mardi 1 novembre 2016

Ne croyez pas ce que vous êtes en train de lire !



Lui : Arrgh ! Mais t’as pas honte ? Tu ne vas pas te remettre à nous remuer les neurones, chroniqueur pervers patenté. Déjà Magritte nous avez fait le coup avec son célèbre tableau de la pipe « ceci n’est pas une pipe ». Mais toi, t’es ni peintre, ni surréaliste, ni belge. Ton truc, c’est l’innovation, tu te rappelles ? C’est même écrit en haut de la page. Alors ton titre « ne croyez pas ce que vous lisez » que je suis en train de lire veux bien dire que je dois, en fait, croire ce qui suit. Tu vois, tu m’as tellement déformé que j’anticipe tes ruses !

Moi totalement déconfit : heu oui, mais non, mais oui. Je n’ai jamais voulu t’induire en erreur, lecteur fidèle parmi les fidèles. Je voulais juste te mettre au courant de mes dernières pérégrinations. Il m’arrive même parfois d’écrire au premier degré, sans arrière pensée cachée (enfin, c’est rare, je te l’avoue). Mais là, c’est vrai, je voulais seulement te mettre en garde. C’est mon coté gentil qui ressort.

Car je reviens de la messe à Paris. Enfin je devrais même plutôt dire de la « grand messe », celle de 11 heures avec le décorum et la solennité qui vont avec. A Notre Dame ? A la Sainte Chapelle ? A Montmartre ? Mais non, tu n’y es pas du tout ! A la Porte de Versailles, au pays de l’adoration des rutilantes carrosseries et des vrombissantes bielles pistonnées, dans le dernier bastion de la culture testosteronnée et du rinçage d’œil devant de sculpturales silhouettes. Ici on écoute plus l’harmonie des chevaux qu’on ne regarde le dégradé des micro-particules et des oxydes d’azote.
Enfin, c’est ce que je croyais !

Car, en l’an 16 du troisième millénaire, les preux chevaliers et leurs carrosses à 4 roues ne parlent plus que d’électrons, de batteries révolutionnaires, de véhicules plus verts que les plus vertes prairies d’une Normandie après un printemps arrosé, de zéro émission et de bien plus encore. Si Coluche avait été là, sûr qu’il nous aurait sorti un sketch à la mode du plus blanc que blanc.

En passant de stand en stand, on bat des records d’autonomie, 400 km ici, 500 là voire 700 ou 800 ailleurs. A croire que, ça y est, l’homme bascule définitivement dans le monde de l’« eco-friendly ». Le pétrole has been, avouant ses fautes sur l’autel de l’air pur, fait place au Lithium-ion forcément moderne. Bon, moi je veux bien, mais mon petit cerveau d’ingénieur me rappelle à l’ordre : « déconne pas coco (c’est le petit nom qu’il me donne), tu sais bien que la physique ne fonctionne pas tout à fait comme ça. Alors dit leur, toi ». Je crois que le patron de PSA avait aussi envie de faire de même, au travers d’allusions policées, mais on était au Mondial de l’automobile. Alors ça ne se fait pas, hein ? Mais moi, vulgaire petit chroniqueur au demeurant particulièrement jésuite sur les bords, je peux parler, non ?

Commençons donc par le commencement, à savoir les ordres de grandeur. Une voiture avec une autonomie de 4500 km, ça fait rêver et pourtant vous pouvez le faire dès demain sur votre voiture et quasiment sans surcoût. Pourquoi ? Parce que la moindre voiture électrique transporte 250 kg de batteries. Transformé en carburant, cela fait dans les 280 litres de gas-oil, soit, retraduit en autonomie, les fabuleux kilométrages annoncés. Car là est tout le problème du véhicule électrique : la densité énergétique, c'est-à-dire la quantité d’énergie par unité de poids. On l’exprime en Watt heure par kg (encore un machin pour frimer dans les dîners en ville). Ce que l’on doit retenir c’est
qu’elle vaut 10000 pour un kg d’essence et 200 pour une excellente batterie. Oui, oui, tu as bien lu ! 50 fois moins d’énergie dans l’électrique car la physique est têtue et refuse de substituer les mécanismes de combustion à ceux de l’électrochimie. Circulez, ya rien à voir.
Bon là, je sens déjà ton âme d’écologique en train de se pendre. « Dit chroniqueur, on peut pas tasser un peu plus les électrons ? Ils ne sont pas bien gros, tu sais ! ». C’est vrai que les batteries font d’énormes progrès mais il y a des limites ! Trop d’énergie, c’est comme trop d’alcool, on chope une cirrhose de batterie voire même on prend feu. Des smartphonistes célèbres en font l’amère expérience aujourd'hui . Ca court-circuite vite fait ces petites bêtes.

Et puis, parler de zéro émission polluante, c’est une pure vision de citadin. Il faut bien la produire quelque part cette électricité. Grosso Modo, si on passait le parc automobile français en électrique il faudrait utiliser environ une dizaine de centrales nucléaires EPR toutes les nuits ou, dit autrement en énergie propre, mobiliser tout le parc éolien allemand ou hydraulique français . On les viderait vite fait nos barrages. Autant dire que, dans la vraie vie, le véhicule électrique va générer du gaz à effet de serre avec les centrales à gaz ou à charbon … mais ailleurs ! Certaines études montrent même une augmentation du CO2. Un comble. Mais n’ayons pas une vision trop machiavélique. Les lobbyistes des deux bords agissent !

Car tout n’est pas si noir, loin de là. La Giga Factory de Tesla devrait faire plonger au moins d’un facteur 10 le coût des batteries. Le véhicule électrique récupère facilement l’énergie de freinage, il accélère mieux qu’une Porsche ou une Ferrari mais nécessite une conduite pépère gage de sobriété et de sécurité. Il réduit drastiquement les coûts d’entretien : un bonheur pour l’automobiliste mais une catastrophe pour les garagistes devenus électrotechniciens. Bref, l’électrique a un vrai avenir mais dans des conditions particulières et ne doit pas nous faire croire que nous sommes devenus d’un coup, d’un seul, des amis de la terre.

Tu vois bien ami lecteur, je ne te voulais aucun mal. Je te l’ai bien dit dès le début : « ne crois pas aveuglement tout ce que tu lis ». Entre le monde de l’annonce médiatique et celui de l’austère culture technique, il ya un fossé qui s’appelle la réalité physique. Un vrai bonheur car entre le blanc et le noir, il y a toute une nuance de verts, et ça, c’est bon pour les peintres, les poètes et … les innovateurs.

André Montaud
am@thesame-innovation.com

samedi 1 octobre 2016

Un vrai truc de OUF !


Un truc de OUF ! Il y a très exactement 5 ans, des membres du GMHM réussissaient l’impossible : la première traversée de la Cordillière de Darwin. Une chaine de montagne totalement inconnue, pas franchement très élevée, mais dont la localisation au sud du sud de l’Amérique du Sud, noyée dans les conditions météorologiques extrêmes du Pacifique quasi antarctique, transformait ce qui aurait été ailleurs une randonnée alpine engagée, en exploit hors norme. Sans véritable carte, avec quelques photos satellite et une énergie à toute épreuve, cette équipe a su marier, à la perfection, la technique et la solidarité du groupe. Audace et Confiance. Deux mots qui rebondissent l’un sur l’autre pour créer le succès.

En mettant la 21ème édition de Progiciels sous le signe de l’entreprise audacieuse, c’est cette énergie et cette confiance absolue dans l’intelligence collective que nous avons voulu retranscrire et vous transmettre. Car, il faut bien l’avouer, entreprendre est un vrai truc de OUF, certes très gratifiant, mais où l’investissement matériel est toujours transcendé par l’investissement humain.

Bien avant la tendance lourde et mondiale de l’entreprise du futur qui, sous prétexte de numérique, redécouvre l’industrie ET l’homme au cœur, nous avons toujours rapproché à PROGICIELS les technologies et l’appropriation de ces dernières par les équipes. A quoi bon un lourd investissement informatique ou logiciel (dire « digital » pour faire branché) si ce dernier n’est pas, ou mal, utilisé ? Mais au-delà de ce constat, nous avons voulu montrer que dans toute ENTREPRISE AUDACIEUSE, le seul investissement qui se bonifie avec le temps, ce sont les hommes et les femmes qui la font vivre. En bref, le management du futur, c’est un management basé sur la confiance, l’intelligence et le bien-être au travail.

Une histoire de doux rêveurs ? 

Pas si sûr ! C’est ce que nous vous montrerons au travers de 5 conférences plénières qui rythmeront la journée sur l’audace, l’envie, la confiance, le numérique comme catalyseur des équipes ou la magie de transformer l’ordinaire en extraordinaire. Ce PROGICIELS sera décoiffant car on devrait y voir autant de dirigeants, de responsables de production, de commerciaux, de juristes, d’informaticiens que de Responsables RH.

 Bref la vraie vie de l’entreprise autour d’un enjeu unique : gagner, mais gagner ensemble.

Convaincu ?

Alors il est temps de vous inscrire sur www.expo-progiciels.com pour le 5 octobre. Cela vous permettra de découvrir les 20 ateliers pratiques sur l’industrie 4.0 et tous les nouveaux outils logiciels. A moins que vous ne préfériez rencontrer des robots dont certains sont très bavards et vous feront la conversation. Adepte de l’environnement ? Passez 2 heures à réfléchir sur le cycle de vie des produits dans l’Université du PLM. Mais comme il est important de ne pas trop se prendre au sérieux, vous retrouverez aussi le fameux jeu « qui veux gagner des millions » (de chocolat), vous visualiserez en direct les consommations de boissons grâce aux objets connectés , à moins que vous ne préfériez perdre quelques calories sur le bureau tapis roulant !

La journée du 5 octobre ? Un vrai truc de OUF, je vous dis !

André MONTAUD

PROGICIELS le 5 octobre de 8h à 20H.
Entrée libre SUR INSCRIPTION à l’Espace Rencontre d’Annecy le Vieux
L’ENTREPRISE AUDACIEUSE : des équipes prêtes à saisir de nouvelles opportunités.

lundi 22 août 2016

LES MONDES PARALLELES - IN VINO VERITAS


Le plaisir est toujours au bout du bouchon !



Houla, houla, danger ! Ligue contre l’alcoolisme, sécurité routière, addiction et j’en passe.

 Pourtant, amis lecteurs estivaux, ne vous méprenez pas ! Lorsque que je vous parle de vin, ce doux breuvage amoureux de nos papilles (à moins que ce ne soit l’inverse), je ne vous demande pas d’expérimenter son effet gyroscopique, que certains d’entre nous pourraient « malencontreusement » découvrir lors d’un barbecue saucisse-merguez. Non, je veux juste vous rappeler combien sa consommation modérée à une capacité à générer un plaisir à nul autre pareil. Pourtant rien ne prédestinait cette invention millénaire à devenir un produit d’exception à force de travail, d’expérimentation, et de savants mélanges. Quelle autre boisson pourrait générer autant de sentiments, de sensations, d’imaginaires, et en plus 100% renouvelable à chaque ouverture de bouteille ?

Si je vous parle avec émotion de ces sublimes expériences, au risque de voir arriver une amende pour apologie du treize degrés cinq, rouge ou rosé, c’est qu’il existe une étonnante ressemblance entre le monde de la vigne et celui de l’Innovation !

Ok j’attends déjà la réflexion : « Et Marcel, lit ça : les chercheurs sont des alcooliques anonymes, c’est normal qu’ils nous fassent des télécommandes télé incompréhensibles. Ils sont bourrés ! »

Et pourtant ! Dans le vin, il y a les producteurs de raisins, qui, dans les labos sont les innovateurs manipulant les concepts nouveaux. Il y a les grands et les petits crus : innovation de rupture ou innovation incrémentale. Il y a les immenses vignobles industriels du Nouveau Monde et les microscopiques productions des crus artisans : complémentarité d’approche des grosses équipes de R&D du grand groupe et de l’inventeur solitaire en PME.

Alors, convaincu par ma proposition de voyage d’été dans des mondes parallèles pas si lointains où le divin vin côtoie le génie génial ? Oui ? C’est parti !

- Le vigneron Stakhanoviste , dur à l’ouvrage, va demander à la vigne, qualité et quantité ; c’est bien évidement, l’innovateur aux milliers d’idées, brevetant à tout va et empêchant ainsi la concurrence de s’infiltrer.

- Le Spartiate , dont les moyens sont limités, accompagnera en toute simplicité la croissance du raisin. C’est bien souvent le lot commun de bon nombre de services d’innovation, qui savent jongler avec de maigres subsides pour sortir des produits étonnement décoiffants.

- L’Epicurien, quant à lui, est un amoureux invétéré du plaisir, maniant les grappes avec précaution dans leur croissance, les cajolant lors des tourments météo, et imaginant déjà dans le grain à maturité l’explosion des sens apportée par la future dive bouteille.

C’est aussi le cas de l’innovateur épicurien qui fournit le véritable avantage concurrentiel à son entreprise et… l’histoire qui va avec. D’abord, il aime l’innovation pour ce quelle est, en gardant ainsi intact sa capacité d’émerveillement que d’autres malheureusement étouffent avec le poids des ans, de la paperasse ou des contraintes économiques.

Ensuite, il sait faire partager ce plaisir à ceux qui l’entourent, collègues ou clients, car il en parle avec passion, chaleur et conviction. L’épicurien innovateur sait que, derrière un produit qui semble banal de l’extérieur, se cache une pépite d’intelligence assemblée par un maître chai d’exception, fruit du labeur de collaborateurs silencieux. Il sait faire découvrir, il sait faire aimer, il sait faire désirer, car le plaisir, est aussi présent dans l’attente. L’innovateur épicurien sait dépasser le strict plan de l’Economie en lui insufflant la part de rêve dont nous avons tant besoin.

Aussi, que vous soyez rôti sur la plage, essoufflé en montagne ou déprimé au boulot, je vous propose de profiter du mois d’Aout pour vous injecter une dose de plaisir épicurien. C’est le meilleur vaccin contre la morosité, c’est un tonifiant pour votre travail, c’est un vasodilatateur d’optimisme. Tout ce qu’il faut pour s’offrir une belle rentrée gagnante, et regarder d’un autre œil ceux qui préparent avec passion notre futur.

dimanche 1 mai 2016

STAY IN THE BOX


« P… de M… »

Bon je sais, on ne doit pas jurer à l’écrit, et encore moins dans une chronique innovation particulièrement sérieuse. Alors, vous pouvez remplacer par « Oh B… » toute aussi peu châtié, par les plus savants « orchidoclaste » ou « coprolithe », ou encore par le plus subtil Whoopsidaisies (littéralement « Houps-là la pâquerette ») pour les adeptes inconditionnels de Hugh Grant et Julia Roberts dans Coup de Foudre à Notting Hill .

Mais le résultat est le même. Que l’on soit PDG ou routard, dans tout aéroport à l’autre bout de la planète, il est difficile de ne pas lâcher un juron onomatopéiste bien senti, à la vue d’une correspondance ratée, qui, par un effet domino, va bousiller une bonne partie de la suite du voyage.

C’est ce qui est arrivé au passager du vol SOI2, Tokyo-San Francisco, qui a dû attendre la suite de son voyage après une escale technique à Hawaii : un peu, beaucoup, passionnément.

Remarquez, il y a plus moche comme arrêt forcé. Entre les plages paradisiaques du Pacifique et le crachin granitique des Kerguelen, ya pas photo. Mais de là à devoir attendre 300 jours, il y a de quoi mettre sur liste noire cette compagnie aérienne.

Cela tombe bien, car elle ne prend pas de passager, seulement des pilotes. Enfin, pas plus de un à la fois. Car derrière l’indicatif SOI2 se cache un des plus grand concentré d’innovations suisses, et qui, ne vous en déplaise, n’est pas le nom secret du futur Nespresso® mais celui de Solar Impulse 2.

Cet avion est une fabuleuse Formule 1 des airs dont les technologies sont poussées aux limites pour réussir un tour du monde à la seule force du dardant Phébus. Enfin, lorsqu'on parle de roi de la course, on oublie bien vite la vitesse qui ne dépasse pas les 35 km/h au décollage et les 70 en vol. Pas de quoi se faire flasher par un radar de la maréchaussée. On oublie aussi la puissance qui s’apparente à celle de l’avion de Blériot qui traversa la Manche en 1909.

Mais le reste, c’est tout simplement du wouaouh en barre, genre méga Toblerone®, résultat de 20 ans de jus de matière grise.



Avec une envergure de Boeing 747 et un poids plume de voiture de M. et Mme Michu, il a fallu ruser un peu partout. La cabine de pilotage bien que bourrée de capteurs est spartiate pour le pilote. Oubliée la pressurisation, vive le masque à oxygène. On est loin de la classe affaire. L’aile, tapissée de 12000 cellules photovoltaïques ultra fines, est un chef d’œuvre de fibres de carbone structurées en nid d’abeille pour assurer une certaine rigidité à l’ensemble. Mais la dame reste fragile, n’aimant pas trop les coups de vent. Les 4 moteurs électriques ont un appétit d’oiseau car le seul mot d’ordre est : ECONOMISER L’ENERGIE. Et pour économiser, il faut être hyper aérodynamique, un truc à faire pâlir de jalousie les Porsche et autre Ferrari. Avec une finesse de 36, Solar Impulse s’apparente à un excellent planeur de compétition. Dans un langage moins ésotérique, il peut parcourir 36 km en perdant seulement 1km d’altitude.

Et ça, c’est malin !

En début de journée, l’avion vole pépère à 2000 mètres d’altitude, puis, lorsque le soleil tape dur, il recharge ses 400 kg de batteries tout en montant à 8000 mètres.

Lorsque la nuit arrive, et ben mon bon monsieur, ya plus de soleil !

Alors, avant de trop tirer sur les réserves, l’avion glisse doucement pour retrouver son altitude nominale de croisière. Les profils de vol sont si parfaitement artistiques qu’ils feraient frémir de plaisir plus d’un commandant de bord.

Un dernier point pour chasser les rodomontades des grognons de service sur les rêveries d’utopistes verdoyants. Non, Solar Impulse n’est pas un prototype de l’aviation qui serait demain convertie au grec Hélios.

Il suffit pour s’en convaincre de regarder les ordres de grandeur, vous savez, ces machins physiques qui bousillent les rêves mais évitent de dire de grosses bêtises médiatiques. Avec 200m2 de cellules solaires et le rendement de toute la chaîne de transmission, Solar Impulse dispose de plus ou moins 6kW (une Citroen 2CV de 1949 !). Un Airbus A380 au décollage a besoin, lui, de… 150 000 kW. Oui, vous avez bien lu : 25 000 fois plus. Et même si les cellules étaient parfaites on frôlerait poussivement les 50kW.

- « Mais les ailes d’un Airbus sont plus grandes » me dis-tu, lecteur pas convaincu.
- Ok, disons dans les 1000 m2, allez, on arrive à 250 kW tout mouillé. Voila pourquoi il sera franchement difficile de faire voler un vrai avion à l’énergie solaire. T’as compris lecteur soudain dépité mais qui va pouvoir briller par son savoir au prochain dîner ?

Là, j’ai l’impression soudaine que j’ai un peu cassé l’ambiance. Erreur de l’ingénieur cartésien qui sommeille en moi.

Que diantre ! Ressaisissons-nous :

Solar Impulse est LA machine à inventer les records de tour du monde LENT.

5 jours en vol continu sur la première étape de la traversée du Pacifique : un exploit humain, sportif et technique. Des projets comme cela, sont aussi fous qu’un programme Apollo et tout aussi révélateurs de la capacité de l’Homme à dépasser ses limites, lorsque l’envie lui prend. Les fondateurs Bertrand Piccard (pas celui des surgelés) et André Borschberg ont consacré deux décennies de leur vie à bousculer les montagnes de l’impossible, à challenger les chercheurs de l’EPFL, à secouer les sponsors. Et cela a fini par marcher avec le génialissime slogan de promotion « FUTURE IS CLEAN », prouvant, une fois de plus, que la meilleure innovation ne réussit que si l’on arrive à raconter l’histoire qui va avec.

Et si je vous écris tout cela, c’est que j’ai regardé en direct sur Internet à 3h du matin (oui je sais, mais quand on aime on ne compte pas), l’arrivée de SOI2 sur la splendide baie de San Francisco avec le Golden Bridge en fond. Webcam face au pilote, toutes les données du cockpit disponibles sur mon PC à 12000 km : un concentré de techno je vous dis !

Le dialogue est réjouissant :
- Jeune contrôleuse de vol installée à Monte Carlo : gardez la trajectoire, montez la vitesse à 65 km/h
- Bertrand Piccard, totalement volubile et fasciné par le spectacle, dévie légèrement
- Elle : Hey patron ! Stay in the box (sous entendu, reste dans l’enveloppe de vol autorisée)
- Lui s’adressant à André Borschberg venu le filmer en hélico : André, tu entends ça, c’est bien la première fois que je vais devoir rester dans la boite. En général on sort plutôt du cadre tous les deux, non ? (allusion au « think out of the box », le « savoir sortir du cadre» de l’innovateur)

Car il faut bien le reconnaître, Solar Impulse, est l’innovation de rupture par excellence, fruit d’une vision et d’une passion débordante.

Inspirant pour les innovateurs ! Enthousiasmant pour tous ! Et plein d’énergie optimiste à revendre !

André Montaud (un plus modeste anti-« stay in the box »)

vendredi 1 avril 2016

AUTONOMAN'CY 2016 : La Google Car en compétition à Annecy

Les voitures autonomes, dites sans chauffeur, font beaucoup parler dans les médias. Mais derrière le buzz, quelle est réalité pour ce secteur qui se développe dans le secret des bureaux d’études ? Nous devrions en savoir plus lors de la première compétition internationale « AutonomAn’cy » qui ce déroule à partir de ce Vendredi 1er sur les bords du lac d’Annecy.

A l’origine de cette initiative, le célèbre professeur américain Paul Fisherman qui a réussi à convaincre les plus grandes équipementiers automobiles mondiaux : « Lors du salon mondial du CES 2016 qui se tenait à Las Vegas, début janvier, j’ai été étonné par la diversité des solutions adoptées. Certes on parle beaucoup de la Google Car, mais Ford, Valeo, PSA , Volkswagen et bien d’autres ont lancé des tests en vrai grandeur. C’était une opportunité unique de proposer un challenge international. Mon idée n’est pas de classer des technologies qui ne sont pas encore matures mais plutôt de dédiaboliser l’impact qu’aura la voiture sans chauffeur sur notre vie quotidienne. Et pour cela, rien de mieux qu’une course amicale. »



Ce que ne dit pas le trop modeste professeur, c’est la difficulté de convaincre les autorités nationales et locales d’accueillir une telle manifestation, alors que les règlementations et les lois sont inexistantes. Après des refus multiples dans différents pays, la France qui avait déjà autorisé un test en région bordelaise, lors du congrès ITS 2015, a donné son accord. « Nous avons eu un accueil enthousiaste des français avec différentes propositions de lieux », bredouille en français le sympathique Fisherman avec un accent marqué et diphtongué, proche d’une bouillabaisse mal cuite. « Après analyse, le choix d’Annecy nous a semblé être celui qui offrait le plus d’opportunités. Et l’environnement idyllique était conforme à notre souhait de montrer des véhicules propres puisque nous avons privilégié les motorisations électriques ou hybrides ».

Pour rappel, les « driver-less cars » comme les appellent les anglo-saxons sont encore au stade de prototypes même si plusieurs technologies sont déjà commercialisées ou en voie de l’être. Ainsi les radars de recul, les régulateurs de vitesse auto adaptatifs ou les avertisseurs de franchissement de ligne font partie de la panoplie des options que proposent les concessionnaires des marques premium. Mais l’essentiel de l’intelligence du véhicule autonome réside dans le système de « vision » appelé LIDAR. Tout comme le sonar bien connu des pécheurs qui utilise les sons pour repérer des bancs de poissons, le Lidar va utiliser la lumière d’un laser pour connaitre la distance et la vitesse de déplacement des véhicules ou des piétons. C’est un objet assez disgracieux ressemblant à un poulpe que l’on est obligé d’installer sur le toit des voitures. Comme le souligne le professeur Fisherman, « reconstruire la réalité est une opération excessivement complexe qui nécessite la fusion de milliers de données : un défi permanent pour les informaticiens qui visent le zéro accident. Il faut simplifier à l’extrême les dispositifs pour être robuste et réactif. Dans mon laboratoire de Portland je travaille par exemple sur des optiques qui permettent de voir à 180 degrés (les - fish eyes - des photographes professionnels. ndlr) ».

Toutes peintes en bleu marine pour être facilement reconnaissables, les 25 voitures sélectionnées (dont 3 françaises) partiront le Vendredi 1er du centre de Lyon, quai de la pêcherie, à 8h précise pour rejoindre Annecy par un parcours de liaison des 3 lacs le long des autoroutes A41 et A43. De 12h à 14h, une épreuve d’évitement d’obstacles, ouverte au public, est programmée sur le Parking de l’Impérial Palace. A noter, en particulier, le spectaculaire freinage d’urgence lié à un véhicule simulant une queue de poisson et qui pourrait générer quelques tôles froissées. A 14h commencera un contre-la-montre autour du lac en autonomie totale (rendez-vous sur l’avenue du port à Annecy-Le-Vieux pour le départ). A 17h, Paul Fisherman a imaginé un moment qu’il qualifie lui-même de redoutable. Chacun des véhicules devra tenter une mise à l’eau d’une barque depuis le plan incliné de la société des régates à rames d’Annecy au quai de la Tournette. Enfin, à partir de 20 heures, l’épreuve de la montée du Semnoz devrait pousser à l’extrême les batteries et le logiciel. « Il est possible que certains véhicules perdent le signal GPS dans des zones d’ombre. Toutefois, pour éviter tout accident grave, nous avons installé des filets de protection dans les lieux les plus exposés. Ces filets, identiques à ceux utilisés par les fédérations de ski, ont fait la preuve de leur efficacité dans les compétitions de descente et ont sauvé la vie à plus d’un athlète. Si j’ai un conseil à donner aux spectateurs », suggère Paul Fisherman, « c’est de s’installer dans les virages en épingle à cheveux ou sur le parking de la station de ski du Semnoz que nous aurons enneigé : certaines voitures risquent de perdre leur orientation entraînant des situations comiques ! »

A l’issue de ces épreuves, un classement officiel sera établi avec une qualification directe des 3 premiers. Toutefois des manches de repêchages sont programmées le Samedi et le Dimanche pour remonter des profondeurs 2 autres concurrents.

Alors la Google Car sortira-t-elle vainqueur des nageoires ingénues de Paul Fisherman ?

André Montaud
am@thesame-innovation.com

jeudi 10 mars 2016

Une fourmi de 18 mètres ...




Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?

- Oh, Oh, cher chroniqueur, te voilà bien guilleret en citant ainsi les comptines apprises d’un bien ancien Robert Desnos, à une époque où l’encre violette et la plume sergent major faisaient office de tablette et autre écran smartphonique. Mais là, tu vois, tu es au 21ème siècle, et tu me dois une nouvelle page innovation !

Voilà, c’est toujours pareil, t’essayes d’innover avec ton redac’chef et paf, ma gentille fourmi se fait écrabouiller malgré ses 18 mètres. Et pourtant, j’aurais bien voulu continuer sur le même thème, car je suis gonflé de chez gonflé par la communication exacerbée faite autour du dernier sujet à la mode : l’usine du futur. Pas une semaine sans un évènement sur le sujet (nouvel eldorado pour les organisateurs de congrès). Pas une journée sans un docte article.

Une usine du futur qui se la pète
Avec un nuage sur la tête
Ça n’existe pas, ça n’existe pas !
Une usine du futur qui compte un, deux, trois, quatre
En se pavanant tel un splendide bellâtre
Ca n’existe pas, ca n’existe pas !

- Holà, holà, tu deviens soudain bien acariâtre. Faut pas te mettre dans un état pareil. Cette chronique doit être rigolote. Alors, raconte-nous ce qui te fait si mal.

C’est ce que j’aime bien avec mon rédac’chef :

D’abord les gros yeux tout ronds,
Pour te mettre sous tension.
Puis le petit mot réconfortant, 
Pour ne plus être sur les dents.

(T’as vu ami lecteur, je sais rimer comme du Robert Desnos, mais chut, c’est un secret !)

Bon oui, je suis ulcéré par ces soudains spécialistes qui nous expliquent par A+B ce que sera l’usine de demain sans y avoir jamais mis les pieds. Remarquez, cela a parfois du bon, car on n’a jamais autant parlé de l’industrie de manière aussi positive. Certains redécouvrent enfin qu’un pays sans manufactures modernes, c’est comme un canasson sans avoine : ça ne va pas très loin ! 

Mais bon, les ingénieurs, sont des ingénieurs et quand on leur raconte des choses imprécises voire des bobards : ils zaiment pas ! Donc non, l’usine du futur, ce n’est pas que l’intrusion massive du numérique dans le cambouis. Du numérique, il y en a déjà beaucoup dans les ateliers et du cambouis quasiment plus. Si, si, il suffit de regarder. 

L’industrie du futur, c’est un concept marketing facile mais un programme réel à multiples tiroirs, pas si évident à appréhender. 

Lisez les petits noms qu’on lui donne et vous comprendrez mon malaise. Les américains parlent de seconde révolution, les coréens de troisième, nos cousins germains préfèrent le 4.0, la perfide Albion est plus agressive avec sa catapulte alors que nos bérets-baguettes hésitent entre entreprise et usine… mais toujours du futur. Pas facile de se faire une idée. Bon, on peut toujours se dire que les allemands sont pragmatiques et que, s’ils ont choisi 4 étapes dans la vie industrielle, on doit pouvoir faire de même : la mécanisation vapeur, l’arrivée de l’électricité, l’automatisation et maintenant le cyberespace. C’est un choix, comme un autre. J’en aurais bien rajouté 3 autres, l’invention du feu, la taille du premier silex, voire l’âge du bronze qui ont tout autant révolutionné notre condition d’humain besogneux. France 7- 0 : quasiment un parfait résultat de foot pour le prochain euro. Mais bon, là, je digresse trop !

Alors l’entreprise du futur c’est quoi ? Suivant à qui on s’adresse, la réponse sera très différente. Certains vous la décriront comme très technologique voire quasi uniquement numérique : big data, cloud, système d’information ou simulation se superposent aux fabrications additives (la fameuse impression 3D), à la réalité augmentée ou à l’Internet des Objets. D’autres vous parleront de robotique ou d’automatisme. Les industrieux–philosophes partiront sur des tirades respectueuses de l’environnement, sur la proximité, voire l’intimité client, sur l’hyperpersonnalisation du produit ou du service, sur l’usine flexible et reconfigurable. D’autres enfin, la main sur le cœur, vous diront que c’est l’Homme qu’ils mettent là, sur le cœur (en général, à ce moment du discours, on sort une musique romantique à base de violons sirupeux sur fond de soleil couchant rougeoyant).

Avec un tel catalogue, tout bon chef d’entreprise normalement constitué devrait partir en courant. Oui, mais… l’entreprise du futur n’est peut être pas si futur que cela. Certes, on voit que les nouvelles technologies, qui vont apparaître, font frétiller d’envie les éditeurs de logiciels par le monstrueux relais de croissance qu’elles représentent. Mais l’entreprise du futur n’est-elle pas avant tout du GBS ? Pour tous ceux qui n’osent pas poser la question, le GBS signifie Gros Bon Sens. Ou, dit autrement, mobiliser l’intelligence collective pour fournir le meilleur service, au bon moment et au meilleur prix. Celui qui va attendre sur catalogue la box XYZ pour son usine de demain risque de rester longtemps au bord du chemin. Des usines du futur, j’en vois tous les jours, y compris dans les lointaines montagnes alpines ! Il y en a même une qui fabrique des meubles de cuisine dont la prise de commande est directement pilotée par le client final, dont la chaine de production peut gérer du sur-mesure individualisé, qui est respectueuse de son environnement en recyclant ses déchets, qui a des robots là où ils sont nécessaires et des hommes ailleurs, qui a un système d’information à faire pâlir d’envie les plus grands informaticiens mondiaux… et qui fait cela dans le silence de sa vallée depuis des années. Tout cela parce que des gens normalement constitués font admirablement travailler une petite masse rose dans une boite dite crânienne et connaissent leur métier sur le bout des doigts.

Alors oui, l’usine du futur c’est une usine d’aujourd’hui, celle de vrais entrepreneurs qui savent prendre les risques là où c’est nécessaire, qui investissent le « juste ce qu’il faut », qui savent faire monter en compétences leurs équipes, qui se battent contre les fournisseurs qui bloquent des standards fermés, qui co-développent, qui trempent leur chemise, qui acceptent de se planter avant de réussir.

L’usine du futur, c’est tout cela. Elle n’existe pas dans le futur car elle est souvent dans notre présent : une usine de l’intelligence et des vrais entrepreneurs, une usine de l’optimisme. 

Elle n’existe pas ? Eh ! Pourquoi pas !

Pour le Robert Desnos de l’industrie :
André Montaud
am@thesame-innovation.com 

jeudi 18 février 2016

C'est un truc de malade !


Une des grandes difficultés d’une chronique innovation, c’est de trouver LE titre accrocheur qui gardera en haleine quelques lecteurs absolument pas concernés par le sujet. Cette fois-ci, j’aurais pu essayer le très élitiste «La mort en direct », genre Télérama. Mais qui se souvient encore de cette admirable interprétation de Romy Schneider dans un film visionnaire de Bertrand Tavernier ? J’aurais pu rejouer le « Plus belle la vie » qui a fait exploser tous les compteurs de mon blog innovinnov. J’aurais pu être tenté par la subtilité du X : « Vibrations au 7ème ciel » ou me contenter de la description cartésienne du sujet : « tenseur métrique et invariance de Lorentz ».Mais j’ai préféré retranscrire, ce qui a suivi mon « wouah », après l’annonce de la détection des ondes gravitationnelles : « un truc de malade ».

Bon, je sais, dit comme ça, le sujet n’est pas plus excitant que l’annonce du prochain loto dans une salle des fêtes méconnue, même si, dans ce cas, il y a un prix Nobel à la clé. C’est tout le problème avec ma chronique. Filer moi un thème sur le prix de l’essence, l’Euro de foot ou la météo du prochain week-end et je suis le roi du monde ! Mais les ondes gravitationnelles, non mais, comment vais-je récupérer l’avocat éloquent, le décolleteur usino-futuriste, la ménagère de 50 ans té-èfunienne, l’économiste boursicoteur ou l’agriculteur biocoopérateur ? Et pourtant,l’annonce faite 3 jours avant la Saint Valentin est un vrai truc de malade. Un truc à rendre amoureux de la science, des légions de jeunes boutonneux en manque d’expériences émoustillantes.

Commençons par le plus facile, expliquer ces machins gravitatioschtroumphs. Un copier-coller de Wikipédia fera bien l’affaire :

« Les ondes gravitationnelles sont définies comme les perturbations de la métrique qui du point de vue des équations d'Einstein sont découplées des perturbations du tenseur énergie-impulsion. Les ondes gravitationnelles ont une symétrie tensorielle (mathématiquement, on parle de spin 2), par opposition aux perturbations de la matière». 




Malaise : là, je pense qu’ils avaient un schtroumph farceur chez wiki. On va essayer de faire plus simple. Les ondes, on est baigné dedans depuis tout petit. Il y a les ondes sonores, qui se déplacent dans l’air et vous permettent d’entendre le rossignol ou le vacarme du marteau-piqueur. Il ya les ondes électromagnétiques bien utiles pour faire réchauffer votre plat favori ou pour écouter NRJ et France Bleue Pays de Savoie. Ici, ce sont des électrons véloces qui sont en action, sauf que certains sont cuisiniers alors que d’autres sont musiciens ou attachés au terroir. Pour la gravitation, c’est pareil. Si on accélère très vite un objet qui a du poids, disons une Ferrari Testarossa ou une Porsche 911, celui-ci va générer des ondes gravitationnelles. Ca semble improbable, et pourtant c’est vrai, c’est même Einstein qui l’a dit en…1916. Le hic, c’est que la taille de ces ondes est microscopique. Du genre microscopique de chez microscopique. Alors, avoir une micro chance de les observer relève du miracle. Il faut des évènements très particuliers avec des objets monstrueusement massifs : des dizaines de soleils condensés dans une sphère de quelques kilomètres. Dans le jargon des astronomes on appelle cela des étoiles à neutrons ou des trous noirs.

Donc admettons : on a la bosse des maths, on comprend par cœur Einstein dans le texte, on fait des savants calculs et on se rend compte que si deux objets méga massifs tournent l’un autour de l’autre, ça a va freiner un max parce que les ondes gravitationnelles vont pomper de l’énergie. Mais vous savez comment est le genre humain. Même s’il a la preuve indirecte du résultat, même si la théorie fonctionne, il veut voir en vrai ! Il veut toucher ! Nous sommes tous des Saint Thomas en puissance : il faut voir pour croire.

Et là, les choses se gâtent. Il vous est évidemment arrivé de jeter un caillou dans l’eau et de voir se former des ondes concentriques qui s’éloignent du point d’impact. Plus elles sont lointaines, plus elles sont petites. Bon, alors imaginons que maintenant vous soyez à la pointe de la Bretagne et que vous jetiez ledit caillou dans l’Atlantique. Oui, je sais, il pleut mais ça n’a pas d’importance. Vous passez un coup de fil, à Bill, votre copain de New-York et vous lui demandez de vérifier quand arriveront vos perturbations caillouteuses. Il va vous prendre pour un fou et il aura raison. Entre les tempêtes, les courants, les vagues, il aura fort à faire pour repérer votre signal. Et bien, cela c’est facile par rapport à ce qu’ont dû imaginer les astronomes pour détecter un bruissement d’un moustique gravitationnel dans le vacarme d’un Concorde universel au décollage. C’est tellement dur, qu’ils se sont cassés les dents pendant des dizaines années.

Les « télescopes » à ondes gravitationnelles, s’appellent des interféromètres de Michelson, un engin vieux de plus de 100 ans et bien connu des opticiens et des mécaniciens, lorsqu’on veut mesurer des surfaces sans défaut. Dans le cas présent, la bête en forme de L majuscule fait deux fois 4 kilomètres de long. Un laser envoie son faisceau dans les deux bras. La lumière est réfléchie au bout du voyage par des miroirs. En revenant au point de départ, les photons, en se recombinant, forment des interférences : des bandes blanches et noires. Si la longueur des bras évolue de façon différente, ce qui est le cas lors du passage d’une onde, les interférences seront différentes. Le principe est simple, la vraie vie franchement plus complexe : il faut atténuer les vibrations de la terre, faire un vide poussé dans l’instrument, corriger le bruit de fond électronique et tenter de trouver un micro signal dans tout cela. Un vrai truc de malade !

C’est pourtant ce qui est arrivé le 14 septembre 2015 à 9h50mn45s (T.U). A cette heure là (la pleine nuit aux USA) c’était l’Europe qui était de garde pour surveiller l’instrument. Un post-doc (une sorte de thésard +++) est alerté par un drôle de signal de 0.2 seconde. Je ne sais pas si vous saisissez bien la scène : pendant des jours, des semaines, des mois, il ne se passe strictement rien et puis soudain, un PFFFFUIIIIT d’un pouillème de seconde. Si le gars était allé se faire un café à ce moment là, rien, nada. Bon, il appelle son chef qui croit d’abord à un test pour vérifier que les équipes sont toujours en alerte, il croit ensuite à une erreur, mais après 15 jours de contrôle, le résultat tombe : deux trous noirs à 1 milliard d’années-lumière se sont effondrés l’un sur l’autre. Ils ont déclenché un monstrueux cataclysme qui a dégagé autant d’énergie que toutes les étoiles du ciel réunies… et balancé les fameuses ondes gravitationnelles à l’autre bout de l’Univers.

L’histoire est belle à plus d’un titre. D’abord la découverte est celle d’un italien, travaillant en Allemagne sur un instrument américain : fabuleuse intelligence mondiale. Ensuite, c’est le résultat d’un acharnement technologique qui a poussé les limites des industriels au-delà de tout ce que l’on savait fabriquer en mécanique, électronique, optique, informatique. Enfin, c’est la beauté de l’acte gratuit : malgré les difficultés budgétaires, malgré des arbitrages politiques souvent douloureux, la grande Science a encore pu jouer son rôle, celui qui prouve que l’Homme est une étonnante créature, curieuse de nature et jamais satisfaite de son savoir.
Un truc de malade, je vous dis !

André Montaud

NB. Je tiens à m'excuser auprès de tous les physiciens pour mes approximations multiples qui n'ont pour d'autres buts que de faciliter la tache de votre dévoué rédacteur et des valeureux lecteurs qui ont franchi sans encombre toutes ces lignes gravitationnelles !

vendredi 15 janvier 2016

Oui, c'est moi, enfin ce qu'il en reste !

Cher Georges,

Oui je sais, je suis un peu familier en t’interpellant par ton prénom. Mais bon, c’est une pratique courante aux Amériques où tu vis, non ? Je ne vais quand même pas dire, cher Monsieur Lucas : toi et moi, on se connait depuis trop longtemps. Enfin, surtout moi d’ailleurs, car celà fait 40 ans que je suis ton adepte, addictif du menu déroulant que tu inventas pour ouvrir les films de ta saga multi planétaire. Je me souviens encore de ce travelling d’ouverture sidéral, interrompu par l’arrivée d’un vaisseau gigantesque venu du fin fond de la galaxie, ou, pour être plus exact, des derniers rangs de la salle de cinéma, par la magie des premiers Dolby Surround Stéreo. Je me souviens de ce survol époustouflant en rase motte de l’Etoile de la Mort, réalisé avec 3 bouts de maquettes, où l’on inclinait la tête en suivant les manœuvres d’évitement de Luke Skywalker. Je me souviens, de cet étonnant maitre Yoda et des non moins innovants sabres lazer qui animaient aussi des combats virtuels dans les cours de récréation. Je me souviens de ta géniale idée de commencer une saga à l’épisode 4, houps pardon IV, car tu utilisais malicieusement les chiffres romains. Je me souviens de ces conjectures de doctes experts sur le pourquoi et le comment de ce début commençant à mi-chemin. Je me souviens de ta capacité à nous faire plonger dans un space opera totalement hors norme.

Oui, cher Georges, je suis réellement un addictif compulsif et un disciple inconditionnel depuis « La Menace Fantôme » jusqu’au « Retour du Jedi ». Oui, j’ai greloté avec toi sur la planète de glace Hoth. Oui, j’ai été « amoureux » de la princesse Leïa. Oui, j’ai adoré que tu nous perdes avec de nouveaux personnages et de nouveaux mondes dans la seconde trilogie, enfin, la première : la déroutante prélogie.

Alors tu comprendras probablement que je sois tombé des nues (sans jeu de mot) en voyant ce septième épisode. Je sais, tu vas me dire que tu n’es plus concerné, ayant vendu pour la modeste somme de 4 milliards de dollars, tes droits d’auteur STAR WARS pour les prochaines années. Mais en te créant un confortable matelas de monnaie, n’as-tu pas vendu aussi ton âme au diable du marketing ? En fait, en découvrant « Le retour de la Force », j’ai compris que je voyais probablement le premier film issu du Big Data. Ne te méprends pas ! La réalisation est bien léchée. Le mélange images de synthèse/images réelles est simplement parfait. Le nouveau petit robot BB8 est trognon. Mais j’ai vécu en accéléré toutes les références des 6 épisodes de Star Wars sans retrouver l’émotion passée. Peut-être que je vieillis ! Remarque, ce n’est pas grave pour les jeunes nouveaux boutonneux qui découvrent ainsi « ton » monde. Mais n’as-tu pas flingué au passage les légions de vieux croutons dont je fais partie ?

Je vois bien ce qui a dû se dire dans les bureaux de la direction de Disney entre les vieux directeurs (un directeur c’est has been par principe) et les jeunes geeks de data mining (une génération Y est fringante par nature). 




- 4 milliards de dollars pour un western de l’espace ! Quel est le c.. qui a signé cette folie !
- Non, non boss, le Big Data nous montre que l’on va rentrer dans nos fonds dès le second épisode. Il suffit de suivre le modèle.
- Are you kidding, guy ?
- En fait, il suffit de reprendre les vieilles recettes que vous aimez (les jeunes geeks savent super bien flatter les vieux managers) et de les confronter aux attentes que nous avons modélisées au travers des milliards de données issues des réseaux sociaux. Tiens, l’amour improbable entre la princesse Leïa et le contrebandier Yan Solo. Ca avait fait un tabac. On va les remettre en état de marche, histoire de flatter les vieux, houps pardon les inconditionnels de toujours, et on va réitérer avec du sang neuf. Il suffit de trouver une jolie rebelle et de l’associer à …
- Oui, à qui ? On va pas reprendre un autre senior relifté des Aventuriers de l’Arche Perdu.
- Non, non ! On va choisir un Star Trouper. L’ennemi juré. C’est bien ça ! Un gars de l’Empire qui revient du bon côté de la force. C’est même consensuel. En plus, les datas prouvent que si on choisit une personne de couleur, cela entrainera des sympathies ethniques majeures. Du business en plus.
- Mais c’est génial votre machin data. Et pour Yoda qui est mort de sa belle mort, on fait quoi ? On ne va quand même pas le ressusciter.
- Pas la peine, Boss ! Ce que veulent les spectateurs, c’est retrouver une certaine vision de la sagesse. On a fait tourner nos modèles et une petite vieille, toute fripée mais avec de grands yeux profonds permet de retrouver l’adhésion d’une majorité. Idem, on va refaire une grosse attaque, d’une bien plus grosse Etoile de la Mort (merde on en veut pour 4 milliards !). 100% du panel en redemande.
- Hey, les petits gars, faudra que je vous confie d’autres scénarios si ce que vous dites est vrai.

Alors Georges, ce n’est pas un peu cela qui s’est passé ? Tu sais, j’en ai gros sur la patate et sans doute toi aussi. D’ailleurs, tu as été tenu éloigné de la nouvelle réalisation. Un vieux grognon comme toi n’aurait pas pu laisser faire !

Et moi aussi, je grogne ! Car au-delà de ce scénario parfait mais dénaturé, c’est un futur totalement modélisé qui me fait peur et qui me révulse. Le big data est la plus belle et la plus terrible des choses. Efficace, le big le sera dans tous les cas. Utile, il le sera évidemment en trouvant des relations pertinentes entre des données à priori totalement ésotériques. La smart city sera gavée de big data pour optimiser les consommations énergétiques ou réduire les embouteillages. Le médecin pourrait améliorer ses diagnostics avec quelques suppositoires au big data concentré. Les assurances feront les yeux doux à leurs monstrueuses bases de data pour le meilleur ou pour le pire de notre prime annuelle. Mais la big data c’est aussi anticiper nos comportements et là, pour moi, ça coince. Que nous le voulions ou pas, la vague du big data sera big, mais vraiment très big. Elle nous submergera toi et moi, mais essayons de ne pas l’utiliser pour tout et n’importe quoi.

Je sais ce que tu vas me rétorquer, Georges. Monsieur Disney te souffle dans l’oreille que sa méthode est la bonne. Et il te le prouve, jour après jour, en faisant de STAR WARS la plus belle « cash machine » de l’histoire du cinéma et des produits dérivés. Et hélas, il a mille fois raisons ! Mais a-t-on réellement besoin de produits «parfaits » … et sans saveur ? Le STAR WARS de demain doit-il être le Mac Do cinématographique global du 21ème siècle : identique partout, sans accroc, sans surprise, sans saveur. Un produit lisse, un simple « machin » utilitaire que l’on prend et qui ne laisse pas le moindre souvenir.

Alors oui, ami Georges, STAR WARS est passé du coté obscur de la data force. Mais j’espère qu’avec ton petit pactole de dollars tu me feras à nouveau frétiller en mobilisant ton intelligence créative et exubérante. Tu le sais comme moi, ce ne seront ni l’intelligence artificielle ni le big data qui enfanteront les Leonard de Vinci, Rodin, Eiffel ou Visconti de demain. On ne crée pas de chef d’œuvre avec une photocopieuse. L’innovation de rupture est dans nos neurones, pas dans les bits des ordinateurs.

Georges, reprend la main, c’est ton ami inconnu qui te le le demandes afin que Yan Solo ne puisse plus jamais dire : « oui c’est moi, enfin ce qu’il en reste » ! Que la force soit avec toi !

André Montaud
am@thesame-innovation.com