jeudi 13 décembre 2012

La chronique que tu ne liras jamais




 



Oh âmes esseulées, protégez la chronique
Qui en ce jour funeste, oublia le comique,
Car c’est l’Humanité, à jamais envolée,
Qu’un trou noir scélérat, vint éteindre à jamais.
 
T’as vu lecteur ? Avec quatre alexandrins bien frappés, ton chroniqueur, poète amateur, te fout bien plus le bourdon qu’un laconique communiqué du FMI. Ca plombe méchamment l’ambiance. Et pourtant, tu dois bien l’admettre, toi et moi, nous n’existons plus ! Le grand cycle de la vie a pris fin le 12 décembre 2012 à midi 12 minutes 12 secondes. Les 6 douze fatidiques :

12/12/12 12 :12 :12

Certains ont voulu nous enfumer avec le calendrier Maya et sa fameuse fin du monde du 21 décembre, mais ce que nous savions tous, intuitivement, depuis la nuit des temps, c’est que le véritable nombre magique, celui qui marquerait le point final de notre histoire, était le 12. Observe ! Le soleil boucle sa boucle après avoir parcouru les 12 signes du zodiaque. Les dieux de l’Olympe sont 12. La tradition judéo-chrétienne évoque les 12 tribus d’Israël ou les 12 apôtres. Les Chiites reconnaissent 12 Imans. Il n’y a que Blanche Neige pour rompre l’harmonie parfaite avec ses 7 nains, mais c’est pour le bien-être des gamins.

Ne t’es-tu jamais interrogé sur le pourquoi des douze graduations de l’horloge ? Pourquoi on te vendait les œufs par douzaine ? Pourquoi cette fichue batterie de voiture, qui te lâche juste ce satané matin où tu avais un rendez-vous hyper important, était en 12 volts ? Et le drapeau européen, avec ses douze étoiles, pas huit, dix ou vingt : C’est bizarre, non ? Nous aurions dû nous fier un peu plus aux signes que nous adressaient nos anciens. Car les Sages savaient, c’est sûr, que la fin était pour ce mercredi de neige et de frimas.

Alors oui, je l’avoue, j’aurais pu t’écrire une dernière chronique et la confier au Web. La mémoire profonde d’un serveur informatique, telle une bouteille à la mer arrivant sur une plage déserte, aurait pu la protéger à jamais des affres de la chute de la météorite géante, de la digestion de la terre par un trou noir créé au CERN ou de la conjonction cataclysmique des planètes avec la galaxie. Mais à quoi bon si mon lecteur, malicieux et indulgent, n’est plus là !

Pourtant, j’avais encore des tas de choses à te raconter. Regarde les IG Nobels qui sont aux Nobel ce qu’Anne Roumanoff est à Jean D’Ormesson. Bon là, j’ouvre une parenthèse, car avec le stress du passage à trépas, tu as peut-être oublié que Roumanoff était une comique fin vingtième, début vingt et unième et d’Ormesson un Académicien du seizième (arrondissement, pas siècle, faut quand même pas exagérer).

Donc, les IG Nobel ont été délivrés une dernière fois, en 2012, à la prestigieuse université d’Harward, preuve que les grands cerveaux peuvent aussi avoir de l’humour, fût-il anglo-Yankee-saxon. L’objectif est de récompenser de la science sérieuse sur des sujets qui le sont beaucoup moins : un secteur où la France fait encore partie des grandes puissances.

Ainsi, nous nous sommes imposés en médecine avec la mise au point d’une procédure visant à réduire le risque d’explosion du patient lors d’une opération sous coloscopie. Nous avons devancé Jennifer Pokorny et Frans de Waal qui ont la preuve incontestable que les chimpanzés peuvent reconnaitre leurs congénères en regardant la photo … de leurs fesses, supériorité manifeste de la gente animale. Le prix d’acoustique revient au Japon pour le Speech Jammer, une incroyable machine capable d’interrompre définitivement tout(e) bavard(e) en lui faisant écouter ses propres mots avec un tout petit décalage : succès assuré lors des soporifiques discours inauguraux. Bien utile aux géomètres, il est enfin prouvé qu’en penchant la tête vers la gauche, la tour Eiffel parait plus petite. Enfin, 4 chercheurs, assez pervers, ont torturé les résultats statistiques utilisés en neurosciences pour leur faire avouer la présence d’une activité cérébrale significative … chez le saumon, mort depuis plusieurs heures.

Je te l’avoue, ami lecteur, c’est du grand n’importe quoi : luxe d’un ilot « d’absurdie » dans un monde écrasé de cartésianisme économique. Mais de cela, nous ne pourrons point parler car ….
Venu du fond des ténèbres profondes
Soudain, un bruit strident déchira tout l’espace.
Froid piquant, Souffle, Lumière immonde.
Adieu ami lecteur, c’est la fin des fins, hélas !
… Silence ???


« Allez, debout faignant ! La neige est partout et attend avec impatience que tu la mettes en tas ! » .

L’appel de la pelle a devancé celui du stylo. Pas le temps pour une chronique mais un sursis : la prochaine fin du monde est déjà programmée pour le 21 décembre. A moins que ce ne soit le 31 qui nous plonge définitivement, et avec délice, dans un coma joyeux.

jeudi 15 novembre 2012

Le BEAUJOLAIS NOUVEAU EST ARRIVE, ... enfin presque !!!!



Savez-vous ce que l’on peut faire avec des pouillèmes de vitamines B2, B3, B5, B6, B12, un peu de D-glucuronolactone, quelques milligrames de caféine et une rasade de taurine ?


Oh lecteur fidèle, ne me regarde pas avec des yeux effarés ! Je te rassure, ce n’est pas le goût de banane si cher au Beaujolais nouveau. Alors, une crème à bronzer ? Une bombe artisanale ? Une plante transgénique ? Un activateur de Viagra ?

Tu n’y es pas du tout ! Avec cette décoction détonante, on fait sauter un bonhomme de 40 km de haut, car c’est au « Red Bull», où au moins à ses euros que l’on doit le grand plongeon mediatico-technique de Felix Baumgartner. Exploit ou inconscience calculée : difficile à dire car le balaise Rambo est un mélange étonnant de tête brulée et de technicien hors pair. Pendant un peu plus de 2 heures, il se prélasse bien au chaud dans un ascenseur qui le grimpe bien au dessus de nos vilaines particules polluantes et autres cumulo-nimbus Sandyesques et puis, soudain, Ding Dong, la porte s’ouvre. Mon coco, le spectacle, maintenant, c’est toi qui le fait et tu as 7 millions d’internautes sur You tube. Là, il faut bien reconnaitre que la firme autrichienne « pétée de tune » à force de nous faire « péter le palpitant » avec son breuvage, a bien fait les choses. Les 20 caméras sur le ballon, sur le sauteur, sur les hélicos, dans la salle de contrôle digne de la Nasa nous promettent le grand frisson… enfin, avec 20 secondes de décalage, au cas où le bolide humain se transformerait en météorite incontrôlable. Et là, le mec, dans son impeccable costume de cosmonaute, salut la i-foule 2.0 et saute. Au début, nickel : c’est la perfection d’une chute libre parfaitement contrôlée. Ensuite à mesure que la vitesse augmente pour atteindre les 1228 km/h, les choses se mettent à tourner un peu trop rond. La caméra infrarouge nous montre une silhouette qui part en toupie, voire plus si affinité. Même pas le temps d’ouvrir un « doggy bag » ! Imperturbable, Baumgartner tient le cap, stabilise, et, 4 minutes plus tard, se pose à Roswell, extraterrestre du 21ème siècle.

Bon, c’est bien beau tout ça, mais à quoi ça sert ?

Question fatale car ceux qui se rappellent des séquences du film « l’étoffe des héros » verront une analogie troublante avec les années 50 où, avant de partir à la conquête de l’Espace, l’Homme version US Air Force tentait de fracasser le mur du son. Allez, on remballe, « The Show must go on ». On a réussi le spectacle, on a satisfait le rêve de Rambo, on a montré que l’on pouvait éjecter un astronaute dans sa fusée en perdition. C’est pas tout ça mais j’ai de la Formule 1, ce week-end !

Car ce qui est réellement troublant c’est cette tournure que prend l’aventure spatiale occidentale avec l’intrusion de plus en plus massive du privé, à mesure que les deniers publics des agences gouvernementales se font rares. Je ne parle pas des billets pour milliardaires vendus par les russes pour voyager en classe « Business plus plus » à bord du Soyouz. Ni de l’expérience que propose Richard Bronson avec Virgin Galactic pour s’envoyer en l’air à moindre frais à plus de 100 km d’altitude. Non, le plus étonnant et qui est passé totalement inaperçu, est le fait que la NASA ait confié le ravitaillement des astronautes de la station spatiale à Falcon X, une fusée 100% « capitaliste » pour pallier le manque de ressources de l’agence . Le leitmotiv : sabrer partout dans les dépenses et faire pas cher. Après Apollo, entre-t-on dans l’ère de la capsule Sodexo ? Adieu l’homme sur la Lune ou sur Mars. On fait dans l’utilitarisme.

… Et pendant ce temps là, à l’Est,la Chine, encore elle, investit des dizaines de milliards de dollars pour se payer une aventure spatiale à rythme soutenu. Ceux qui rêvaient d’une Chine cantonnée dans le rôle d’usine du monde, doivent rire (très) jaune en voyant la capacité de recherche et la maitrise parfaite de technologies particulièrement exigeantes. Après le premier chinois dans l’espace, la première chinoise, la première sortie extra véhiculaire chinoise, il y aura bientôt la première station spatiale et, dixit Obama, le prochain homme sur la Lune sera Chinois. Le pays construit une gigantesque fusée baptisée Longue Marche 9, pour mettre sur orbite l’équivalent de 5 semi-remorques alors qu’une Ariane 5 ou une navette se limitent à un autobus.

Et l’Europe dans tout ça ? Elle gère pas mal le succès d’Ariane Espace, un mixte public-privé. Elle a fourni un « appartement » à la station spatiale américaine ISS et elle se verrait bien faire de même avec les chinois.

A moins que, rattrapée par la crise de la dette, elle ne se laisse tenter à son tour par le sponsoring.

France Info – 19 Novembre 2020 : « Le Beaujolais Nouveau est arrivé. La sonde spatiale européenne du même nom vient de se poser avec succès sur… »

On trinque ?

lundi 1 octobre 2012

Je suis un conservateur traditionnaliste casanier !


Par une belle journée, je me baladais dans les rues de la capitale franc-comtoise. Bon là, je dois reconnaitre que c’est une figure de style, car en vérité, je devrais rattacher belle à rue plutôt qu’à journée, tant le déluge qui avait pris la direction dictée par la gravité, avait rendu la situation humide. Mais bon, la gouteuse « boite » de Mont d’Or associée à un sublime savagnin de 2006 qui avaient agrémenté notre table, auraient facilement transformé le pire terril minier en chaud lagon polynésien. Alors, dans une ville classée au patrimoine de l’Unesco, le divin breuvage ne pouvait qu’euphoriser la situation.

J’arpentais donc, en guise de digestion, les rues bisontines et tombait par le plus pur des hasards sur le musée du Temps.

Musée du Temps : voilà bien une étonnante expression qui fascinerait tout philosophe et arracherait quelques gouttes de transpiration aux élèves de terminale séchant lamentablement sur une improbable dissertation. Car si le « Oh temps, suspend ton vol » est au TOP 50 des citations, qui aurait osé mettre le Temps en boîte, fût-elle muséographique. Le Temps aurait-il donc trouvé son conservatoire ? L’inéluctable fuite des secondes, des minutes et des heures serait-elle ici figée, faisant cohabiter le passé, le présent et le futur ?

Inutile de dire que la curiosité … et un impérieux besoin de séchage, me firent franchir avec joie, tel un acteur de la série « la Porte des Etoiles », un splendide porche Renaissance que j’imaginais être déjà une brèche dans l’espace-temps quantique. Pourtant, je n’eus pas besoin de réviser les E=MC2 et autre relativité générale car la magie de l’Art, de la sémantique ou, plus vulgairement, du Marketing, transforma rapidement le mot « Temps », en « Horlogerie ». Musée de l’Horlogerie ? En réalité, un miracle d’intelligence : le palais qui avait hébergé le conseiller de Charles Quint était devenu une ode au génie humain, à sa capacité à maitriser toujours mieux le Tic-tac. Du sable fuitant au travers d’un minuscule orifice, aux battements affolés d’un atome de Césium, du mouvement de balancier à l’égrenage digital de cristaux liquides, il y en avait pour tous les goûts !

J’avoue avoir un faible pour le Pendule de Foucault, traité ici de manière artistique. Vous savez, c’est cette très lourde sphère métallique accrochée à un interminable filin (plus de 10 mètres à Besançon) et qui, après avoir été délicatement lancée, entame un très lent et majestueux balancement. Par un phénomène quasi surnaturel, cette immense « horloge », loin de rester fixe par rapport au bâtiment, semble entamer une ronde sur un peu plus de 24 heures, visualisant la rotation de la terre. Les savants vous diront que le pendule reste « scotché » dans le même plan alors que la terre tourne autour de lui, un truc étonnant lié à la force de Coriolis! En d’autres termes, ce que nous voyons sous nos yeux, c’est le mouvement de notre planète bleue. Si je voulais frimer, je vous parlerai de référentiel et de repères relatifs, mais je n’ai pas envie de vous payer encore de l’aspirine, de plus non remboursée par la Sécurité Sociale. Je vous raconterai juste qu’un de mes prof de Physique les plus géniaux me disait que l’on voyait l’Univers tout entier dans le pendule de Foucault, car le plan du tic-tac est lui immobile, non seulement par rapport à la Terre, mais aussi au système solaire, à la galaxie toute entière et au-delà.

Ailleurs, protégées dans des vitrines armées, des montres de « grande complexité » nous rappellent que l’on maitrisait ici tous les rouages d’une horlogerie flamboyante et innovante. L’histoire est pourtant parfois cruelle car les destins de deux territoires voisins se sont écrits avec les lettres LIP ou SWATCH, synonymes ici de « Fin » (provisoire ?) et là de « Renouveau ». Pourtant, en voyant le génie mécanique, microtechnique et mécatronique qui règne dans les PME de l’arc jurasso-alpin, je me prends parfois à rêver à une renaissance d’une grande industrie horlogère qui dépasserait la difficile aventure de la Manufacture Pequignet. Car dans le Luxe, où la France excelle, le parfum, la haute couture et la maroquinerie restent orphelins de la montre. Pari risqué certes, mais est-il réellement improbable de trouver les entrepreneurs et les investisseurs amoureux de « la belle ouvrage » ?

Plus loin encore, je crus que ma presbytie de quinqua me jouait encore un vilain tour. Pourtant à force de compter et de recompter je dus bien admettre que le cadran de l’horloge était bien numéroté de 1 à 10. Une bizarrerie, pas si bizarre, de la Révolution française qui durant quelques années voulut imposer les jours de 20 heures. Car c’est vrai après tout, on peste contre la gente anglo-saxonne avec ses pieds, ses pounds, ses Fahrenheit et ses miles, alors que nous avons à nos poignées des reliques d’un autre temps ayant résisté à la déferlante du système décimal. Sacrée histoire : d’après de doctes ouvrages, cette tradition de diviser le temps en douze remonterait à la Mésopotamie, avant même les égyptiens et leurs pyramides.

J’y crois pas ! Moi qui pensais être un innovateur, défricheur et perturbateur, je découvre que je ne suis dans mon rapport au temps, qu’un vulgaire conservateur traditionnaliste casanier ! La claque !

lundi 3 septembre 2012

Génération Njüt, t’es qui toi ?



C’est fou comme les retours de vacances peuvent être pitoyablement gâchés. Ainsi, en ce lundi matin, alors que l’écran de mon ordinateur me renvoyait l’image d’un bronzage encore estival, une voix tonitruante venant d’on ne sais où, c'est-à-dire probablement du bout du couloir, fit vibrer les murs du bureau :

- Marcelle, dis, il me faudrait une chronique innovation grand public sur le progiciel, genre 3500 signes. T’as ça dans les tiroirs ?
- Bon, d’abord je ne m’appelle pas Marcelle, ensuite on dit « as-tu cela dans tes tiroirs, s’il te plait » et enfin, je ne sais même pas ce que c’est ton progi-machin. Alors, une page sur le sujet, tu penses bien que même avec un GPS ultra sophistiqué, je ne saurais pas par où attaquer le sujet.
- Super, donc c’est Ok pour demain 8 heures ! J’attends le papier !

Je ne sais pas vous, mais j’ai parfois l’impression que le boss, fut-il redac’chef, est toujours légèrement dur d’oreille au retour du week-end…
Oh Sauveur Google, aide moi. Vite, taper: P-R-O-G-I-C-I-E-L. Au « return », un charabia pas très réjouissant se fait jour. Je savais bien que le sujet était pourri ! Allez passionner les foules avec des « Œufs ère Pet »(ERP), des Gépé Aho (GPAO), des MES et autres SAS. C’est quoi d’ailleurs ce machin de SAS : un « Son Altesse Sérénissime » du style des San Antonio que lisait mon père ? Pourtant j’en ai déjà vu des écrans d’ordi lors de mes premiers reportages dans les entreprises, moi, la « spécialiste » nouvelles technos au journal, du haut de mes 26 ans fraichement révolus. Et si je tiens exceptionnellement la rubrique innovation, c’est par intérim du « vieux sage », et parce que je suis un pur produit de la « génération Y », parait-il technophile. Comme vous dites, vous les babyboomers qui nous regardez avec étonnement (ou envie ?), nous on est dans la fougue, l’hyper connectivité, le zapping, l’instantané, le multitâche. Sur ma tablette multifenêtrée, j’alimente mon mur Facebook, j’écris un mail et je skype avec mon copain bossant à l’autre bout de la planète. Je connais par cœur les décalages horaires. Shanghai c’est +6, la Californie –9 et Sydney +8. Lorsque mon boss me parle du réseau, en pensant proximité et relation humaine, moi, ma communauté est sur la toile et elle est universelle. Alors faut nous comprendre, nous les Y si on ne pense pas exactement comme vous, les X. Il faut vous mettre dans la tête qu’on est des « DIGITAL NATIVE » : des biberonnés au web, des addicts du jeu video, des adorateurs de la carte SIM. Attendre 6 mois une ligne téléphonique comme l’ont vécu nos grands parents, où envoyer des télex avec parcimonie parce que c’est cher, c’est à des années lumière de notre compréhension, nous qui téléphonons pour dire, « on s’appelle tout à l’heure ». C’est pas un conflit de génération, c’est un autre monde. Regardez vos progiciels, ou plutôt « logiciels professionnels » pour répondre aux standards vocabularistiques de l’Académie Française, ils sont sérieux et efficaces avec leurs écrans bien construits. Mais nous, on bosse avec des applis sur nos smartphones . Pas la peine de tout révolutionner, mais mettre un peu de Peps et de couleur sur des interfaces modernes, ça ne ferait pas de mal.

Et puis, votre crainte du piratage de données, nous on vous dit : no stress . Facebook, on le vit au quotidien et on sait maitriser les risques ! On est tous dans le réseau mondial depuis tout petit : alors, à 20 ans, on est déjà des experts aguerris du control data. Combien d’entreprises ont lancé avec notre génération, un chantier de création d’une superbe page Facebook pour l’externe et se sont empressées de bloquer son accès en interne, de peur des fuites … oubliant un peu vite que la 3G illimitée des téléphones personnels contournait l’interdit ? Vous nous parlez sécurité, on vous parle rapidité. Chercher auprès des collègues une réponse à une question pointue, n’est pas toujours évident (je le sais bien avec ce P… d’article) : il faut repérer l’expert, s’il existe, lui formuler le problème et attendre, attendre, attendre la réponse, car un expert, ça a un agenda de malade. Forcément, c’est un expert. A l’inverse, envoyez vos interrogations vers des news groups spécialisés et en moins de 24 heures vous avez la réponse, souvent enrichie de multiples contributions.

Et votre « cloud computing », l’informatique dans les nuages, ou pour être moins poétique, la mise sur le réseau des données de l’entreprise, c’est toute une histoire ! Vous débâtez sur « y aller ou pas », sur la sensibilité des données, la localisation des serveurs, l’adaptation à la taille de l’entreprise. Nous, la génération Y, on vous regarde avec le sourire, car la question n’est pas « pourquoi » mais « quand » y aller. Le monde change, les entreprises se connectent entre elles, vous nous demandez de rester joignables et nous vous demandons d’accéder aux données, où que nous soyons, tout de suite, partout dans l’Univers, numérique bien entendu.

Car notre génération Y que vous croyez fondamentalement indépendante est viscéralement partageuse. Nous savons mettre en commun pour aller toujours plus vite, et de manière autonome. C’est comme cela que vous nous avez éduqués, non ? Jetez un œil sur les méthodes agiles, inventées par les geeks dans le développement des logiciels. C’est du bonheur pour nous. Là où le traditionnel chef de projet ne jure que par des diagrammes de Gant et d’immenses tableurs, le clan des agiles réduit les procédures au minimum, transforme les fastidieux points hebdomadaires en courtes réunions journalières où on solutionne, avec la « meute », les problèmes du moment tout en interagissant avec le client pour éviter les incompréhensions. Vous trouvez ça brouillon, mais vous découvrez que la qualité finale est meilleure. Vous …

Hum, en fait c’est peut être cela l’angle d’attaque de mon article : ma génération Y, celle de la playstation, du Mac Do et d’Ikea à l’assaut du progiciel. Bon, il me faudrait un titre choc, histoire de donner envie de lire, un truc du genre « Génération Njut, t’es qui toi ? ». Il ne me reste plus qu’à foncer sur le clavier. Et je signerai bien évidemment :


Marcelle

jeudi 16 août 2012

Carte postale de vacances … enfin presque !


Si vous voulez avoir une vision assez fidèle du néant, il suffit de regarder sa boite aux lettres professionnelle, la semaine du 15 Aout : pas de facture ni d’invitation à une mirifique inauguration, peu de journaux, des dépliants publicitaires probablement évaporés par des chaleurs caniculaires. Aussi, c’est toujours avec un plaisir non feint que l’on découvre une lettre personnelle dans ce désert épistolaire.
Salut !

Tu me connais, moi les cartes de vacances, c’est le dernier jour que je les écris. Pourtant là, c’est trop top : j’ai voulu te faire partager les moments inoubliaaaaables que je vis. Tu te rappelles, j’avais hésité pour savoir quoi faire cet été, et au bout du compte, j’avais choisi le voyage explo, un peu à la Indiana Jones. C’est mon côté aventurière. Et bien, je suis servie.

Bon, pour le voyage, rien à dire. Au départ, nous avons été un peu secouées mais rien de grave. Le trajet était un peu long. Un vol de nuit, quand tu vois un ciel tout noir, ça donne envie de dormir : il n’y a rien de mieux pour arriver en pleine forme à destination.

Et là, t’aurais dû voir. Les G.O. (gentils organisateurs, comme on disait au Club) ont fait monter la pression : « Les filles, vous allez vivre sept minutes de terreur ». Nous, on a bien rigolé, tu penses !

En fait, on a rigolé 30 secondes, après c’était une autre affaire. Ils nous ont équipées avec un gros bouclier, style Conan le Barbare mais sans les muscles, ni l’épée. Et là, ils nous ont balancées dehors : la chute libre vertigineuse. T’as même plus la force de crier et tu te dis que tu vas Mourriiiiiir. Puis soudain, paf ! Alors que nous étions encore à jouer au supersonique, ils ouvrent le parachute, les fous. Le choc, mais bon, j’étais rassurée, on allait se poser tranquillos, version commando. Erreur ! Le parachute s’éjecte et nous voilà à nouveau en train à tomber. Je vais Mourriiiiiir ! Je te raconte pas : la trouille de ma vie. Les G.O., pourtant, ils avaient tout prévu. Ils nous avaient équipées, sans nous le dire, de mini-rétrofusées pour finir la descente. Là, c’était cool. J’ai pris peut-être 300 photos. Tu pourras les assembler pour en faire un film : tu verras, ça doit être sympa.
Mais la surprise, des surprises a été l’atterrissage. Les derniers mètres, on les a faits, accrochées à des filins. Tu vois, du genre Madonna ou Mylène Farmer arrivant sur scène en début de spectacle au Stade de France. Et bien nous, c’était pareil. Wouaaaaaaaah, je te dis que ça. Ces 7 minutes là, ce furent les plus intenses de ma vie.

Après, nous avons un peu soufflé. J’en ai profité pour faire encore des photos panoramiques. J’avais l’impression d’être en plein désert, version Colorado pour les couleurs mais version Antarctique pour les températures. Etonnant. Par contre, on nous a conseillé de rester à l’intérieur. Il parait que même avec ma crème solaire indice 60, je serais complètement cramée. Pour le bronzage, on repassera.

Sinon ici, on nous cocoone ! Nous sommes bien au chaud dans notre camp de base mobile. Il devrait aller vers les montagnes que nous voyons dans le lointain. En attendant, nous avons sorti le téléphone satellite : une antenne de 1 mètre de diamètre qui pointe fièrement vers le ciel. Il faut dire que nous sommes loin de tout. Heureusement, les G.O. n’ont pas lésiné sur la qualité.

Dans les prochains jours, on devrait s’exercer au « jeu de la vie ». C’est comme au Laser Game mais en mieux. Nous visons des cailloux avec le laser. La poussière s’évapore et avec une caméra spéciale nous pouvons savoir la composition. Nous avons aussi des fours, des rayons X, des microscopes : c’est « NCIS » et « Les experts » réunis. On nous a dit que si nous trouvions de la vie, c’est « carte bancaire illimitée ». Le Jackpot ! Mais quand je vois combien c’est sec autour de nous, je ne me fais pas trop d’illusion.

Je t’embrasse.

Ta tendre Curiosity


Une telle lettre, envoyée de si loin (oui, la poste martienne est efficace), méritait bien une petite réponse :
Chère Curiosity,

Je t’envie d’avoir réussi ce long voyage vers Mars. J’ai bien pu voir le film de la descente sur le site de la NASA, impressionnant ! Tes premières photos, sont moyennes. Penses à augmenter le nombre de pixels (va dans le menu définition de ton appareil photo). Sinon, c’est très sympa de ta part de nous donner tes impressions sur Twitter (http://twitter.com/marscuriosity). Je vois que tu es toujours aussi bavarde : du vrai Nicolas Hulot technologique.

Bises à toi et soit prudente.

dimanche 1 juillet 2012

Dieu existerait ! Enfin à 99,999% … ou presque !


Cela aurait pu être une belle histoire, celle que l’on aime raconter le soir dans les chaumières.

Voyez le décor : des enquêteurs de « police scientifique » réunis par centaines. Des témoins réconfortés qui, malgré une très longue attente de 50 ans, vont enfin connaitre le coupable. Et puis le Président de séance, tout auréolé de la puissance des révélations qui, majestueusement, prend la parole.



- Faites entrer l’accusé
 Là, silence total. Pas un mouvement, rien. Et puis une voix fluette de greffier se fait entendre :
- Heu, Monsieur le Président, il n’est pas là le coupable. Il est même insaisissable. Mais c’est sûr, il a laissé des empreintes indélébiles. On le tient, c’est sûr, enfin, à 99,999%.

- Bon, d’accord, on va faire comme si.
- Prénom
- Boson
- Nom
- De Higgs
- Ah ! C’est un noble ?
- Non, c’est une particule !
- Oui, c’est bien ce que je dis : « de » est une particule, donc « de Higgs » est un noble.


J’arrête là ce début de pièce de boulevard, car ce qui s’est passé le 4 juillet 2012 au CERN était autrement plus sérieux.

Cela aurait pu être une belle histoire belge ou écossaise, celle de deux vieux messieurs qui, par la force de l’esprit poussent la théorie à ses limites et annoncent : « là, il va y avoir quelque chose de gros. Voilà les indices mais c’est à vous de la trouver ». Et puis au moment où on la trouve, la chose, un demi-siècle plus tard, eux, les vieux messieurs, dans une modestie infinie alors qu’on leur prédit le Nobel, considèrent que la plus importante des choses est de vivre une retraite heureuse et de trouver le moyen de fuir les médias.

Cela aurait pu être une belle histoire politico-financière. Une histoire d’influence, de coup de bluff, d’arbitrages géopolitiques. Celle d’une machine, la plus grande et la plus complexe jamais construite par l’homme. Une machine qui a englouti les meilleurs cerveaux de la planète pendant des dizaines d’années. Une machine qui s’est gavée de près de 5 milliards d’euros et de 120 Méga Watt pour accoucher d’une des plus belles découvertes de la Physique Moderne.

Cela aurait pu être une belle histoire pour les médias, mais comment voulez-vous expliquer l’inexplicable ? :


Le boson de Higgs est le quantum du champ de Higgs qui donne une masse non nulle aux bosons de jauge de l’interaction faible leur conférant des propriétés différentes de celles du boson de l’interaction électromagnétique, le photon.

Je vois la tête du rédac’chef recevant la dépêche de l’AFP, et courant dans les couloirs à la recherche du bizuth stagiaire à qui il allait pouvoir confier le sujet.
On a alors vu fleurir dans les journaux, les télés et les radios : « la particule de Dieu enfin découverte », un titre sentencieux qui ne supporte aucun commentaire.


« Si c’est Dieu qui est dans le coup, alors les mecs, on s’écrase » !

Et pourtant, ce délire métaphysique qui fait toujours hurler les scientifiques, traine dans les rédactions depuis que le manuscrit de 1993 du prix Nobel Leon Ledermann « The Goddamn particule » (Putain de particule pour les anglophobes) est devenu « The God Particule » (La particule de Dieu) dans l’édition originale du livre du même nom.

Cela aurait pu être une belle histoire à vous raconter. Celle de la naissance de l’Univers apparu au milieu de rien, le rien ne voulant d’ailleurs rien dire. Le splash du Big Bang avec ses températures infinies, infinies n’ayant d’ailleurs aucun sens. Un machin simplement compréhensible avec des équations pour QI 380 au minimum. Et puis là, miracle, replash, la Brisure Spontanée de Symétrie (c’est le nom savant), un autre machin qui fait qu’aujourd’hui, je peux écrire ces lignes. Dans ce temps si lointain où le temps ne voulait pas dire grand chose, l’Univers s’est organisé en onde, la lumière, et en particules, qui ont donné des atomes et, accessoirement, Bibi votre chroniqueur.


Et le boson dans tout ça ?

Et bien le petit Higgs fait que les particules pèsent ou pas. Un gars super génial du Cern explique cela en montagnard. Imaginez un champ de neige : le champ de Higgs. Avec des skis, vous le traversez, facile, comme les photons de lumière au travers de l’Univers. Avec des raquettes, vous fatiguez un peu, mais avec des chaussures, vous vous enfoncez beaucoup. Vous « pesez » plus lourd. C’est pareil pour les particules avec Higgs : on parle d’interaction.

Je vous le dis, cela aurait pu être une belle histoire, mais un « Et Bibi, t’as des barres ? » me sortit de ma réflexion. Moi : « Euh ? Oui ! Ah Non, j’ai rien ». Je secoue la petite boite, réflexe stupide : toujours rien ! J’appuie sur le on-off puis je redémarre : toujours rien. Pas la moindre barre à l’horizon. Pas de téléphone, pas de 3G et donc pas d’Internet mobile. Je suis vert de rage, enfin plutôt orange ! Cette chronique, elle doit pourtant partir aujourd’hui. Vite recopier sur un A4, à la va vite, trouver un café. « Bonjour M’dame, vous avez un fax ? ». Ouf, la chronique sera quand même publiée à temps grâce à la vieille technologie : ce n’est pas tous les jours que l’on sait que Dieu existe à 99,999%, même s’il oublie, dans ses miracles, les opérateurs téléphoniques.

Et ça c’est une sacrément belle histoire : une vie sans SMS ou sonnerie intempestive !

samedi 2 juin 2012

Il est trognon ! Chéri, tu me l'achètes ?



C’est fou comment fonctionne notre mémoire. Des souvenirs que vous pensiez à jamais enfouis, ressurgissent soudain à la surface, telles des bulles de vapeur dans une casserole se faisant réchauffer le derrière sur un feu bienveillant. C’est comme si Marcel, (Marcel c’est mon seul neurone encore actif dans le cerveau), s’ébrouait soudain, générant je ne sais quelle substance psychotrope pour me faire replonger dans des images d’un autre temps.

L’autre jour, en rangeant le grenier, vous savez ce lieu mythique où l’on stocke tous les objets dont on aura forcément besoin un jour prochain (prochain étant, dans le langage des sous pentes, synonyme de jamais), je tombais en arrêt sur un petit carton logoté PTT. Bon pour les jeunes qui n’ont pas la moindre idée de ce que pourrait être un (une?) PTT apprenez que le mot se traduirait aujourd’hui par le terme de : La Poste Orange. Vous voyez, un mélange de gout amer de timbre à coller avec la langue et de vieux téléphone à cadran en bakélite noire. Termes évidemment incompréhensibles à l’heure du mail et du Smartphone.

Mais je m’égare (ça c’est la manie des vieux croutons qui radotent). Donc, je trouve cette boite défraichie et tombe en arrêt sur… mon premier minitel dont l’étiquette me rappelle qu’il est encore « propriété de l’Etat » : une parcelle de la France Colbertiste au milieu de la poussière. Voila bien de quoi pousser plus loin les investigations. Sherlock Holmes, au boulot !

Redescente 4 à 4 des escaliers, passage de la « Bête » à l’aspirateur, histoire de lui refaire une beauté … et de s’entendre dire « t’as rien d’autre à faire que te t’amuser avec des vieilleries », et me voilà replongé 10 ans en arrière. Quoi ? Pas 10 ans ? 15 alors ? 25 ! C’est fou comme le temps passe (encore un signe que je deviens vieux schnok).

Couleurs austères d’un gris et d’un beige délavés : ici c’est du sérieux d’ingénieur, loin des exubérances orange et marron des mobiliers urbains de l’époque ou des couleurs romantico-anglaises de vêtements qui font la joie de nos ados dans les friperies « in ».

Ecran bombé, rappel du tube cathodique noir et blanc. « Dis, c’est quoi papi un tube cathodique ? » Il faudra bien qu’un jour je sache répondre simplement à cette question !

Touches carrées, bien séparées (à l’époque on ne tapait pas tous comme des dactylos). Et puis, ce bouton magique, « connexion », là, en haut à gauche. Vite, retrouver les câbles, les prises, débrancher-brancher le téléphone fixe. Clic clac et hop mise en route. Un petit carré blanc se met à clignoter sur l’écran.

- Chérie, vient voir, le minitel, il marche encore !

Tel un revers bien marqué sur le court central de Roland Garros, je me vois renvoyé dans ma contemplation solitaire par un « arrête tes bêtises et vient parler à tes enfants sur Skype » ! Paf ! Confrontation brutale entre une muséale créature télecommesque et le moderno-numérique triomphant.
Et pourtant que d’histoires se sont écrites autour des 3613, 3614 ou 3615.

Qui pouvait être cette mystérieuse Ulla qui dévoilait ses charmes sur 25 lignes et 40 colonnes ? Fantasme de jeunesse devant une image de 6000 pixels là où aujourd’hui on ne jure que devant des écrans HD à plus 2 millions de pixels. L’époque était à l’imagination émoustillée par le bip strident précédent la connexion. Et ce 3611 Annu qui donnait accès à tous les numéros de France sans passer par la collection nationale des annuaires. Le minitel ? C’est la première révolution verte avant l’heure je vous dis, protégeant bien des arbres et annonçant le malheur des papetiers et des imprimeurs ! Et ce 3615 SNCF qui nous transformait tous en chef de gare, capable d’égrainer le moindre horaire, dans la gare la plus paumée de notre beau pays : un miracle français. Enfin, franco-français, et c’est bien là la maladie mortelle de ce bijou de technologie, sorti des brillants cerveaux polytechnico-enarquiens. La bête eut une belle vie et une sacrée résistance face à la déferlante internet. Il faut dire qu’elle rapportait gros : 60 francs de l’heure, presque 10 euros !

Aujourd’hui Orange, à moins que ce ne soit France Télecom ou l’Etat, nous autorise à garder définitivement nos vieux bijoux télématiques à l’heure où s’éteignent, avec l’arrivée de l’été, les derniers services Transpac. Je sais déjà que demain ou dans 10 ans, dans une brocante, voire même chez un antiquaire ou une salle des ventes, quelqu’un s’extasiera devant cette boite de plastique d’un autre temps : « regarde chou, elle est trognon ! Dis, tu me l’achètes ? ».

En attendant, je vais retrouver, joyeux, les gazouillis du petit dernier qui, un jour, à son tour, aura des souvenirs nostalgiques d’iphone 37s à écran 3D et commande cérébrale !

Quand à toi, mon ami Minitel, tu vas bien devoir l’admettre : c’est l’heure de la retraite !

Alors vive le futur !

lundi 14 mai 2012

Cher Monsieur le nouveau Président de la République,



Mes collègues et moi-même, tenions à vous faire part de notre profond désarroi.

Dans les temps pas si anciens, le bon vieux droit Canon rythmait parfaitement notre année. Il était facile de savoir qui fêter, et quand. On commençait le 2 janvier avec Grégoire. On terminait le 31 décembre avec Sylvestre. On passait, en juin, par la pluie de Médard et le feu de Jean. On rajoutait quelques commémorations civiles et fêtes religieuses, histoire d’agrémenter l’agenda de quelques ponts ou viaducs… et le tour était joué.

Mais voilà, la création des journées mondiales est venue bouleverser cet ordre séculaire bien établi, ne serait-ce qu’en termes de place ! Caser une Angèle ou un Laurent sur un bon vieux calendrier cartonné est facile. Mais faire tenir sur un demi-centimètre carré une «Journée Mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement » ou une «Journée Internationale pour la préservation de l'environnement en temps de guerre» relève du miracle nano technologique.



Certes, certaines sont incontournables, comme cette admirable journée de la Femme qui a sauvé bien des couples et a fait le bonheur des fleuristes, en permettant d’effacer un oubli malencontreux d’un anniversaire.
D’autres semblent plus ésotériques pour nos pays occidentaux. Par exemple, connaissez-vous la journée des toilettes (si, si, ça existe), portée par une honorable ONG ? Ou celle du lavage des mains voulue par l’UNICEF ?

Vous l’avez compris, la pléthore de ces journées a créé un calendrier parallèle. Ainsi, le 6 mai, date d’une élection importante et sérieuse, bien connue de vous-même, se déroulait durant la journée mondiale du rire qui suivait celles du soleil, de la liberté de la presse, de l’asthme et de la sage-femme.

Mais voilà, Monsieur le Président, bien qu’ayant parcouru le listing dans tous les sens, je n’ai point trouvé d’évènement mondial de l’innovation. Etonnant quand on sait que le rôle de ces journées est « d’attirer l’attention sur des enjeux mondiaux majeurs ». D’où notre grand désarroi !

Pourtant l’innovation est universelle et caractérise magnifiquement l’espèce humaine.




  • Sans innovation, nous serions toujours des bipèdes poilus, cueilleurs de baies sauvages et pétochards devant les bêtes sauvages.
  • Sans innovation, nous n’aurions pas à nous questionner sur le pourquoi de billets TGV 1ère classe moins chers que ceux de seconde, là où, un siècle plus tôt, on massacrait allègrement son lumbago sur les bancs en bois de la 3èmeclasse.
  • Sans innovation, nous n’aurions pas de doute métaphysique sur l’opportunité d’investir ou non sur le Time Square new-yorkais, probable future marina à la mode de l’an 2150, si la montée des océans suit celle du réchauffement climatique.

Car, Monsieur le Président, l’innovation est partout. Elle est magiquement technologique avec Ariane ou le dernier Ipad. Elle est fabuleusement marketing avec le modèle Easyjet ou les capsules Nespresso. Mais elle se cache aussi dans des pépites d’outils de production ou de nouvelles formes d’organisation.
Alors, pourquoi ne pas être promoteur d’une journée mondiale de l’innovation ? L’innovation étant toujours consensuelle, exaltante et d’un excellent retour sur investissement (un plus évident à l’heure des crises de la dette et de l’euro), il n’y a pas de raison d’hésiter !
Pour la date, pas de souci. Il suffit de choisir parmi les jours de naissance de grands noms du secteur : serial innovateurs, expérimentateurs hors pair ou « désobeisseurs »de nature. Et il y en a pléthore : Thomas Edison, les Frères Lumière, Rudolph Diesel, Louis Pasteur, Graham Bell et bien d’autres. Pour ma part, j’aime bien le 15 avril, jour où brailla, pour la première fois, un certain Léonard de Vinci, inventeur de la Joconde … et du parachute. En mariant « Art » et « Innovation »il nous a montré, de la plus belle façon, que la réussite passe par une créativité exacerbée et une technique d’exception.
 
 
Et puis, la création de la journée mondiale de l’innovation, dès 2012, année où la France célèbre le tri centenaire de Jean-Jacques Rousseau, un des plus brillants représentants du Siècle des Lumières, ne manquerait pas de panache.
 
 
Dans l’attente de vous lire, Monsieur le Président, et au nom de tous ces hommes et ces femmes de l’ombre qui transforment en business rentable des idées géniales, nous vous prions…

mercredi 4 avril 2012

Les cures de désintox, ça ne marche pas !


Il y a autour de nous des malades, mais des malades de chez malade. Des incurables de la créativité, des maniaques du brevet, des shootés à la CAO, des innovateurs compulsifs. Des gens ordinaires, rarement exubérants, habités d’une folie quotidienne quasi extatique dont aucun traitement n’a l’air de venir à bout. Pourtant il faudrait trouver un traitement car il y a urgence : l’innovation c’est cher, cela prend du temps et l’échec est assurément assuré. Il suffit de se rappeler les 3 règles qui suivent pour s’en convaincre … et pourtant.

Règle N°1 : C’est évident, il n’y a pas de marché

L’autre jour, je me baladais dans les allées du salon InnoRobo, l’évènement européen de la robotique de service. Si vous avez l’habitude de lâcher votre adorable progéniture, juste avant Noël dans les allées d’un Toys’R us, vous avez une petite idée de l’ambiance de cette foire aux robots hors du commun. Ici, s’exposent les futurs produits du 21ème siècle. Le robot aspirateur a trouvé des copains avec celui qui passe la serpillère et l’autre qui grimpe aux fenêtres pour laver les vitres. Personnellement, j’attends plutôt celui qui fera le repassage, occupation maudite de notre monde moderne. Plus loin des exosquelettes vous font la promesse de vous faire courir le 100 mètres en 10 secondes avec 100 kg sur le dos ou de vous rééduquer en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire (Ah oui, pour ceux qui ne maÎtrisent ni la sémantique helléniste, ni la culture Geek, un exosquelette est une sorte de costume à la Robocop, pas très esthétique, mais qui vous transforme en superman olympien dès que vous l’enfilez). Plus loin encore, des robots d’assistance à la personne vous proposent de vous faire boire, de vous aider à descendre les escaliers ou de téléphoner à votre place. Bref du super gadget qui ne trouvera pas de marché solvable, c’est évident ! Et pourtant … le papa de Nao, un adorable petit robot humanoïde, vient de vendre 80% de sa société pour la modique somme de … 100 millions de dollars.

Règle N°2 : C’est évident, ça ne sert à rien !

Ce qu’il y a de déprimant avec les chercheurs, c’est que, lorsque vous les mettez ensemble, ils se mettent à parler une langue qu’eux seuls comprennent. Je ne parle pas du Globish, l’anglais approximativement international des congrès, mais des ésotériques borborygmes, spécialité des spécialistes. Et cela n’a pas loupé à ICSM, congrès de métrologie des surfaces où l’on passe du statut de personne au QI normalement normal, à celui de mioche salement attardé en franchissant la porte de la salle de conférences. Equations, intégrales, matrices, « yapa-adire », ces chercheurs, ils sont vraiment dans leur tour d’ivoire, loin de toute réalité. C’est évident, leurs travaux, ça ne sert à rien ! Et pourtant … en écoutant attentivement, on apprend que la métrologie des surfaces, cette carte géographique en 3D des objets, est un vrai Sherlock Holmes. Elle sait décrire le régime alimentaire de l’homme de Cro Magnon en regardant ses dents, elle retrouve les vrais couleurs de la Joconde, elle améliore la glisse des skis ou réduit la consommation des moteurs ! Là docteur Watson, ça t’en bouche un coin ! D’ailleurs, à voir le pédigrée des industriels présents, sûr que c’était du lourd.

Règle N°3 : C’est évident, c’est absolument impossible

Dans un hangar aussi gris que banal, du genre de ces constructions que l’on trouve par centaines dans toute bonne zone industrielle, j’ai rencontré il y a quelques jours une créature blanche à la silhouette allongée capable de vous faire monter au ciel, même si ce n’est pas le septième. Pas la peine de fantasmer, elle se rapprochait plus d’un croiseur interstellaire à la Star Trek que d’une Angelina Jolie en mal de nouvelles aventures. Ici, on développe un petit avion biplace de luxe répondant au nom d’Akoya. Pas mal. Mais lorsque vous apprenez qu’il doit décoller, sur terre, neige et eau, vous vous rendez compte que vous avez en face de vous des fous furieux qui n’ont rien compris à l’aérodynamisme, car évidemment, c’est impossible ! Et pourtant … en remplaçant les flotteurs d’hydravion par des hydrofoils, ceux des trimarans de compétition, accessoirement une première mondiale, on découvre que l’impossible devient improbable et que l’improbable se transforme en réalité.

Voilà pourquoi, l’innovation, c’est insupportable. Cela remet toujours en question nos certitudes, cela nous rappelle que d’autres peuvent toujours faire mieux, bref cela nous transforme vite fait en « has been », du genre vieux crouton rassis, si l’on n’y prend pas garde.

Mais pour ceux qui vivent le grand frisson au quotidien, se shooter à l’innovation, c’est le trip assuré, c’est l’excitation de la découverte, le stress du dépassement quotidien, l’enthousiasme de la création.

Alors c’est sûr, les cures de désintox ça ne marchera jamais …pour la désintoxi-nnovation et c’est tant mieux, car ces drogués là, font avancer le monde.

samedi 31 mars 2012

La voiture à propulsion Horlogère

C’est sur les bords du lac d’Annecy, sur le Paquier, que sera présentée officiellement ce dimanche, la T14, première voiture à propulsion horlogère, zéro émission de CO2. J'ai  pu rencontrer en exclusivité Paul Fisherman, le créateur de ce véhicule urbain hors norme. Il m'a dévoilé en avant première, quelques informations exclusives.


AM  : alors, cetteT14, c’est quoi ?Paul Fisherman : La T14 est une automobile biplace, qui reprend, pour sa propulsion, le principe des anciennes montres mécaniques, d’où le nom de voiture horlogère.

AM : mais encore ?P.F. : Nous avons repris le principe des ressorts hélicoïdaux qui accumulent l’énergie puis la restituent au véhicule. Notre innovation tient dans le matériau utilisé : le métal du ressort est remplacé par des nanotubes de carbone, qui apportent une durabilité exceptionnelle et qui améliorent l’autonomie grâce à l’élasticité du composant carbone.

AM : cela veut dire quoi ?P.F. : Totalement remonté, le ressort peut délivrer à la voiture une autonomie réelle de 14 km, d’où le nom de T14. C’est donc un véhicule à usage urbain, mais contrairement à un véhicule électrique, il suffit de remonter le ressort pour repartir instantanément pour 14 nouveaux kilomètres.

AM: vous réinventez la manivelle des voitures de nos grands parents ?
P.F. : Pas tout à fait ! Certes nous avons voulu donner une touche vintage au produit en prévoyant l’orifice dans la calandre mais ici la manivelle joue un rôle équivalent à un remontoir pour une montre et pas à un démarreur. De plus, notre système de démultiplication ne nécessite pas d’effort important : pour retrouver les 14 km d’autonomie, 100 tours de manivelle suffisent soit environ 1mn de temps de recharge. Imbattable !

AM : Ce véhicule est un prototype, à quand les séries et à quel prix ?P.F. : Non ! Ce véhicule est déjà une pré-série et la commercialisation par internet est prévue pour l’ouverture du mondial de l’automobile à l’automne. Quand au prix, s’il n’est pas encore totalement fixé, mais il devrait se situer autour de 1500 euros, sachant que l’entretien se limite à un graissage tous les ans. Bref, un véhicule ultra économique et écologique qui peut être comparé, pour le prix, aux vélos électriques mais avec l’avantage d’une carrosserie de voiturette.

AM : Alors pourquoi avoir choisi Annecy ce dimanche ?P.F. : 3 raisons essentielles. La première, l’environnement, car quel plus bel écrin que le lac d’Annecy pour présenter une nouvelle génération de véhicule écologique. La seconde est ma passion pour le dessin animé, et je ne pouvais pas imaginer de présenter un véhicule, clin d’œil à «Cars », ailleurs que dans la ville où se retrouvent tous les ans Disney ou Pixar lors du festival du film d’Animation. La troisième est plus marketing, car nous avons voulu jouer sur le chiffre 14. La T14 fera ses premiers tours de roue Dimanche à 14h14 soit, transformé en nombre, le 1.4.14.14 ! J’ajoute que le public est bienvenu et attendu nombreux car des essais seront possibles.

AM : Dernier point, pouvez-vous nous dire à quoi ressemblera le véhicule ?P.F. : je peux vous donner la couleur : vert fluo mais pour la forme de la carrosserie, il faudra attendre dimanche pour les photos officielles !

AM : Merci pour cette exclusivité et rendez-vous sur le Paquier à Annecy Dimanche à 14h14.

vendredi 10 février 2012

C’EST PARTI : ILS SONT TOUS EN CAMPAGNE !


Je ne sais pas vous, mais moi, en ce début d’année, je suis pris de tournis. Comment se retrouver dans le déluge d’informations qui nous submerge ? Tant de candidats, tant de propositions, farfelues ou non, tant de sauveurs proclamés que l’on ne sait plus où donner de la tête. L’indécision décide. La peur ressurgit. Tous ces signaux sont-ils la preuve d’une crise imminente ? Pouvons-nous encore espérer ou faut-il se faire à l’idée que nous sommes définitivement perdus ? Le doute m’assaille, le choix est cornélien, le supplice dantesque, en d’autres termes, j’ai la « pétoche ».

Car comment savoir si oui ou non, 2012 sera l’année de la fin de notre monde !

Regardez, nous sommes tartinés de certitudes et ne « voila t’y pas » qu’elles sont battues en brèche. Cela a commencé autour de Noel, avec une petite comète répondant au doux nom de Lovejoy. Elle fonçait droit sur le soleil et tous les spécialistes s’accordaient pour dire qu’elle ne survivrait pas à son passage dans l’atmosphère brulante de Phébus, genre thermostat de four réglé sur 1 million. Paf, erreur ! Elle est ressortie tout auréolée d’une splendide queue, spectaculaire pour nos amis de la Réunion, pour les kangourous australiens ou les astronautes de la station spatiale. Alors moi, quand on me dit que notre petite atmosphère de quelques kilomètres peut nous protéger, je doute.

Et en février, vous avez entendu parler de BX34 ? Cet astéroïde nous a frôlés à 60000 km, un géocroiseur comme disent les savants. C’est très très près, à peine plus loin que les satellites géostationnaires de télécommunication. Personne ne l’avait vu venir, malgré les télescopes et radars du NeoDys et de la Nasa réunis. Pourtant, il était gros le bougre, genre la taille d’un autocar. Un peu la même chose que ce qu’a évité de justesse Tintin dans « Objectif Lune ». Mais moi, je ne suis pas le capitaine Haddock, et je vois d’ici les dégâts. Un bus qui fonce à 30000 km/h dans mon jardin : les tomates ni résisteront pas !

Et le soleil, hein, qui va être à son maximum d’activité fin 2012, s’il se mettait à bouillir ! Le jet-stream sur Jupiter en semble tout chamboulé. Et notre champ magnétique terrestre qui pilote nos boussoles et qui décroit depuis 3000 ans, pourrait-il soudain disparaitre et perdre son rôle de bouclier protecteur contre les particules ionisantes de l’espace ? Un cauchemar.

Pire : et si Nibiriu, la 12ème planète dont on nous cache l’existence, fonçait actuellement sur nous du fond du système solaire et déclenchait tsunamis géants et tremblements de terre ravageurs. Et cet événement exceptionnel du solstice d’hiver 2012 qui implique les plans galactique et elliptique : que va-t-il se passer lorsque la terre sera « alignée » avec la galaxie ?

Et si les Mayas avaient finalement raison et avaient voulu nous avertir que le 21 décembre 2012, notre « histoire sans fin » appuierait définitivement sur la touche stop. Bon, pour comprendre cette date, il faut faire un peu d’histoire. Les Mayas, comme les gaulois, n’utilisaient pas le système décimal mais une numération en base 20. Et leur calendrier était à l’avenant. Les deux derniers chiffres indiquaient le jour. Puis le numéro du mois de 20 jours, précédé du haab (année) de 18 mois de 20 jours soit 360 jours. Les deux chiffres précédents sont le katum, soit 20 fois 360 jours et les deux premiers le baktun soit 20 katum ou 144000 jours.

Vous n’avez rien compris ? Cela ne fait rien ! Ce qui compte, c’est la suite. Les Mayas étaient de très bons observateurs du ciel. Aussi, nos astronomes d’aujourd’hui ont réussi, à partir d’évènements célestes de l’époque, enregistrés dans les archives amérindiennes, à calculer que l’an zéro pour les mayas tombait en 3114 avant JC. Le 20 décembre 2012 s’écrit avec toutes les conventions citées plus haut 12.19.19.17.19 mais minuit passé, le calendrier Maya devient 13.0.0.0.0 et s’éteint. Clap de fin.
Bon, comme il nous reste encore quelques jours à vivre, il est temps de prendre ses dispositions. Plus exactement je ne vais pas m’interdire une virée sur la montagne sacrée de Bugarach. C’est là, au cœur des Corbières, que se trouve le seul site qui résistera à la destruction finale. Avantage supplémentaire, on y déguste, depuis quelques temps, de sublimes rouges méconnus : un moyen d’attendre dans la bonne humeur notre fin prochaine. Alors, pourquoi ne pas tous entrer en campagne, surtout si elle est bucolique !



NB. L’auteur de ces lignes tient à préciser que cette chronique n’a pas été écrite sous l’emprise immodérée d’une dive bouteille mais a fait l’objet d’un intense travail scientifique, documentaire et anthropologique, afin de scrupuleusement recenser quelques fins du monde « probables » qui font actuellement le bonheur des prophètes de malheur, et des librairies ésotériques.

jeudi 5 janvier 2012

Mon histoire de coeur

Je ne sais pas si vous l’avez constaté, mais nous avons eu la chance insensée de vivre, quasiment en direct, le scoop médical mondial de l’année.

 Quel média n’a pas commenté et expliqué la mort de la compagne du célèbre … Tarzan. On parle ici de la disparition d’un individu notoirement simiesque. Mis au pinacle d’une actualité moribonde (sans mauvais jeu de mot), le chimpanzé Chita, qui n’avait rien demandé à personne, a tiré sa révérence à l’âge notable de 80 balais. Je ne vous dis pas ce que nous avons dû endurer. Chita était-il réellement si vieux ? Pouvait-il vivre aussi longtemps ? Mais aussi, la nation en deuil, les montagnes de fleurs, les doctes experts expliquant les malaises rénaux, la faiblesse des artères, les articulations arthrosées et autres contrariétés forcément « passionnantes ».

Ridicule.

Pourtant, il y aurait eu, en cherchant un peu, des aventures qui auraient fait de merveilleux cadeaux de Noel. Regardez par exemple ce qui se passe dans la « pas encore célèbre start-up Carmat ». Vous ne connaissez pas ? Je vous raconte. Le boss d’abord : Alain Carpentier, terminant sa dizaine des 70 ans et toujours aussi fringuant des neurones. C’est le gars qui a réussi à mettre au point des valves cardiaques recouvertes de péricarde et qui, de fait, ne génèrent pas de caillots. Moralité des millions de malades lui doivent la vie de par le monde et lui, au passage, a récolté le prix Lasker, une sorte de Nobel pour la médecine. Bref du lourd et du sérieux. Bon, à cet âge que l’on dit troisième, vous vous dites, il a bien mérité de se reposer. Et bien Non ! Il se lance dans un challenge bien plus grand : inventer le cœur implantable de nouvelle génération. Les histoires de cœur, ça passionne toujours. Rappelez-vous (uniquement pour ceux qui ont déjà quelques cheveux blancs). En 1967, un chirurgien Sud-Africain, du genre playboy, tente la première transplantation. Son patient survit une quinzaine de jours. Il ouvrait la voie à une opération certes lourde mais qui, aujourd’hui, se pratique couramment.

Le hic, c’est que des cœurs, il n’y en a pas tant à prendre (c’est bien connu).

 D’où, dès les années 70 du siècle dernier, des recherches pour mettre au point des cœurs artificiels plus ou moins implantables. Et là, les déboires s’additionnent, car un cœur ça doit fonctionner dans toutes les conditions ! Risque de rejet, accidents vasculaires cérébraux, embolie pulmonaire, essoufflement ou palpitations. C’est tout, sauf à un long fleuve tranquille ! Le cœur JARVIK qui avait connu son heure de gloire n’est maintenant prescrit que pour des patients en état de mort imminente et l’ABIOCOR comme acte « compassionnel ». C’est tout dire ! Et c’est là qu’intervient l’idée à priori géniale du Professeur Carpentier. Puisque les caillots sont gênants et les médicaments anticoagulants si difficiles à doser, pourquoi ne pas refaire le coup des valves et tapisser le cœur artificiel du même composant. Comme cela, pour les globules rouges, c’est du copain-copain et adieu les bouchages. « Facile », il suffisait d’y penser ! Oui mais, notre cœur doit être capable d’accélérer lorsqu’on monte les escaliers, sinon gare aux vertiges. Il doit aussi ralentir lorsqu’on dort si l’on veut éviter les palpitations.

Et c’est là, que l’histoire devient belle : une rencontre improbable de la médecine et de l’aéronautique où comment un grand capitaine d’industrie, Jean-Luc Lagardère, se prend au jeu et met à disposition de brillants ingénieurs de Matra pour créer les composants et modéliser les comportements. Il en sort un bijou de technologie à 160 000 euros, un mélange d’Airbus A380, de fusée Ariane et de serment d’Hippocrate : pompes pilotant un flux d’huile de silicone pour faire « battre » des membranes, microprocesseurs bourrés de lois de commandes, capteurs et accéléromètres en tout genre. Un exploit de 630 grammes consommant à peine 20 Watt. L’autonomie avant recharge n’est encore que de 4 heures mais, avouez-le, c’est de la superbe mécatronique appliquée au médical. L’engin est si sophistiqué qu’en cas d’hémorragie, le cœur est capable de se mettre au ralenti pour maintenir le plus longtemps possible les fonctions vitales.

Mais de cela peu de monde parle, sauf quelques éminents spécialistes, car les scientifiques sont, par éthique, des gens taiseux.

Alors moi, pour cette nouvelle chronique, j’avais envie de vous faire partager cette belle histoire de cœur. Elle n’est peut-être pas très people, mais cela fait du bien de savoir que dans nos laboratoires bat toujours la passion du progrès au service des Hommes.