plier sa pensée au despotisme des 140 signes.  Au placard les alertes actualités ! Ici on vit dans l’instant. Etonnante histoire pour cet outil qui, de l’aveu même d’un de ses fondateurs, « n’avait pas été conçu pour être utile ». 

Bon, c’est vrai, il vaut mieux, parfois, avoir l’expérience d’un vieux routard pour ne pas se laisser embarquer dans des infos pour le moins fumeuses. Ainsi Julie Gayet, la supposée éminente égérie présidentielle, est créditée d’au moins 5 comptes Twitter, probablement tous plus faux les uns que les autres. Impossible à dire même en croisant les données : en quelques jours, la belle et charmante inconnue est devenue la véritable révélation d’Internet. Pour preuve : alors qu’un jour normal, la requête championne sur la toile ne dépasse pas les 100 000 demandes, l’actrice a explosé tous les compteurs en générant 2 millions de visites, un certain vendredi 10 janvier. 

Et si cela n’est pas une révélation, je n’ai qu’à clôturer cette chronique ! D’ailleurs, son titre a déjà suffi par lui-même pour que je sois moulte fois retwitté !


Le « vieux c.. », @Montaudpro

vendredi 3 janvier 2014

LA VICTIME DU VENDREDI NOIR



C’est toujours difficile de se renouveler pour tenir le rythme d’une chronique mensuelle, fut-elle innovante. Cette fois, j’aurais pu plagier un Jean de La Fontaine :

Une voyeuse vit un lointain brillant
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas plus lumineuse qu’un vers luisant
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler le beau en splendeur,
Disant : "Regarde bien, futur admirateur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point.". La chétive pécore
s’enflamma si bien, que, soudain, elle s’évapora.


J’aurais tout aussi bien pu faire appel au mythe d’Icare assaisonné de grandiloquence Victor Hugo-ienne


« La lointaine vagabonde se sentit grisé par son vol audacieux. Dans son désir d’atteindre la brillance suprême, elle dirigea toujours plus haut sa course. Mais les rayons ardents du vaillant Phébus, bientôt, sa surface affaiblirent. Des marées insensées la privèrent de substance et son corps à jamais devenu informe, fut englouti dans des torrents de flammes impétueux. »

Mais avec un tel titre, « victime du Vendredi noir », rien ne pouvait surpasser le suspens d’une bonne nouvelle policière.

Revenons donc quelques temps en arrière.

Comme si on la croyait déjà coupable, elle obtint rapidement son matricule : C/2012-S1. Très exactement, dès que Vitali Nevski et Artyom Novichonok, deux brillants détectives russes, découvrirent pour la première fois son existence en septembre 2012. Elle se faisait pourtant très discrète, mais vous le savez bien, rien n’échappe aujourd’hui à la police scientifique. D’ailleurs, en exploitant les moindres indices on retrouva sa trace, un an plus tôt, sur des images d’archives, nouveau succès de la vidéo surveillance. On suspecta qu’elle pouvait venir de la mystérieuse région d’Oort. Mais c’est son côté show bizz qui fit rapidement sa réputation. Très vite, en effet, on découvrit qu’elle avait un talent fou, certains la déclarant même star du siècle, probablement à cause de son visage si lumineux. Enfin, c’est ce que l’on espérait, car elle n’était qu’à son tout début de carrière. L’emballement médiatique n’arriva que plus tard. La moindre information était triturée pour devenir un titre tonitruant. Une couleur verdâtre, signe de cyanure se transformait en «Va-t-elle empoisonner la terre entière ?». La plus anodine image, bien plus floue que ce que réussissaient généralement les paparazzis patentés, devenait un scoop planétaire. On annonçait une action majeure pour Noel, un embrasement général. « C’est bon ça, coco, pour l’audience ». Pourtant, les experts n’étaient encore sûrs de rien. Des doutes majeurs subsistaient sur son tour de taille. Boudinée ou svelte, cela changeait tout. « Ah, mon bon monsieur, quoique l’on en dise, la dictature de la silhouette parfaite est loin d’être éteinte ! ». Et puis, elle avait cette satanée manie de se montrer radieuse quand on la croyait fade et réciproquement. C’est peut être à cela que l’on reconnait les très grands artistes. En novembre 2013, alors que les projecteurs de la notoriété la traquaient, elle se mit à briller de mille éclats. Tous les espoirs étaient permis. Ses sorties matinales attiraient des badauds dans le froid piquant de l’hiver. Mais voilà, comme souvent, les fins de mois sont tragiques, et pas seulement pour les comptes bancaires. Elle approcha si près de la lumière crue des sun lights qu’elle se brula définitivement et disparut dans un dernier éclair.

Du sang et des larmes : parfait pour l’audience. « Aller, on remballe. C’est quoi le prochain sujet maintenant, coco ? ».

Le prochain, c’est l’histoire vraie. Car la star avait un prénom, ISON, et elle était comète de son état. Pas facile de faire de la grosse science à la sortie des réveillons. Sachez seulement que les comètes restent, pour les scientifiques, des astres quelque peu malicieux. Venues du fin fond du système solaire, ces boules de neige sale s’approchent parfois du soleil et nous gratifient alors, dans quelques très rares cas, du magnifique spectacle d’une étoile prolongée par une immense queue lumineuse couvrant une large partie du ciel. Ce fut le cas en 1680, en 1910 ou en 1965. En dehors de ces moments exceptionnels, les astronomes amateurs récoltent plus fréquemment un rhume carabiné qu’un éblouissement oculo-cométaire. Pour ISON, l’histoire s’annonçait différente. Très loin du soleil, elle était déjà brillante, laissant présager une luminosité égale à celle de la lune au plus près de la Terre. Mieux, ce croisement devait avoir lieu autour de Noel : magie d’une nouvelle étoile des rois mages ! Seulement voila : il faut toujours lire les petites lignes. Et celles-ci indiquaient que la comète ne survivrait à son passage près du soleil que si son diamètre dépassait les 8 km. Hélas, les diverses mesures de l’automne 2013 ne laissaient présager rien de bon et annonçaient une probable fin funeste. Traduisez par : évaporation, sublimation et dislocation dans la fournaise et les marées de l’atmosphère solaire. « To be or not to be » : dilemme shakespearien venu de la nuit des temps qui prenait soudain tout son sens. Enfin, surtout pour les médias qui devaient entretenir le suspens jusqu’au fatidique 28 novembre : « nous vous annonçons la disparition et blablabla et blablabla.. ». Dès la date du survol solaire passée, on ne parla plus de ISON dans le grand public. Elle était bel et bien morte.

… Enfin, Euh, Non, chef, il se passe quelque chose !

Les rares curieux qui continuaient à regarder les images du satellite STEREO braqué sur l’environnement Phébusien, découvrirent la vaillante impertinente qui, tel le Phénix renaissant de ses cendres, se paya le culot de vivre encore quelques jours. Oui mais voilà, aux Etats Unis, le 28 était le soir de Thanks Giving et le 29, la journée fériée du « Black Friday » : on n’allait quand même pas se faire embêter par un petit bout de glace ressorti de l’enfer.

ISON était morte avant l’heure … victime des soldes du Vendredi Noir !