vendredi 29 novembre 2013

Ode à la divine seringue

L'autre jour, assis studieusement dans un auditorium, un docte conférencier, enfin pas si docte et même plutôt rigolo, nous balança nonchalamment qu’il y avait un véhicule qui ne crachait que 15g de CO2 au kilomètre. Bon, je sais, ami lecteur, tu te dis que les constructeurs auto ont fait un nouveau bon sidérifiantesque dans la conception de véhicules ecologico-durablo-compatibles. Voire que l’électrique est encore passé par là. Tu connais pourtant ma sensibilité sur ce sujet, mais je te le promets, je ne vais pas m’énerver une nouvelle fois sur le pseudo zéro émission de l’électrique. J’ai quand même toujours autant de difficulté à accepter l’aveuglement de certains, tant il est facile de comprendre que, selon le bon précepte de « rien ne se crée, tout se transforme », le CO2 que ne l’on ne respire plus dans les villes et rejeté plus loin près des centrales thermiques. C’est hélas une complaisante inculture scientifico-mediatico-sociétale ambiante qui donne corps à une bonne conscience bobo-yenne, selon l’autre vieil adage de cours de récréation, « c’est pas moi M’sieur, c’est lui » ! Sous attendu, j’ai payé une blinde pour m’acheter une image écolo, tu ne vas quand même pas encore me demander de réfléchir. Mais je m’égare, je m’égare… et en plus j’ai mon adrénaline qui monte : pas bon à mon âge !

Donc, 15 grammes de CO2 au kilomètre : qui peut bien être aussi respectueux de l’environnement ? Ben, mon coco, pas besoin de chercher bien loin, c’est toi ou moi, quand nous marchons normalement. Fruit de 4 milliards d’années d’expérimentations et de tests, dame Nature a réussi l’exploit d’inventer le 4x4, multi-usages et multifonctions, le plus optimisé de la planète. Je te l’accorde, perspicace lecteur, pour porter des lourdes charges ou filer plus vite que l’éclair, il y a mieux ! Mais enfin, 15 grammes, c’est quand même un truc à rendre malade des armées d’ingénieurs. Si je vous parle de ce sujet, c’est que j’adore, d’ailleurs je devrais plutôt dire j’Adore avec un A majuscule, ce que sont en train de réussir les équipes d’un constructeur au Lion actuellement quelque peu affamé. Allez, vous êtes bien sympa, je vous raconte l’histoire.
Ca se passe quelque part en Région Parisienne, peut-être même au siège du groupe, à une époque où le troisième millénaire était dans sa première décennie

Lui (l’ingénieur) : chef, chef, j’ai une idée.
L’autre (le Big Boss) : euh ? 
Lui : Et si on faisait un véhicule hybride ? 
L’autre : Mais, mon petit, t’es bien gentil mais on en a déjà un. Nous sommes même les premiers au monde à sortir un hybride diesel-électrique. 
Lui : oui, oui chef, je sais, je sais ! Mais c’est pas ça. Si on faisait un hybride… à air comprimé ! 

Pour la suite, de l’échange, je pense qu’il vaut mieux refermer les portes derrière l’abime de perplexité qui, soudainement, a dû saisir l’auditoire mais toujours est-il que le petit ingénieur est reparti avec un ok en poche.

Et c’est bien pour cela que j’adore ce projet. Je l’adore d’abord pour la magnifique prise de risque industriel liée à ce que les anglo-saxons appellent une « disruptive innovation » ou plus simplement une « innovation de rupture » dans la langue de Voltaire. Pour une direction générale, c’était vraiment gonflé de donner un feu vert pour partir à contre courant des technologies dominantes.

Ensuite je l’adore pour le côté totalement « désobéissant » de cette idée. Car comment imaginer une telle solution si on n’a pas une vision un peu décalée, voire totalement déviante des choses ? C’est oublier un peu vite que la force du bon ingénieur, c’est de savoir mobiliser tout son savoir de physicien pour trouver plusieurs réponses à la même question. Ainsi, réduire la consommation des véhicules en ville, c’est avant tout récupérer l’énergie au moment des freinages et la restituer au redémarrage. L’hybride électrique est « facile » à piloter, et on en connait son succès actuel. Mais il a 3 défauts. Les batteries sont chères, lourdes et pas si évidentes à recycler. Pire. Contrairement à ce que pourrait vous faire croire les jolis schémas sur les écrans tactiles des véhicules, on récupère relativement peu d’énergie. Car les lois de l’électrochimie qui régissent nos batteries font que nos petits électrons vont se stocker au chaud à un rythme de sénateur, alors qu’avec l’hybride à air, on est dans le monde de la pure mécanique et du pneumatique. Et là, c’est du quasi 100%. Bon, c’est vrai, je l’avoue, ma description réductrice est une vision idylique proche de la pub lobbyiste, car les défis techniques à relever ont été titanesques.

Et c’est la troisième raison pour laquelle je voue une adoration sans borne à ce projet. Plutôt que de rentrer dans de très lourdes procédures de conception, le projet a été mené en mode start-up. Jugez plutôt : mise en place de 100 personnes quasi cooptées, réunissant toutes les compétences nécessaires, isolées du reste de l’entreprise pour se focaliser sur l’objectif ultime et soumises à un blackout digne des sous-marins nucléaires. Voilà ce qu’a été pendant 2 ans, la vie de ces James Bond geo-trouvetout de l’innovation. A regarder les quelques vidéos qui tournent sur YouTube, on se rend compte de l’excitation de l’aventure et de l’énergie fabuleuse et communicative que peut générer la mise en commun de l’intelligence collective.

And the winner is : un petit écolo-véhicule pas plus cher qu’un classique qui pourrait être produit dès 2016.

 Le plus incroyable dans tout cela, c’est que toutes les technologies existaient. Le génie était de les assembler au mieux. Car sur le principe, cette hybride air n’est rien de plus qu’un lego pour adulte avec un classique moteur thermique associé à un moteur pneumatique dont le réservoir fonctionne comme une gigantesque seringue qui se remplit au freinage et se vide au redémarrage. Tout simplement génial. Voilà pourquoi je voue une adoration sans faille à cette aventure de la seringue.

Espérons qu’elle redonnera à manger au lion !


mardi 1 octobre 2013

... CHAMPIONS DU MONDE !



Les américains sont les maitres incontestés du marketing. Ils en ont encore apporté la preuve éclatante, il y a quelques jours, en nous faisant passer pour des poires … en attendant la pomme. Car, qui a-t-il de plus planétaire que l’avènement d’un nouvel enfant de Monsieur Apple ? Tout avait été savamment orchestré. D’abord les « fuites » : une unique photo sur un site internet chinois qui montrait, avant l’heure, LE nouveau modèle. L’évènement s’annonçait exceptionnel, voire mondial : de source sûre, la marque californienne allait se lancer dans le low cost, et le bébé avait même un nom : i-phone 5C. Immédiatement, les meilleurs « spécialistes » internationaux du secteur se mirent à disserter sur « pourquoi et comment Apple allait faire cohabiter sa marque haut de gamme avec un i-phone du pauvre».

Le grand jour arriva pour un show qui n’avait rien à envier aux Oscars. Après une série de Keynote, le Power Point des Macophiles, le prix tomba : 550 dollars et même 650 si vous envisagiez la mémoire amphétaminée. Voilà bien une nouvelle stratégie de low cost à faire pâlir de jalousie RyanAir et autre hard discounter !

Apple venait d’inventer le low cost cher !

… A moins que la réalité soit bien plus banale. Le « C » de i-phone 5C, ne voulait peut-être pas dire « cheap » (pas cher) mais « color ». Apple avait réussi la prouesse de faire passer une simple coloration de son chouchou téléphonique, du statut de non-évènement absolu à celui de phénomène médiatique mondialisé ! Je vous l’ai dit, ce sont des champions ! C’était toutefois oublier un peu vite qu’au-delà des journalistes convertis, il y avait le marché. Et la réponse de la toile ne s’est pas faite attendre. Les geeks du monde entier ont réagi au quart de tour, n’aimant surement pas que le C du 5C les fasse passer pour des C… (en 4 ou 9 lettres). Nokia qui venait de colorer ses propres téléphones Lumia, se fendit d’un tweet à l’humour tout anglo-saxon : « merci Apple … l’imitation est la meilleure forme de flatterie ». D’autres se sont demandés si Apple n’était pas devenu une filiale des bonbons Haribo, de M&M ou des United Colors of Benetton. Etonnement, il semble aujourd’hui que les ventes ne soient pas tout à fait au niveau des espérances. Bizarre, non ?

Mais, chroniqueur retord, où nous amènes-tu ? Aurions-nous raté quelque chose ?

La réponse est évidemment oui, car pendant que le bruit de la pomme craquante assourdissait les ondes, on passait totalement à côté d’un admirable petit rapport de 45 pages, sorti dans la torpeur estivale sous le titre « panorama de l’électricité utilisée par l’écosystème numérique ». Bon, je vous l’accorde, le titre n’est pas très sexy, mais ceux qui ne jurent que par les tablettes, les réseaux et autres serveurs devraient jeter un coup d’œil à ce qui pourrait s’apparenter à un Canard Enchainé de l’informatique. Car l’information croustillante, ultra documentée, est explosive.

Pour faire court : tout un chacun fait aujourd’hui attention aux consommations de son électroménager, de son éclairage ou de sa voiture. On va plutôt choisir un frigo AAA+, une ampoule à LED ou une auto à 4l au 100 km. Mais nous nous trompons peut être de cible. Les TIC (technologies de l’information et de la communication), tous nos petits gadgets électroniques sont des ogres bien plus redoutables, dévoreurs insatiables de la fée électricité. Vous pensiez être écolo avec vos vidéoconférences, vous vous découvrez infâme pollueur.

Derrière ce message, une vraie révolution dont nous n’imaginons pas toutes les conséquences : le trafic HORAIRE actuel des données circulant sur Internet est quasi équivalent au trafic ANNUEL de l’an 2000 ! Et pour cela, il faut de l’énergie. Beaucoup d’énergie. Le monde virtuel, pour exister, consomme dans le monde réel 1500 Tera-watt heure par an soit l’équivalent de toute l’électricité consommée par l’Allemagne et le Japon réunis ! Dit autrement, faire voyager les octets dans les réseaux représente 50% de plus que tout le kérosène consommé par l’ensemble de la flotte aérienne mondiale. Un Smartphone intensivement utilisé (genre ado boutonneux) consomme plus qu’un réfrigérateur. Le hic, c’est que l’on ne s’en rend pas facilement compte, car cette énergie est diluée chez nous mais aussi sur les réseaux et les serveurs répartis sur toute la planète.

Oui mais là, je sais ce que tu vas me dire, amical lecteur: " Tout cela, c’est du domaine du professionnel, pas du particulier". Et là, tel un joueur de base-ball, je te renvoie le coup qui tue : l’énergie consommée pour regarder un film en streaming est supérieure à celle nécessaire à fabriquer et à transporter le DVD équivalent. Pire, nos opérateurs Internet qui nous proposent de stocker nos données dans le « Cloud », oublient de nous dire que cela consomme globalement jusqu’à 10 fois plus que la même donnée stockée sur le disque dur de notre vulgaire ordinateur.

Ca assomme, hein ?

Bon, je vous l’accorde, tous les chiffres sont contestables, les calculs peuvent être pervertis mais il y au moins une chose à retenir, c’est que la prochaine grande bataille de l’énergie va aussi se jouer dans le réel-virtuel. Les bataillons de serveurs informatiques, ces fameuses « fermes de calcul » qui nous abreuvent en données, devront être autre chose que d’immenses radiateurs électriques refroidis par des climatiseurs tout aussi vastes. Nos petites bébêtes téléphoniques devront aussi retrouver le droit chemin de l’économie énergivore. Allez raconter à vos gamins que nos bons vieux portables des années 2000 tenaient allègrement la semaine sans recharge et ils vous regarderont avec des yeux ronds, se demandant si vous vous moquez d’eux !

Ah oui, une dernière chose, ce rapport, que je vous conseille urgemment de télécharger, a pour titre original : « the cloud begins with coal », que vous ne devrez pas traduire malicieusement par « les nuages se forment dans la fumée du charbon » mais bien par « le Cloud commence avec le charbon ». Car si cette étude a pu exister, c’est grâce à ses sponsors, l’association nationale des mines et la coalition américaine pour une électricité propre à base de charbon.

Je vous l’ai déjà dit, en communication, les américains sont champions du monde !

On skype ?

lundi 2 septembre 2013

Le Kamasutra favorise l’innovation !




C’est fou la puissance du marketing. Regarde ami lecteur - car tu es bien en train de lire ces lignes, hein ? -, j’aurais simplement écrit en titre « une chronique de l’innovation » et mon audience aurait chuté de 90% avant même de commencer. Mais, en rajoutant pernicieusement le mot Kamasutra, je capte quelques uns de tes neurones, je suscite une micro poussée d’adrénaline, j’exacerbe ton sur-moi Freudien. Bref, même si tu t’en veux déjà d’être tombé dans le piège, nous avons entamé, tous les deux, une aventure épistolaire depuis déjà une bonne centaine de mots. Pire, tu seras totalement enserré dans le filet de ta curiosité, lorsque tu comprendras que j’ai rencontré le Grand Schtroumpf.

Bon là, je sais, tu te dis - car je te connais trop bien - , « il en fait trop, il nous refait le coup du coup de soleil qui lui a tapé sur la tête ou des effets imprévus du petit rouge dégotté au fin fond d’une de nos belles campagnes, lors d’une chaude journée estivale ». Mais non, j’ai réellement rencontré le Grand Schtroumpf. Enfin, presque ! Certes, il n’était pas bleu et ne portait pas le célèbre bonnet retroussé, il était un peu plus grand mais il avait la barbe, la démarche, la sagesse et surtout la malice de son célèbre modèle.

En fait, j’ai eu la chance d’écouter l’inventeur de la Swatch.

- Toi : « Mais Hayek est passé de vie à trépas ! »
- Moi : « oui, mais pas lui, l’autre ».

Facile, là, je frime un peu car je suis le premier à être tombé dans le panneau. Un « physicien financier » comme Hayek, fut-il le plus brillant du monde, ne se transformera pas facilement en ingénieur horloger. Une montre, au risque de briser quelques rêves, c’est d’abord des rouages, tourbillon et autre balancier… avant d’être l’objet de nos désirs les plus fous.

Notre grand Schtroumpf a donc un nom Elmar Mock, et sa principale caractéristique est d’être toujours aussi impertinent et révolté qu’un ado… à un âge certain où l’expérience a normalement déjà usiné pas mal de convictions et d’idéaux. Les propos en sont d’autant plus percutants, que le « bonhomme » a abandonné la sécurité du groupe horloger pour vivre l’aventure de l’entrepreneur depuis une paire de décennies. Mieux, il fait vivre ses équipes en vendant des idées avec une belle tripotée de brevets.

L’histoire de la Swatch avant la Swatch est, en ce sens, édifiante : révolte de deux jeunes « désobéissants » (Mock et Müller) qui « s’ennuyaient » dans la routine (ben oui, les générations Y existent à chaque génération) et d’un patron assez visionnaire (Ernst Thonke), qui, contre l’avis de l’institution, leur a fait confiance. La période était sinistre, l’horlogerie suisse étant balayée par les montres low cost arrivant du Japon. Pourtant l’idée d’une montre qui ne se répare pas restait inconcevable dans un monde où la breloque devait durer une vie avec des passages réguliers chez l’horloger du coin. Cette montre là, même si elle réduisait drastiquement les coûts ne pouvait normalement pas voir le jour. En cassant les standards, en déraillant volontairement quand le système les poussait sur des rails bien rectilignes, les jeunots d’ETA SA – manufacture horlogère allaient déclencher une révolution. La vie technique fut loin du long fleuve tranquille entre les délais à rallonges, les protos qui ne démarraient pas et ceux dont les aiguilles tournaient à l’envers… et pourtant, ils réussirent (c’est fou l’énergie des minots quand on leur fait confiance !).


Mais voilà, que faire avec cet ovni horloger qui ne rentrait dans aucun catalogue ? Un outil de promotion que l’on offre gratos ? Un machin que l’on distribue comme les stylos Bic ou les piles Duracell ? Une montre parmi d’autres ? Dur, dur d’inventer le marché qui n’existe pas encore. Après des échecs cuisants que l’on a oubliés aujourd’hui, le coup de génie, venu de l’extérieur de la société, fut de transformer la Swatch en produit de mode dont on change comme de chemise. Le savoir-faire de l’ingénieur, du marketeur puis du distributeur qui voulut 2 collections de 12 modèles par an, finirent de transformer l’essai : les 10 000 ventes programmées se transformèrent en 100 000 réelles avant de connaitre le succès mondial d’aujourd’hui.

De cette expérience, notre SwatchSchtroumpf tire plusieurs enseignements qui s’appliquent à nous tous, que l’on soit industriel, banquier, restaurateur, boulanger ou maçon. Et au passage, il distribue quelques baffes.

Une claque à la frilosité. Les grands succès de demain, réellement innovants, ont à la base un germe révolutionnaire remettant fondamentalement en cause les « évidences » d’aujourd’hui.

Une claque à ceux qui parlent sans savoir. Pire qu’un abus de langage, c’est un péché mortel de mélanger « l’innovation » et « la rénovation ». La première invente. La seconde optimise, réduit les coûts, améliore. Elle est essentielle mais, si on s’en contente, elle aboutit à une impasse. Pour l’avoir oublié, certains acteurs de la téléphonie mobile sont aujourd’hui proches du cimetière !

Claque enfin au pilotage d’entreprise purement financier. Bien manager l’innovation c’est aussi savoir faire cohabiter trois types d’individus aussi dissemblables que les trois états de la matière gaz- liquide-solide.

Les gazeux, explorateurs créatifs ne peuvent pas vivre, par nature, dans un monde de processus et de procédures. Ils s’épanouissent en sortant du cadre. Ils adorent la liberté, l’utopie, le chaos. Ils excellent dans la pression du dernier moment ! Vue de l’extérieur, c’est du grand n’importe quoi. A l’inverse, les solides, hommes de production, sont logiques, structurés, efficaces. Ils prévoient, quantifient, calibrent. Leur quotidien est fait de qualité et de performance. C’est le monde des « cristaux » parfaitement ordonnés. Et comme dans la nature où la vapeur et la glace ont du mal à cohabiter, les « créateux » et « producteux » ne se comprennent pas facilement. D’où l’indispensable interface liquide, les développeurs, suffisamment perméables pour digérer les gaz et souples pour glisser sur les cristaux : de drôles d’individus capables de transposer l’idée « artistique » en produit « rentable ».

Vous l’avez compris, Mock n’est pas qu’un grand Schtroumpf, c’est un véritable alchimiste de l’innovation.

- Hola, hola ! Tu es bien sympa sous ton gentil air de chroniqueur moralisateur, mais tu es un fieffé menteur. Point de Kamasutra dans tout ça ! Aurais-tu changé de position ?
- Mais non ami lecteur, j’ai gardé le meilleur pour la fin. Toujours d’après Mock, lorsqu’on a conçu un bébé, on préfère souvent raconter l’histoire de Cendrillon que les « techniques » employées au fin fond d’une chambre ! Il en est de même en innovation. Le marketing va construire un bel écrin pour le produit avec un « storytelling » adapté. Mais, derrière cette belle façade, il ne faut jamais oublier la transpiration, l’énergie, les échecs, les joies et les peines des créatifs, des développeurs, des exploitants qui ont unis leurs efforts. Mais cela ne se raconte pas !

mercredi 1 mai 2013

Maître Yoda et les 7 pêchés capitaux !



C’est quand même insupportable ! Comment admettre qu’un hiver aussi prétentieux déborde avec autant d’indélicatesse sur un printemps fort gringalet ? C’est ce que je me disais en ce premier mai de l’an de grâce 2013, alors que mes skis de fond glissaient sur un sol qui aurait dû être herbeux depuis fort longtemps. Ici point de gentiane bleue ou de crocus multicolore. Le seul maitre sur ce plateau des cimes était le blanc floconneux. Remarquez, cela n’était pas pour déplaire à ma physiologie néenderthalo-esquimau : dessiner deux lignes parallèles dans un froid glacial sur un manteau, vierge de toute trace, a un petit « je-ne-sais-quoi » d’explorateur de pacotille fort plaisant.

Donc, ce jour de fête du travail, j’avais décidé d’abandonner pour quelques heures un cerveau fatigué pour mobiliser mes forces dans une synchronisation encore imparfaite des jambes, des épaules et du souffle.

Pas d’âme qui vive aussi loin que porte la vue, une mer de nuages, là, en bas et un plafond de gris, là, au-dessus, une petite bise tonifiante : voilà bien tous les ingrédients pour réussir une glisse alerte. Lorsque, soudain, j’entendis une tonitruante voix « holà ! Toi ». Je me retourne, je regarde à droite, à gauche. Personne. Et à nouveau « Oui, toi ! C’est bien à toi que je parle ! »

N’ayant pas une mission divine Jeanne d’Arc-esse prévue dans les jours suivants, je commençais, un peu, à m’affoler. « Bon, toi, ça suffit. Arrête de flipper. Tu as voulu être seul, alors tu vas m’écouter ! Tes chroniques, c’est bien sympa, mais il faudrait que, de temps en temps, tu leur distilles à tes lecteurs un peu de contenu utile. Alors tu vas me faire un sujet qui tienne la route, et vite ! »

Moi bizarrement, je me suis mis à répondre à ces paroles venue d’ailleurs :

- Mais pas aujourd’hui, c’est la fête du travail !
- Tsssseu,tsssseu, tsssseu ! Tu ne m’auras pas avec ça ! Allez, je t’aide. Le thème imposé sera « les 7 péchés capitaux».

Panique à bord, qu’allais-je bien pouvoir écrire sur l'Orgueil, l'Avarice, l'Envie, la Colère, la Luxure ou La Paresse ? J’ai bien une certaine expertise pour le septième, la Gourmandise, mais de là à en faire une chronique technologique, il y a un pas difficile à franchir, fût-il même à faire en skating !

C’est là que le cerveau reprend le dessus et commence à nouveau à analyser la situation. Là, mon coco, tu as des hallucinations. T’as trop forcé, tu manques de sucre et patatras, tu délires. Par contre, tu dois te rappeler que l’on est en mai et qu’avec tous ces ponts, ta chronique, tu as intérêt à faire « fissa » ! Et un sujet sur les péchés capitaux, ce n’est pas si nul que ça ! Tu as bien des choses à dire sans te prendre pour Moïse avec ses 10 commandements. Si tu nous faisais un truc sur les 7 péchés capitaux de l’innovateur, on rigolerait bien et en même temps tu sauverais quelques âmes de l’enfer. Allez, lance-toi !

Pêché de frugalité :
ça c’est une belle catastrophe. C’est l’histoire d’un mec, comme disait Coluche, qui fait son tour de table financier, juste pour développer le prototype et qui oublie, qu’ensuite, il y a beaucoup mais alors beaucoup d’argent à dépenser pour industrialiser et commercialiser.

Pêché de « I am the king of the Word »:
c’est l’impayable innovation génialissime que parait-il le monde entier nous envie et que «retenez-moi avec quelques dizaines ou centaines de kilo-euros, car les chinois, les russes, les allemands, les américains (au choix) me la rachète à prix d’or mais… je veux rester en France ». Promis, on garde son sérieux.

Pêché de solitude :
haro à l’innovateur qui reste seul dans son coin et qui n’a pas encore compris que son voisin est peut-être très utile, ou, a minima, de super bon conseil. Vive les réseaux.

Pêché de ne « pas voir plus loin que le bout de son nez » :
combien n’ai-je vu de projets finalisés, franchement géniaux, qui n’avaient qu’un minuscule défaut : celui d’être totalement incompatible avec les normes techniques en vigueur ?

Pêché du syndrome du sida:
malheur à l’innovateur qui ne peut s’empêcher de raconter haut et fort, et bien trop tôt, ce qu’il a développé. Ici aussi, il faut savoir se protéger… sans miser obligatoirement sur le brevet : il y a bien des méthodes de « contraception » pour éviter que l’on vous fasse un bébé dans le dos.

Pêché de « personne ne m’aime » :
la meilleure innovation ne trouve pas obligatoirement son marché car ce dernier est parfois versatile. Pas la peine d’envisager le pire : même les meilleurs ont connu des échecs retentissants… pour mieux rebondir ensuite.

Pêché d’orgueil :
ben oui, ça arrive aussi de réussir et d’avoir soudain des taux de croissance à deux chiffres. Vous avez trouvé la poule aux œufs d’or ? Ne laissez pas le temps à vos chevilles d’enfler ! Il faut vite recommencer à innover car vos concurrents ne vont pas vous laisser longtemps tout seul.

Le voilà, je le tenais mon thème de chronique. Ce n’était pas la peine que je me fasse tout un cinéma avec des voix venues de l’au-delà. Juste un petit coup de fatigue et …

- Holà, toi ! N’oublie pas : « toujours en mouvement est l’avenir »
- Quoi ? Maitre Yoda ? C’est toi ?
- Et qui veux-tu que ce soit d’autre ? J’ai bien vu que tu peinais pour cette chronique. Alors un petit coup de pouce pour nos 30 ans de rencontre, ce n’était pas trop compliqué. Que la force soit avec toi !
Sur la neige printanière, une silhouette, soudain, accéléra.

lundi 1 avril 2013

Le cuir de reblochon révolutionne la maroquinerie de luxe

Primavrilium : retenez le nom de ce champignon microscopique qui pourrait faire la fortune des villages des Aravis. En le cristallisant, un chercheur a réussi à fabriquer du cuir de qualité haute couture à partir de croute de reblochon.


Quoiqu’il arrive, le Lundi de Pâques 2013 restera une date historique pour la petite ville de Thônes en Haute-Savoie. Jugez plutôt : un avion spécial affrété depuis Paris, les grands noms de la haute couture qui se retrouvent en début d’après-midi sur la place de l’Eglise pour un défilé de mode hors du commun, des vêtements laissés sous bonne garde dans les coffres d’une des agences bancaires de la petite ville des Aravis. Tous ces évènements ont un point commun : la découverte majeure que vient de réussir Paul Fisherman, ancien élève de l’école d’ingénieurs d’Annecy et qui travaille aujourd’hui à la cave coopérative de Thônes. Il a modifié la structure moléculaire de la croute de reblochon pour en faire du cuir de qualité « pleine peau ».

L’histoire est belle, car elle montre que l’innovation peut prendre des chemins parfois improbables. « J’ai une double formation d’ingénieur et de biologiste » rappelle Paul Fisherman qui nous reçoit dans son petit bureau à Thônes, « et j’ai toujours été un passionné du fromage. Alors, pour mon stage de fin d’études, j’ai immédiatement tenté ma chance à la cave coopérative de Thônes où un sujet était proposé concernant la croissance de la croute de reblochon. C’était une recherche difficile car elle met en œuvre des connaissances laitières mais aussi de génie des procédés. Or, j’avais acquis les deux lors de mon cursus universitaire ».

Il a fallu d’abord comprendre mais surtout modéliser les mécanismes de formation puis de croissance de la croute. « Aussi étonnant que cela paraisse, c’était une connaissance traditionnelle des maitres fromagers mais aucune étude scientifique n’avait été menée dans les dernières années. J’ai alors travaillé avec un laboratoire d’analyse sur ce que nous appelons dans notre jargon une HPLC-MS : en gros, un détecteur qui permet de reconstituer la carte d’identité des molécules présentes dans un fromage. Et c’est là que j’ai eu le choc de ma vie », s’enthousiasme le jeune Paul en nous montrant un diagramme fait de centaines de lignes noires dont 3, plus petites, ayant plus ou moins la forme d’un hameçon. « Là, vous voyez, c’est la signature caractéristique du primavrilium ». A notre tête incrédule, le chercheur nous explique que le primavrilium est un champignon microscopique dont la forme cristallisée, la primavrilitte, constitue la trame de la peau de bovin. C’est, nous dit-il, une structure en forme de filet assurant la souplesse du cuir dans toutes les directions. Ce qui est étonnant, c’est d’avoir retrouvé le primavrilium dans le reblochon car c’est, à priori, le seul fromage français ayant cette caractéristique. Le travail de Paul Fisherman a alors consisté à cristalliser in situ la molécule pour que la croute de reblochon se transforme en cuir. « Ce fut un travail ingrat qui a pris près de deux années … sans sortie au ski à la Clusaz ou au Grand-Bornand ! » 




Mais la persévérance a payé ! Dans son laboratoire, Paul nous montre fièrement le récipient historique de forme rectangulaire dans lequel il verse 1 cm de lait des Aravis. « C’est la hauteur optimale pour obtenir rapidement le cuir de reblochon si on maitrise le balancement lent créant de mini vagues à la surface ». Le chercheur ajoute quelques gouttes d’un liquide jaune paille dont la composition est brevetée et le miracle s’accomplit. En quelques minutes, on voit littéralement pousser le « cuir ». En condition industrielle, on obtient une surface de 2mètres carrés en moins d’une heure et le record actuel est de 14 mètres carrés sous la forme d’un rectangle de cuir de 7mètres sur 2. Le plus étonnant est le toucher très doux de ce cuir de reblochon, qui ressemble à s’y méprendre à du cuir naturel.

Pourtant, avant d’arriver à ce résultat, de nombreux obstacles ont dû être levés et notamment celui de l’odeur. « Nos premiers prototypes sentaient le fromage. Nous avons alors travaillé avec le centre d’innovation de Haute-Savoie, Thésame, et le pôle technique de tannerie des cuirs et écailles près de Brest. Ce dernier avait déjà développé un masque d’odeur pour le poisson, que nous avons adapté pour notre cuir de reblochon. Aujourd’hui, le produit quasi parfait est en phase de production ».

Le cuir de reblochon est d’une telle qualité que de grands couturiers s’en sont emparés pour leur future collection d’hiver. L’un des plus célèbres nous a d’ailleurs avoué en off qu’il n’avait jamais rien vu de pareil: « sur une très belle pièce de bovin, on a une texture parfaite sur moins d’un mètre carré. Ici, nous pouvons demander la surface que nous voulons ! »

Le défilé sur la place de l’église à Thônes, le lundi de Pâques, est la preuve de l’enthousiasme des créateurs parisiens pour ce produit hors norme. C’est une innovation majeure qui pourrait d’ailleurs totalement bouleverser le marché de la maroquinerie et renforcer la santé financière des producteurs de lait dans les Aravis. En attendant, Paul Fisherman peut couler des jours heureux, malgré son jeune âge. Le brevet lui aurait déjà rapporté plusieurs dizaines de millions d’euros et le carnet de commande est plein pour 18 mois.

Quand à l’usine de production, son lieu est tenu secret même s’il se murmure dans les rues de Thônes, que l’ACR (Atelier des Cuirs de Reblochon) aurait été creusé l’été dernier entre la pisciculture de Montremont et la piscine municipale. Mais nous n’en serons pas plus et nous devrons nous contenter d’admirer ces peaux superbes dont on a de la peine à imaginer leur origine fromagère.

vendredi 1 mars 2013

Salon de l’agriculture et «businèsses yunites»


Il a des grands yeux de myope,
Une bouche minuscule d’où ne sort plus le moindre son,
Des doigts très mobiles,
Deux pouces hypertrophiés.


Vous l’avez découvert : c’est l’adorable lémurien vu dans un documentaire animalier sur Arte à 2h53 lors d’une nuit d’insomnie ! Il n’en est rien : c’est la description la plus probable de la future mutation génétique de l’homo Interneticus.

Je me suis souvent ébahi dans cette chronique devant les possibilités infinies du web. Je me suis tout autant révolté des méfaits d’une technologie qui, en nous ouvrant au Monde, nous coupe du monde.

Rivé sur son écran de Smartphone, l’homo Interneticus s’enferme dans une cage dont les barreaux invisibles se nomment mails, Tweet et autre Face de bouc. Les doigts glissent, pratiquant une danse de saint Guy sur la surface lisse de petites boites lumineuses qui ne sont que d’infâmes trous noirs, dévoreurs de notre temps quotidien. Qui n’a pas la crainte de rouvrir son webmail professionnel le lundi matin ou pire après quelques jours de vacances ? La douloureuse est là, sous la forme d’une liste infinie de messages. Il y a ceux que l’on dégage vite fait. Et puis, il y a les autres, tous les autres. Ceux que l’on va devoir éplucher patiemment puis rageusement au fur et à mesure que l’on découvre que cette corvée quotidienne se compose de 90% de bruit de fond. Alors, pour ne pas sortir épuisé au petit matin de cette épreuve quotidienne, nous la faisons progressivement glisser vers les soirées de la semaine, et comme cela ne suffit pas, nous empiètons aussi sur les week-ends. La boucle est bouclée. Le web a avalé tout cru notre temps personnel.

Bon nombre d’entreprises sont conscientes de l’étouffement et de l’inefficacité que génère le déluge infini des messages électroniques : anti spam de plus en plus sophistiqué ou, plus radicalement, changement d’adresse mail traitent le problème pour un temps, hélas, de plus en plus court.

Le mail ne jouant plus son rôle d’information/décision, bon nombre d’acteurs de terrain se sont volontairement constitués des réseaux sociaux professionnels ou de spécialistes. Le mot « volontaire » est ici essentiel car le bon réseau social sur Internet est autant celui que l’on choisit que celui où on est sélectionné. Ces micro-clubs sur la toile sont d’une richesse infinie et permettent souvent de trouver des solutions à des problèmes complexes ou, plus simplement, de se rassurer face à des situations inintelligibles. Bref, de vrais oasis de tranquillité, librement choisies.

C’est dans ce contexte que des esprits «éclairés» en organisation se proposent d’envahir ces lieux pour en faire de grands réseaux sociaux d’entreprise (RSE) favorisant le « dialogue et les échanges » (sic). Ici, point de choix mais une décision « top-down » chargée « d’améliorer » l’efficacité. Bon là, j’ouvre une parenthèse historique. Avant, il y a longtemps, les entreprises étaient organisées par grandes fonctions : la production, la compta, le commercial, à la rigueur la recherche ou le marketing. Puis il y a eu la tendance du tout « focalisé sur le client » avec les B.U. totalement intégrées (les Buzinèsses younites pour les pas anglophones). L’entreprise pilote toutes ses forces vers ses marchés, géographiques ou thématiques. Chacune des organisations a ses avantages et ses défauts. C’est alors qu’ont été mises en place les organisations matricielles où les fonctions croisent plusieurs BU. Sur le papier, c’est génial. Dans la pratique ce n’est pas toujours facile à vivre si toutes les procédures ne sont pas bien décrites et, même dans ce cas, l’agilité n’est pas toujours au rendez-vous lorsque tout un chacun doit jongler entre un chef opérationnel et plusieurs chefs fonctionnels.

Et c’est là qu’entre en scène le nouveau diagnostic des gourous qui avaient déjà théorisé les fonctions, les B.U., le matriciel. La sentence est sans appel : l’entreprise fonctionne trop en silos. Sous entendu, les BU marchent bien mais elles causent peu entre elles.

Bon là, je me dois d’ouvrir une seconde parenthèse, cette fois agricole, pour ceux qui n’ont connu l’environnement bovin que par un bel après-midi porte de Versailles. Le silo, n’est pas un élément particulièrement dynamique. C’est un excellent élément de stockage qui ne fait que restituer en bas ce qu’il a reçu par le haut. Pire, les gourous devrait savoir que créer des liaisons entre silos doit être fait avec précaution car cela peut créer des vides dans la matière stockée, générateurs potentiels d’explosions. En modeste ingénieur des montagnes, j’aurais plutôt choisi l’image hydraulique de la « conduite forcée » : au moins, ça turbine ! Mais voilà, je ne suis pas gourou. Et c’est bien connu, pour montrer l’efficacité d’une mission de gourou, il vaut mieux noircir le trait.

Donc admettons. L’entreprise fonctionne en silos et donc « what else ? ». Il y a quoi de mieux que le matriciel ? Et c’est là que sort, l’innovation technologique majeure : « le réseau social d’entreprise » (RSE) généralisé et informatisé. Bien vendu, cela peut sembler vraiment sexy. Chacun échangerait sur une « plateforme mutualisée », donnerait ses contacts, ses bonnes pratiques, ses recettes opérationnelles. Tel un miracle, le RSE, admirable lubrifiant digital, coulerait soudain dans les rouages de l’entreprise. Une véritable révolution, sauf que l’on oublie deux paramètres essentiels : le Temps et l’Envie. Les arobases (@) et autres hashtags (#) ne feront rien au manque de minutes et de secondes qui rythme notre quotidien professionnel. Déléguer une solution de communication aussi stratégique aux technologies de l’information fussent-elles hyper modernes, n’est-ce pas déraisonnable ?

Je ne parle pas ici des réseaux sociaux d’entreprises remplaçants modernes de la version papier des journaux du même nom et qui ont une véritable efficacité dans la cohésion et la compréhension de la vie de la société. Ils s’apparentent d’ailleurs plus à des blogs géants fournissant une information rapide à agrémenter de commentaires. Non, je parle des réseaux créés ex-nihilo, pour « résoudre » par la technologie un problème donc les fondamentaux profonds sont plus stratégiques ou liés aux processus. Je ne voudrais pas casser à tout pris ces RSE, tant il est vrai que l’optimisation des organisations d’entreprises relève d’un subtile doigté. Ce qui marchera ici, sera une catastrophe là. Mais on devrait plus souvent se rappeler que l’Homme est avant tout un « animal » social et convivial, doté de la parole.

Un coup de téléphone résout souvent bien mieux un problème que 10 mails. La machine à café, loin d’être une perte de temps est un lieu d’échange informel. Les nouvelles micro-réunions debout pour communiquer vite et bien ne sont plus réservées aux start-up informatiques agiles. Et puis, si l’entreprise est trop grande, trop grosse, trop dispersée, il vaut peut-être mieux recréer régulièrement l’esprit des « places du village » pour « parler de tout et de rien ». C’est, à n’en pas douter, bien plus « has been » qu’un Réseau Social d’Entreprise sur la Toile, mais c’est fichtrement efficace.

Demandez au paysan du coin !

vendredi 1 février 2013

Le robot ménager n’a jamais existé... enfin presque


Aïe ! Avec un titre comme ça, je vais encore me faire dézinguer par nos belles Pénélopes. J’entends déjà les cris féroces : Encore un discours de macho ! On voit bien que c’est un mec ! Pfeu, Il n’est jamais rentré dans une cuisine ! Tous les mêmes : ils parlent d’égalité et on voit vite ce que ça donne dans la pratique.

Bon, c’est sûr, je l’ai un peu cherché. Mais, après tout, toi, lecteur attentif et fidèle à cette chronique, tu sais bien que mes titres sont pervers et amènent souvent sur de faux chemins de traverse. Car, en vérité, l’idée de ces quelques lignes est venue d’un article rafraichissant publié par le New Yorker, une revue très culturo-humristico-BoBo. Sous la plume experte de Gary Marcus, professeur hautement patenté à l’Université de New York, on apprend pourquoi il est si dur de fabriquer des robots grand public ! La réflexion est lumineuse et mérite d’être contée, histoire de vous permettre, une nouvelle fois, de briller lors du prochain repas familial devant vos ados ébahis qui vous kifferont grave (bon là, j’exagère un peu mais que ne ferais-je pas pour vous amener au bout de la chronique ?).

La robotique a le vent en poupe, genre Vendée Globe Challenge, force 9. C’est un sujet hyper médiatique. Le Big Boss Obama en a fait un cheval de bataille de la réindustrialisation de l’Amérique. Le grand public, de son côté, rêve du jour où les R2D2 deviendront réalité. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder la foule de journalistes internationaux qui se presse tous les ans au salon InnoRobo à Lyon (19 au 21 mars 2013) et qui rappelle que « là, mon coco, c’est du lourd. Tu me fais l’ouverture du treize heures, du vingt heures et des flashs infos. On est dans le siècle du numérique, oui ou non ? Alors tu vas me la remuer vite fait bien fait, la ménagère de 50 ans ». Car, lorsque vous parlez industrie (sauf en cas de fermeture de site), économie (sauf en cas de crash boursier), innovation (sauf en cas de sortie du dernier iPhone), vous arriverez difficilement à mobiliser au-delà de la presse spécialisée. Mais le robot et pas uniquement humanoïde fait fantasmer les foules. Quoi ? Des robots à chenilles vont parcourir les couloirs de Fukushima ? Génial ! La Nasa teste un « humain » de métal et de silicium pour aider les astronautes. Génial ! Un robot a réussi à courir plus vite qu’un sprinter ? Génial ! Un autre danse remarquablement le Gnagnan style ? Génial !

On en finirait presque par croire que la créature qu’Asimov avait inventé pour son immense saga de science fiction était arrivée enfin à l’âge adulte après des décennies en laboratoire. C’est pourtant aller un peu vite en besogne. Car notre gentil robot, contrairement à notre ordinateur, doit cohabiter avec les mondes de l’information (l’intelligence) et de la physique (le mouvement). C’est ce qu’explique joliment le fondateur de Rethink Robotics : « Si vous voulez utiliser un tas de sable bleu pour représenter un 0, et un tas de sable rouge pour représenter un 1, vous pouvez diminuer de moitié chaque tas, vous aurez la même information. Et vous pouvez encore avoir la même information avec un seul grain de sable de chaque tas. C’est pourquoi les ordinateurs sont toujours plus petits. Mais les lois de la physique ne sont pas les mêmes que les lois de l’information. Si vous bougez un bras avec la moitié de la force, vous n’obtenez que la moitié du résultat, ce qui signifie, par exemple, que vous ne pouvez pas miniaturiser un bras de robot et vous attendre à ce qu’il soulève des objets aussi lourds qu’avant». Bref, depuis toujours, les concepteurs buttent sur le même problème : les actionneurs et autres moteurs électriques qui assurent le mouvement restent lourds et dévoreurs d’énergie : pas de souci dans un environnement industriel mais cela devient particulièrement frustrant lorsqu’on recherche l’autonomie. Et c’est ainsi que les créatures les plus remuantes gardent un fil à la patte ou se retrouvent affublées d’un moteur de mobylette. Pire, elles restent très pataudes dès qu’on les met dans notre environnement quotidien, très difficile à comprendre pour un cerveau de puces. Pas très sexy et donc « pas beau » pour le journal de Jean-Pierre Pernaut.

Alors, la partie robotique est perdue d’avance ? Ben non ! Sinon je ne serais pas là ! D’abord, dans le monde de l’informatique les choses avancent très vite. Tous les geek du monde vont pouvoir se donner la main pour développer avec les logiciels robotiques de Willow Garage des stratégies permettant au robot de « comprendre » seul son environnement. Une perspective aussi intéressante pour les robots industriels qui, au lieu de jouer tout seul dans leur cage, deviendront collaboratifs : c’est ce que l’on jargonne en cobotique. Et puis, peut-être que le robot humanoïde, en voulant trop nous imiter, n’est pas la solution réaliste, comme l’explique Bruno Bonnell dans sa Robolution. Le robot de service réussira lorsqu’il se fera oublier tel ce lit qui décide comment nous réveiller en douceur ou ce miroir bardé de capteurs qui nous donne notre état de santé.

Alors oui, le vrai robot ménager n’a encore jamais existé mais, c’est sûr, il fera, à n’en pas douter, la une des journaux, lorsque l’idée de génie « évidente » lui donnera vie!

Rêver l’avenir, Pénélope, c’est fun, non ? Tu ne m’en veux pas, dit?

jeudi 10 janvier 2013

Monsieur MOBALPA, s’il te plait, vient à mon secours



Il y en a marre de l’innovation. Marre, marre, marre !

Arrêtez de vous faire abuser par les « Consumer Electronic Show » de Las Vegas et leurs derniers gadgets video-electronico-MP tro à la mode . L’innovation c’est comme la Force pour Dark Vador : on peut se laisser facilement attirer par son côté obscur ! Et là, franchement, ce n’est vraiment pas reluisant.

L’autre week-end alors que la tempête météorologique laissait l’option entre peller la neige, histoire de remuscler les pectoraux et limacer tranquillement dans un douillet fauteuil pour épaissir la sangle abdominale, je fus soudain pris d’une furieuse envie de ménage. A moi le plumeau et le chiffon. Mais par n’importe quelle poussière. La cible ? L’écran plat grand format qui règne en maître dans le salon … ou plus exactement, l’arrière dudit monstre, dans ce no man’s land que personne ne s’aventure à explorer.

Moi, quand on me disait, « oh toi, tu es un mec branché », j’ai toujours pris cela au figuré. En fait, il me fallait plutôt le prendre au propre. Je m’en suis rendu compte en jetant un œil sur le fatras de câbles qui alimentait ma merveilleuse fenêtre à LED. Plus qu’un fatras, c’était plutôt une sédimentation de type technico-géologique unissant par les liens indéfectibles des câbles le vieux bornier fin 19ème au HDMI d’aujourd’hui en passant par les fiches Jacks des années 40. Car dans ce monde vidéaste dit moderne deux attitudes cohabitent :

- Celle de l’esthète qui n’hésitera pas à faire une saignée dans son mur pour camoufler une simple alimentation et un câble antenne afin de nourrir un écran, qui, tel un trophée muséal sera accroché à flanc de cloison.
- Celle de l’inconditionnel de l’image et du beau son, de celui qui veut qu’un mozartien vibrato ne soit pas qu’un son strident, qu’un boom-boom de Tiesto ne se limite pas à un infâme crachouillis ou qu’un grave « What Else » prononcé sentencieusement par un Georges Clooney s’adresse autant à votre cœur qu’à vos papilles. De celui qui aime qu’un océan bleu soit bleu océan, qu’une peau de citron ressemble à une peau de citron, qu’une « Plus belle la Vie » ou que des « Racines et des ailes » s’intègre vraiment au milieu du salon…

Et c’est là que les choses se gâtent et je le prouve ! (bien évidemment, je ne parle pas ici de la qualité des programmes sus cités).

Donc en ce morfondant dimanche, c’est avec une énergie décuplée que je me lançais dans une méticuleuse opération de débranchage, qui, comme son nom de l’indique pas, n’est pas une activité arboricole mais une aventure technologique. La première phase est évidente et la poussière, en moins de deux, disparut au fond du trou noir béant de l’aspirateur. Ensuite … Et bien ensuite, on compte ! Les alimentations : une pour la télé, une pour le lecteur DVD ou Blue Ray, une pour l’ampli Audio, une pour le décodeur satellite parce que vraiment cette TNT terrestre n’en fait qu’à sa tête les jours de pluie, une pour le vieux magnétoscope, parce que on ne sait jamais, peut-être qu’un jour prochain on voudra regarder la vieille cassette des premiers pas du petit dernier il y a de cela très très très longtemps, une pour le disque dur qui enregistre les programmes numériques, soit, déjà, un total de 6 câbles. Ensuite on attaque les connexions. Pour les enceintes : 2 câbles par voie soit au minimum 4 pour la stéréo ou 12 pour un home cinéma avec voie centrale et caisson de basse. Maintenant le son : le DVD, le magnétoscope, la TV et le satellite à l’ampli, c’est 8 câbles en plus. Les 3 pourvoyeurs d’images vers la télé, c’est encore 3 câbles Péritel ou HDMI. Bon, il me reste quoi encore ? Un câble antenne TV terrestre et un câble venant de la parabole. Et encore, je n’ai pas branché le RJ45 pour connecter directement la télé à Internet, ni les Jacks pour regarder directement les films du caméscope (2 câbles). Soit un total de 34 fils de cuivre.

Je me demande si les vrais actionnaires des géants de l’audio-visuel ne sont pas au bout du compte les Freeport MacMoRan, Codelco et autres producteurs de ce métal quasi précieux.

Quoi ? Que dis-tu ami lecteur ? La console de jeu avec les joysticks c’est 4 câbles à rajouter ?

Et malgré cela, on arrive à vous convaincre de la «révolution du sans fil » ! Hallucinant non ?

C’est du Lego ou du Meccano électrique pour adulte… enfin, uniquement pour les jours où on a l’idée saugrenue de faire le ménage. Très honnêtement, on le fait une fois, pas deux.

Alors, la mission impossible terminée, je m’affalais enfin dans le canapé pour regarder et écouter le résultat vidéo-audiophile. C’est alors que mon regard partit vers la table du salon. Une télécommande pour la Télé, une pour le DVD, une pour le satellite, une vieille pour le magnétoscope, une pour l’ampli, une pour l’éclairage d’appoint, une pour le disque dur, une…

Au secours, Monsieur MOBALPA.

Toi qui a admirablement réussi à rendre la cuisine intégrée. Toi qui a réussi à faire rentrer la rustre gente masculine dans ce royaume réservé il y a bien longtemps à nos belles Pénélopes, en mariant intelligemment esthétisme et technologie, dépêche-toi ! Le Tsunami audio-video-Interneto- machin submerge le salon et ça part dans tous les sens. Vite ! Tu dois agir !