Ces jours qui te semblent vides
Et perdus pour l’univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts
[...]
Patient, patience,
Patience dans l’azur!
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr!
- Le lecteur dans son fort intérieur : Houla, houla, mais il débloquerait pas grave notre chroniqueur favori ! Il nous avait déjà fait le coup du sado-maso, du cinéphile mélomane, de l’expert en champagne et voila ty pa qu’il nous sert du Paul Valery, en chapeau de sa chronique. Là, ça se gatte ! Me tarde vite de savoir comment il va pouvoir se rattraper !
- Le chroniqueur dans son fort non moins intérieur : Bon, ça fait des années que je ballade mes derniers lecteurs (ceux qui résistent encore tels les célèbres gaulois d’un village breton), au fin fond de mes turpitudes d’innovation. Alors un peu de poésie créative dans cette page d’ingénieurs ne devrait faire que du bien !
Et voilà comment commence, dans l’incompréhension la plus totale, une chronique qui voulait prendre de la hauteur. Et non pas au figuré, au propre. Même que c’est une hauteur à côté de laquelle nos Alpes bien aimées font figures de micro monticules de poussière. 5 milliards de kilomètres. Là, ça vous en bouche un coin ! Il y a même tellement de zéro après le 5, qu’on a presque peur d’en oublier un : 000 000 000. Même qu’il faudrait en ajouter trois de plus, s’il on voulait exprimer le tout dans l’unité de nos montagnes, le mètre ! Bon, cela a un sacré avantage : celui de remplir rapidement les lignes de cet article : 000 000 000 000. Mais en termes de suspens épistolaire, je ne suis pas sûr que le rédac chef soit franchement ravi.
Non, ce dont je voulais vous parler, et dont tout le monde ou presque se fout (ben oui, c’est ça mon job), c’est d’un exploit technologico-humanoïde qui s’est déroulé en plein cœur d’une période où l’on a plus tendance à rentrer le ventre pour mieux le faire bronzer, qu’à faire travailler les neurones. J’ai nommé le survol de Pluton par un gros robot de près de 500 kg : New Horizons. Déjà, la construction et le lancement de cette sonde relèvent de l’exploit. Au début des années 1990, la NASA est déjà fauchée (c’est relatif) et le Politique a une tendance de plus en plus exacerbée à regarder le sol (surtout américain) que le ciel (surtout pas porteur électoralement). Donc, après les fabuleux succès sur la lune, mars, jupiter, saturne et plus si affinité, aller au bout du bout du système solaire, ne passionne plus du tout les foules et encore moins les sénateurs. Passent donc à la trappe de la machine à laver budgétaire les missions Grand Tour, Pluto Fly by, Kuiper express et quelques autres aux noms tout aussi poétiques. Jusqu’à ce que, en recyclant des bouts de vieux satellites et des prototypes de capteurs ultra légers on arrive à construire un gros cube surmonté d’une antenne parabolique de 2mètres, le tout alimenté et réchauffé par un petit réacteur nucléaire qui dans le language politiquement correct se dit « générateur thermoélectrique à radio isotopes », ce qui fait évidemment moins peur.
Bon, on a la sonde, maintenant, il faut la lancer. Et là les choses se gâtent à nouveau car, même en cherchant bien sur BlaBlaCar, difficile de trouver un covoiturage pour la destination. En plus, c’est vachement loin et comme on n’a pas encore le machin supralumique de Star Wars, le voyage peut prendre dans les, disons … 5 mandats présidentiels. Je vois la tête du directeur de la NASA, allant défendre son projet.
- 20 years ? Without talking cock ? (je vous laisse traduire)
- Ben j’ai 7 ans mais il faut que la sonde pèse 10 fois moins
- Are you kidding me ?
- Ou alors, on prend notre fusée la plus puissante, on lui rajoute un étage booster, on va frôler Jupiter pour encore accélérer et on croise les doigts.
- Good guy !
Et c’est ainsi que New Horizons partit pour un voyage de 9ans : le projet de tout une vie pour des scientifiques qui entre la construction et les premières images du nouveau monde allaient voir s’écouler un bon quart de siècle.
Patience dans l’azur
Pire, à l’arrivée vers Pluton, la vitesse de 50000km/h et les 5 heures nécessaires pour transmettre un ordre nécessitent un fonctionnement sans accro. Et encore, les distances sont tellement grandes et la puissance disponible à bord tellement faible que les données arrivent à la vitesse …du Minitel : des heures et des heures de téléchargement pour une simple photo haute définition. Toutes les chances pour réussir un sacré échec !
Alors, le résultat valait-il cette débauche de testostérone à neurones ? Pour ceux qui continuent à suivre jour après jour l’arrivée des données, la réponse est mille fois oui. Là où on pensait trouver un planète figée dans le froid absolu, on découvre un monde vivant où coulent des glaciers d’azote et où les montagnes, presqu’aussi hautes que le Mont-Blanc, sont faites de glace d’eau pure. Il y en a, vers Chamonix, qui doivent piaffer d’impatience !
Mais le plus poétique, pour moi est l’image prise lorsque new horizons s’est retourné en quittant Pluton : un mince liseré de brouillard entourant la planète, son atmosphère…BLEUE !
Patience dans l’azur !
André Montaud
am@thesame-innovation.com