mercredi 31 décembre 2008

DES PIQURES D’EPICURE !

Le vin est magique.


Je ne parle pas de son effet gyroscopique que certains d’entre nous pourront peut être expérimenter lors d’un réveillon légèrement arrosé (avec modération), mais de sa capacité à générer un plaisir à nul autre pareil. Pourtant rien ne prédestinait ce curieux breuvage, il y a quelques millénaires, à devenir un produit d’exception à force de travail, d’expérimentations, et de savants mélanges. Quelle autre boisson pourrait générer autant de sentiments, de sensations, d’imaginaires … renouvelables à chaque ouverture de bouteille ? Pas besoin d’aller loin : la découverte est toujours au bout du bouchon. Mais n’y aurait-il pas une étonnante ressemblance entre le monde de la vigne et celui de l’Innovation ? Il y a les grands et les petits crus : innovation de rupture ou innovation incrémentale. Il y a les immenses vignobles industriels du Nouveau Monde et les microscopiques productions des crus artisans, complémentarité d’approches innovantes du grand groupe et de la PME. Tout cela, bien évidement, ne peut se faire sans ceux qui produisent le raisin, pardon l’innovation, c'est-à-dire les vignerons innovateurs.

Voici donc un voyage étonnant dans ces mondes parallèles pour passer de 8 à 9

Le vigneron Stakhanoviste , dur à l’ouvrage, va demander à la vigne, qualité et quantité ; c’est bien évidement, l’innovateur aux milliers d’idées, brevetant à tout va et empêchant ainsi la concurrence de s’infiltrer.

Le Spartiate , dont les moyens sont limités, accompagnera en toute simplicité la croissance du raisin. C’est bien souvent aujourd’hui le lot commun de bon nombre de services d’innovation, qui savent jongler avec de maigres subsides pour sortir des produits étonnement décoiffants.

Enfin l’Epicurien est un amoureux invétéré du plaisir qu’il a à prendre les grappes dans leur croissance, à les cajoler, pour déjà imaginer l’explosion des sens apportée par la future dive bouteille.

L’innovateur épicurien est, à mon avis, celui qui apporte un véritable avantage concurrentiel à son entreprise, avantage se situant sur un plan différent du strict domaine économique.
D’abord, il aime l’innovation pour ce quelle est, en gardant ainsi intact la capacité d’émerveillement que l’on peut malheureusement étouffer, parfois, avec le poids des ans.
Ensuite, il sait faire partager ce plaisir de l’innovation à ceux qui l’entourent, collègues ou clients, car il en parle avec passion, chaleur et conviction.
L’épicurien innovateur sait que, derrière un produit qui semble banal de l’extérieur, se cache une pépite d’intelligence, fruit du labeur d’équipes variées et assemblée par un maître le chai d’exception.
Il sait faire découvrir, il sait faire désirer, car le plaisir, est aussi présent dans l’attente.

Aussi je vous propose donc, en ce 31 décembre, de profiter de la dernière minute de 2008, qui durera exceptionnellement 61 secondes, pour vous faire, à votre tour, une « piqure d’Epicure ».

Que vous soyez entrepreneur ou innovateur, commercial ou administratif, ou que vous ayez toute autre fonction dans votre entreprise, injectez une dose de plaisir épicurien dans votre travail, c’est le meilleur vaccin à la morosité ambiante et une pointe d’énergie tonifiante pour 2009.

dimanche 9 novembre 2008

DU ROLE DES MALADIES INFANTILES DANS L'INNOVATION !!!

Rien ne vaut une course en forêt pour se rappeler qu’un sapin est vert, qu’un arbre en octobre est flamboyant et que l’air vif et piquant du matin est le meilleur remontant pour pallier les attaques virales d’automne.

Car le virus d’automne s’expérimente en automne pour qui a, ou a eu, de jeunes enfants : la maladie infantile, plus rapide que l’éclair, arrive sans crier gare. Une poussée boutonneuse un jour, et hop, c’est la moitié d’une classe qui, dès le lendemain, se retrouve « out of order ». C’est impressionnant, mais souvent sans danger : de la rubéole à la varicelle, des oreillons à la rougeole, il y en a pour tous les goûts et de toutes les couleurs.

Mais je ne m’étais pas attendu à une telle épidémie au salon de l’auto ! Tout le monde ou presque s’est retrouvé contaminé par une étrange maladie répondant au doux nom de vertéole. La contagion fût sévère : il faut dire que dans un tel lieu confiné, brassant des millions de visiteurs, les germes agressifs n’avaient aucun mal à se développer. Les basiles Eco2, virus Bluetec et autres microbes Airdream attaquaient sans relâche ! Dès les conférences de presse d’ouverture, les dirigeants des fabriques de boites à 4 roues avaient une mine tirant incontestablement sur le vert. A l’origine de ce mal, une poussée fiévreuse de notre bonne terre, diagnostiquée par de doctes experts es-climat.

Sans parodier Coluche, on pouvait croire que l’automobile recrachait enfin un air plus propre que celui qu’elle aspirait. Réduction des consommations, hybride, hydrogène, pile à combustible, véhicule électrique : on allait voir ce que l’on allait voir. L’hystérie chlorophyllienne était en route, relayée par la vague médiatique du « plus c’est bio, plus c’est beau. »

Tout le monde se voyait déjà dans un carrosse sur batterie, fendant un air ayant perdu son petit côté vicié. J’avoue avoir assez mal vécu ce manque de recul flagrant devant un défit immense qui barre la route de l’industrie automobile.

La communication, le marketing ou la politique ont parfois des effets pervers. Prenez le cas du CO2, cancre montré du doigt de l’effet de serre. Aujourd’hui, il faut le réduire à tout va. Pour Monsieur Michu, visiteur du Mondial de l’Auto, la consommation du véhicule a fait place aux grammes par kilomètre de gaz carbonique. Mais rares sont ceux,sauf peut être les chimistes et autres motoristes, qui ont vu qu’il n’y avait rien d’autre dans la réduction du CO2 qu’une réduction des consommations. Jusqu’à preuve du contraire, notre essence, assemblage mystérieux de carbone et d’hydrogène, produit, en brûlant, de la vapeur d’eau et du CO2 ! Pas de transmutation par pierre écolo-philosophale ! Les grammes de dioxyde de carbone ne sont rien d’autres que des litres par 100 km ou des miles par gallon suivant que l’on est à droite ou à gauche de l’Océan Atlantique.
Mais le CO2 a un avantage incontestable : il « responsabilise » le bipède derrière son volant, le rendant acteur du sauvetage de sa planète bleue. Le zéro émission, voilà bien l’objectif du bobo ecolo citoyen. Vite de l’électrique … et tout de suite.

Je suis toujours amusé par nos deux bouts de cerveaux, qui ne se causent pas et qui nous font tenir des propos qu’un psychiatre qualifierait de pathologie lourde. Ainsi l’électricité qui serait la source miraculeuse du véhicule propre, est en même temps traitée d’affreuse énergie calorifique pour l’habitat. Propre ici et sale là, preuve que l’on peut vivre avec ses démons dilemmiques.

Mais trêve de grognitude (ben oui, moi aussi j’ai le droit d’inventer des mots, même si je ne suis pas sur la muraille de Chine) : ce salon de l’auto est sans doute un vrai tournant pour l’industrie automobile.

D’abord parce que la question de la consommation des véhicules est particulièrement critique vis-à-vis de la ressource énergétique fossile. Le pétrole, malgré ou à cause de son cours yoyo, se raréfiera alors que la flotte automobile augmentera, ne serait ce que par l’effet mécanique de croissance des pays émergeants. La baisse de l’appétit des véhicules est, de fait, une obligation.

On s’extasie aujourd’hui devant des consommations de 4l/100 km … qui étaient celles de la Citroën AX il y a 20 ans ! Certes, ce n’est plus la même voiture, mais la course au confort, à la sécurité … et à l’antipollution à sans doute exagérément engraissé des véhicules qui ont perdu, par la prise de poids, les gains d’efficacité énergétique des moteurs.

Ensuite parce que le véhicule tout électrique me laisse d’une extrêmement grande perplexité face aux problèmes industriels.
En vrac des questions sans réponses, version brève de comptoir :
Mais ou va-t-on trouver tout ce lithium (les batteries Lithium-Ion ou Lithium-polymères nécessitent …du Lithium dont les gisements ne sont pas si nombreux. La bagarre sera rude car c’est une chose d’alimenter une production de millions de batteries de quelques dizaines de grammes pour téléphones portables, c’en est une toute autre lorsque l’on parle de millions d’accumulateurs de centaines de kilos !)
Un réseau électrique, comme celui de la France peut résister à la recharge simultanée de combien de véhicules ?
Avec quoi va-t-on chauffer les véhicules en hiver, un radiateur électrique semblant inconcevable avec la capacité des batteries ?
Et mes doutes électrico-métaphysiques pourraient s’allonger sur des pages entières.

Mais ce côté extrémiste du tout courant est sans doute la preuve que le mixte hydrocarbure-electron, dans ses futures évolutions, sera la solution durablement raisonnable. L’heure est à la créativité. Avec son concept-car Volt, Chevrolet s’éclate en réinventant l’hybridation : un petit moteur thermique fonctionnant à son optimum de rendement est utilisé comme générateur électrique pour recharger la batterie, elle-même alimentant le moteur électrique. D’autres redécouvrent le moteur-roue, électrique bien entendu. D’autres encore regardent les ruses de sioux des structures ultra allégées des mini véhicules électriques.

Si l’automobile est malade en cette fin 2008, il s’agit bien d’une maladie infantile de changement de siècle. C’est un autre age adulte qui se prépare. Oui il y aura des voitures électriques, des hybrides, des piles à combustibles. Mais arrêtons de faire croire à M. Michu du Mondial de l’automobile que ce futur est facilement accessible. La physique de matériaux a des limites et la refonte industrielle ne se fait pas d’un clic de souris.


L’innovation est passionnante car elle invente le futur mais c’est avant tout une intense transpiration neuronale qui nécessite du temps.

Vous êtes au courant ?

mercredi 1 octobre 2008

Dire qu’elle était belle est un faible mot !

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Dire qu’elle était belle est un faible mot. Malgré sa petite taille, sa silhouette aux proportions parfaites laissait entrevoir une ligne élancée et légère. Son noir d’ébène, reflétant la lumière, ne faisait qu’ajouter à son charme naturel. L’effleurer, c’était déjà ressentir la douceur de sa peau. La chaleur de son contact rappelait des échanges bien souvent passionnés. Un rêve ? Peut être bien, si elle n’avait pas pris l’habitude de devenir muette aux moments les plus inattendus.

Car elle était vraiment très capricieuse, la coque de mon tout nouveau portable qui, sous un aspect design s’apprêtait à me faire endurer un été cauchemardesque.

Je suis un client pro, d’un grand opérateur téléphonique, que nous appellerons pour les besoins de confidentialité, « Banane ».

Un client pro, cela a bien des avantages. Par exemple dans une boutique de Banane, le Pro a accès à un « conseiller » lors du renouvellement du téléphone. C'est-à-dire dans mon cas :
- Monsieur, vous pouvez regarder là, c’est le rayon des téléphones pour les professionnels !
En soit, c’est assez réconfortant de savoir que les conseillers pro savent lire les étiquettes descriptives.

Comme je ne voulais rien de complexe, n’étant pas un fervent défenseur de la convergence tant encensée par la presse spécialisée, mon choix se porta sur un téléphone ayant des fonctions de … téléphone, issu d’un constructeur basé pas très loin du cercle polaire que nous appelerons, pour les besoins de cette newsletter, YesKia.

J’étais sûr de mon coup : je misais sur la tranquillité et la sérénité.

Las, malgré son pur design et sa robustesse de fabrication, l’objet communicant décidait de n’en faire qu’à sa tête. En pleine conversation, il devenait muet, coupait la communication, perdait le réseau et demandait de refournir le sésame, connu en téléphonie, sous le jargon de code PIN. Le curieux phénomène se renouvelant plusieurs fois par jour, l’auteur de ces lignes se décida, après quelques tergiversations, à appeler le service SAV pour les PRO de Banane.

Après avoir :
a/ composé le numéro
b/ sélectionné le service demandé
c/ attendu un temps certain un expert « dont la conversation pourrait être enregistrée pour améliorer le service »,
Je pus expliquer la méchante maladie de mon mobile favori.

- Alors docteur, c’est grave ?

A l’autre bout du fil, j’entends le bruit des touches du clavier du téléopérateur cherchant le diagnostic.
- Pas de véritable problème, nous allons hard booter votre téléphone.

Je ne voudrais pas paraître vieux jeu mais, pour ceux qui, comme moi, tentent d’éviter de se faire submerger par la vague jargonneuse, le hard boot se traduit tout simplement par remise à zéro.
Donc j’allais hardiment hard booter sauf qu’un hic se glissa malicieusement dans la mécanique bien huilée du diagnostic : nous descendions progressivement dans l’arborescence des menus pour atteindre l’opération souhaitée pour découvrir l’absence du sous-menu attendu.
-Mais si Monsieur, vous devez trouver la bonne fonction !
Je répétais moi même les opérations à haute voix mais, rien à faire, le menu n’était pas là !
En limite absolue de désespoir, l’opérateur voulut reparcourir les menus en me parlant « L.E.N.T.E.M.E.N.T», considérant sans doute qu’il avait, à l’autre bout du fil, un technophobe endurci. Mais la même cause provoquant le même effet, l’entreprise « Banane » se décida à m’envoyer un deuxième portable.

Deux jours plus tard, un transporteur m’apporta un nouvel outil de communication.
Petite séance de bricolage avec déplacement de la carte SIM, insertion de la batterie, recharge et hop, c’est parti pour un nouveau monde merveilleux de communication !

Hélas, cent fois hélas, la petite merveille se comporta de la même façon.

Coup de fil à SOS PRO BANANE, explication du problème et nouveau diagnostic : échangez votre carte SIM avec celle d’un collègue et, si le phénomène continu, nous changerons le portable.

Re-séance de bricolage (c’est fou ce que l’on s’amuse !), Re-test téléphonique, Re-problème et Re-appel à SOS PRO pour commander le troisième portable.

Comme je devenais spécialiste de montage/démontage SIM-batterie, le déballage deux jours plus tard se fit à la vitesse de la lumière, sauf que la suite devint dramatique : refus de reconnaissance de la carte SIM.

N’y tenant plus, je demandais à « Banane » de me séparer définitivement de ce modèle maudit et de le remplacer par un autre type :
- Impossible ! Nous ne réalisons cette opération commerciale qu’au bout du quatrième changement. Je vais relancer l’expédition d’un nouveau portable.

Devant mon insistance, l’opératrice accepta de me donner, en parallèle, le numéro du SAV de YesKia pour vérifier si une perverse panne n’était pas connue sur le modèle maudit. Et là, le message changea du tout au tout :
- il y en a assez que « Banane » donne notre numéro pour une question qui les concerne. Monsieur, votre problème n’est pas un problème de téléphone mais de puissance de carte SIM. Demandez un changement de carte et tout rentrera dans l’ordre.

A la réception du quatrième portable, je retéléphonais aux gentils opérateurs de « Banane », en demandant si par hasard, il ne serait pas judicieux, bien que je ne sois pas expert, de changer la carte SIM.

Bruit de clavier.
- Effectivement votre carte a plus de deux ans et sa puissance est un peu limitée pour votre modèle. SI VOUS LE VOULEZ, NOUS POUVONS VOUS ENVOYER UNE NOUVELLE CARTE.

Je ne vous raconterai pas la suite, puisque le miracle devenait facilement imaginable

Petite morale de cette histoire :

La course à l’innovation met souvent les services clients à rude épreuve ! Oui mais, attention à ne pas se cacher derrière des procédures strictes et pré établies. La procédure est structurante mais elle ne doit jamais se substituer à l’intelligence. Bien former ses opérateurs pour être capable de sortir du cadre dans le domaine du diagnostic est une autre clé de succès du bon produit innovant. En quelques secondes, sans appel à un clavier mais avec quelques neurones, YesKia m’avait sorti des affres de diagnostics gravés dans des bases de données réputées parfaites. Savoir miser toujours sur l’intelligence de l’individu plutôt que sur des 0 et des 1 figés dans leur silicium, voilà bien le message fondamental de ma petite mésaventure estivale.

Quand à moi, j’apprécie à nouveau le chaud et doux contact de cette silhouette ébène qui susurre enfin à mon oreille !

lundi 1 septembre 2008

« Bas coût » ou « Coup bas » , une autre véritable histoire du low cost ?

On oublie bien souvent que les succès d’aujourd’hui ont démarré par des histoires parfois rocambolesques.


Il y a bien longtemps, c'est-à-dire vers la fin du dernier millénaire, une compagnie aérienne répondant au doux nom de « l’Aéroplane Facile » voulut revendiquer une part du marché de « l’Helvète Volant ». Ce dernier, à coup de réglementations, réussit à protéger durant quelques temps son espace aérien, jusqu’au jour où, le premier se mit à penser autrement et commercialisa, non pas un billet d’avion, mais un package incluant une nuit sous tente dans un camping sans confort ! Comme dirait Coluche « et ça se vend, ça ? ». Certains à l’époque en sont morts de rire. Et pourtant en « sortant du cadre », c'est-à-dire en passant du statut de transporteur à celui de voyagiste, l’Aéroplane Facile faisait sauter un monopole et entamait une fulgurante carrière, l’amenant aujourd’hui à truster une belle part du gâteau aérien européen.

Si je vous raconte ces propos de vieux croûton, c’est que le low cost loin d’être anecdotique, représente, pour le concepteur de produit ou de service, un redoutable challenge,nécessitant de penser autrement, en balayant les standards bien établis. Rappelez-vous :

Mort de rire, voilà bien l’état d’esprit de bien des marketeurs à la vue des premiers emballages de produits sur les rayons hard discount. Des codes barres sur toutes les faces du produit, c’est invendable !

Mort de rire, les informaticiens à la lecture des caractéristiques des premiers ordinateurs ultra portables low cost. Des disques durs avec des capacités ridiculement faibles, des processeurs poussifs et des écrans minuscules. Une aberration dans la course à la puissance engagée dans cette industrie.

Mort de rire, les constructeurs auto lors de la présentation d’une berline à 5000 dollars. Des motorisations anciennes, des carrosseries d’un autre age, une électronique inexistante : un échec non pas prévisible mais assuré !

Et pourtant, dans tous les cas, le succès était là, alliance d’une symbiose dès l’origine entre l’approche marché et une conception radicalement différente. Le produit est étudié d’abord dans sa globalité tout en étant aussi positionné dans son environnement. . En d’autre terme, le low cost est philosophiquement mécatronique !

Reprenons nos trois exemples.

Le code barre est synonyme de traçabilité et de logistique. Mais quid de son utilisation en magasin ? Pour la caissière, le code barre sur toutes les faces, c’est une détection sans retourner le produit, d’où un débit plus important, et donc plus de clients par caisse. Une autre façon de grappiller quelques centimes d’euros si précieux en low cost (conception produit dans son environnement).

Pour l’ingénieur que je suis, la stratégie de l’ultra portable pas cher est celle qui est à mon avis la plus aboutie. Dialogue pas si imaginaire :
Monsieur Classique : « Le problème du portable c’est la nécessité d’avoir des pièces mobiles robustes (par exemple les disques durs résistants aux chocs). »
Monsieur Low Cost : « Et si on supprimait les disques durs ? Adoptons les nouvelles mémoires Flash solides »
- Oui mais elles n’ont pas une grosse capacité : 4 à 16 Go
- C'est-à-dire les capacités largement suffisantes dont se contentent les utilisateurs de clés USB
- Les systèmes d’exploitation (ex. WINDOWS VISTA) sont voraces en puissance.
- Pas de problème, adoptons un LINUX spécial, léger et open source (sous entendu gratos) qui, cerise sur le gâteau, va démarrer ultra vite.
- Bon d’accord, mais vous ne résoudrez pas le problème de l’autonomie qui nécessite des batteries particulièrement onéreuses.
- Sauf en diminuant la consommation à la source, d’où des petites écrans qui ont en plus l’intérêt d’être faciles à fabriquer.

Et voilà comment l’on propose un merveilleux gadget technologique avec de « vieux » éléments totalement amortis mais repensés comme un tout.

Le même dialogue pourrait se renouveler avec les équipementiers sur l’automobile low cost. J’y rajouterai un point qui montre la puissance de la pensée système … en soulevant le capot ! Se découvre alors un boc moteur entouré de vide, synonyme d’un accès facile pour une maintenance devenant elle aussi low cost.

Il y a quelques mois, l’Usine Nouvelle parlait de cette nouvelle génération d’experts en low cost, seniors expérimentés, capables d’une véritable vision globalisée pour concevoir autrement. La caricature du low cost se limitant à de la délocalisation dans des pays à la main d’œuvre bon marché, cache une toute autre réalité. Loin d’être (uniquement !) dans une logique de « coup bas » pour massacrer les prix des équipements achetés, le véritable « bas coût » me semble correspondre à une nouvelle révolution des métiers de concepteur. Il ouvre aussi l’ère fusionnelle des équipes mixtes marketeurs/chercheurs. Et elle implique un « dynamitage » des classiques relations donneur d’ordre-sous traitant. Le low cost attise la cotraitance.

Il y a souvent une autre réponse à la reconception produit.

Voilà le message puissant que nous renvoie le low cost ! Mais n’est ce pas la définition même d’une nouvelle forme d’innovation … difficile à maîtriser tant nos propres barrières culturelles sont fortes ? Pourtant ceux qui l’ont compris avant les autres se créent actuellement des jackpots fabuleux.

Ce cher Low Cost nous réservera encore quelques surprises.

« Remarquez, s’il y en a qui achète ça » (Coluche).

dimanche 10 août 2008

« Mutation génétique » : l’étonnante histoire cachée des JO !

Avez-vous vu la cérémonie d’ouverture des JO ? Ce qui est le plus fascinant c’est la synchronisation des mouvements. Non, je ne parle pas des athlètes ou des figurants car mon regard s’est porté vers les tribunes. Durant une compétition sportive, on ne les regarde jamais assez ces fameuses tribunes avec leur « garniture » : les spectateurs !

Pourtant d’Atlanta à Beijing, ces derniers ont connu une mutation génétique rapide et profonde, passée inaperçue, mais pourtant source de bien plus d’enseignements que ce que nous apportera l’olympisme.

Cette évolution, révolution ( ?), se traduit par… la position des bras.

Au départ, toujours le même syndrome : un visage grimaçant avec un clignement d’œil. La suite est plus surprenante : des bras tendus le long du corps il y a 50 ans, des bras pliés toujours le long du corps il y a 10 ans et des bras tendus en avant aujourd’hui. Cela est tellement naturel que plus personne n’y fait attention. Et pourtant, cette mutation trouve son origine commune dans une petite boite noire ou argentée : l’appareil photo.

Du viseur vertical du boîtier 6x6 à l’écran de l’appareil numérique, la photo nous renvoie l’image , humour facile, d’une redoutable bagarre industrielle contrôlée par l’innovation, et dont les guerriers font passer les robustes athlètes pour des gringalets.

Notre but est de vous conter l’histoire de ces jeux historiques faits de stratégies conquérantes et des défaites mémorables.

Il y a 20 ans, que pouvait-il se passer dans la photo ? Les marketeurs vous disaient : « c’est un marché mature » où les positions des uns et des autres sont clairement établies : les fabricants d’appareils fabriquent (Canon, Nikon, Kodak, Rollei, Mamya, Minolta et quelques autres), les fournisseurs de pellicules fournissent (Kodak encore, Agfa, Ilford…) et les gros laboratoires, répartis sur tout le territoire pour être près du consommateur, développent. La niche de la photo instantanée était solidement tenue par l’incontesté Polaroïd. Bref, une vie pépère avec des évolutions tranquilles : des pellicules aux couleurs de plus en plus « plus vraies que nature », des chargements de pellicules de plus en plus « plus faciles », tirées par le grand innovateur d’alors, Kodak , ave l’Instamatic, puis le pocket 110 et enfin l’APS.

Mais un marché mature a un gros défaut : celui d’être mature et donc de moins en moins rentable.

Kodak lance alors l’attaque sur la niche profitable de l’instantané de Polaroïd. Il s’en suit un fabuleux 110 mètres haies à coup de brevets et de juristes affûtés. Une course pas très reluisante techniquement mais gagnée, au finish, par Polaroïd. Victoire à la Pyrrhus car, alors que ces géants s’épuisaient sur leur cœur de métier, personne n’allait voir ce qui se passait sur le terrain d’à-côté, en électronique !

Les industriels photographes d’alors, étaient d’immenses spécialistes de la mécanique, de l’optique ou du chlorure d’argent, mais oubliaient d’orienter leurs veilleurs technologiques dans la bonne direction. Et un veilleur mal orienté c’est potentiellement un aveugle ! Remarquez, ils avaient des excuses. Auriez vous eu idée d’aller observer un fabricant de gros ordinateurs professionnels comme HP, un créateur de fours à micro ondes comme Matsushita ou un coréen low cost comme Samsung ?

Et pourtant, s’ils avaient suffisamment observé, ils auraient découvert la redoutable rupture technologique du capteur CCD. En fait, ils l’ont peut être vue mais ils n’y ont pas cru ! Rappelez-vous les appareils du début 2000 à 300 000 pixels : « Booooh ! Que c’est moche ! Des photos immondes … l’argentique aura toujours de beaux jours devant lui » entendait-t-on chez les spécialistes. Sauf que monsieur et madame Michu, c'est-à-dire vous et moi, découvrions que l’on pouvait voir immédiatement sur un petit écran, le résultat du clic, et l’effacer si nous n’étions pas contents. La frustration liée à l’attente interminable du développement de la photo papier, au final ratée, s’évaporait d’un coup.

Aujourd’hui, la photo est redevenue un marché dont la croissance fait pâlir plus d’un dirigeant d’entreprise. Les méthodes dont l’électronique a le secret y sont appliquées : vous avez aimé les microprocesseurs 286,386, 486, Pentium 1, 2, 3, Duo Core, alors vous apprécierez les appareils 2, 5, 7, 10 millions de pixels ! Et tant pis si vous n’avez besoin que de 3 millions de pixels ! L’essentiel, c’est le plaisir de l’instant … puis la frustration de ne pas avoir LA dernière révolution technologique. La photo est devenu un consommable de mode : ne pas changer son appareil tous les trois ans est devenu ringard.

Quand à nos anciens leaders de marché, ils ont bien souffert : Polaroïd est quasi mort, Kodak a failli disparaître, et des marques prestigieuses ont sombré, comme beaucoup de laboratoires de développement, avec la dépression du cristal d’argent !

Vous connaissez aujourd’hui Matsushita sous le nom de Panasonic, leader du compact, vous ne vous moquez plus de Samsung, devenu un géant innovateur de l’électronique et HP veut vous accompagner de l’écran photo à l’écran d’ordinateur.

Un monde nouveau se recrée avec ses nouveaux acteurs. Même les boites à chaussures pour stocker les photos ont changé, elles se nomment aujourd’hui disques durs mais leur utilisation reste la même : on oublie toujours aussi vite la super méga exceptionnelle photo de vacances lorsqu’elle s’enfouit dans les méandres du temps ! Les bits ont juste remplacé la poussière.

Alors, lecteur compatissant, que retenir de ces jeux de la décennie :

- D’abord qu’un marché mature peut redevenir ultra profitable si l’on trouve la bonne rupture technologique.
- Ensuite qu’être leader d’une vieille technologie ne signifie plus grand-chose lors d’une mutation profonde de marché. Anticiper nécessite de savoir garder en interne quelques innovateurs long terme, créatifs, désobéissants et avec l’esprit start-up. Lâcher la bride de la créativité, c’est souvent l’assurance d’une certaine pérennité.
- Enfin, se rendre compte que l’on est potentiellement aveugle, non sur les évolutions, mais sur les révolutions de son marché. Comment un Kodak pour la couleur ou un Ilford pour le noir et blanc auraient ils pu imaginer que la solide branche sur laquelle ils étaient assis n’était plus rattachée qu’à un tronc vermoulu ? Il ne faut pas hésiter à se payer quelques veilles multisectorielles pour savoir si les autres, dans des marchés totalement différents, ne vont pas venir gambader dans votre pré carré !

Alors, me direz-vous, et ces JO ? Ils seront splendides à n’en pas douter tout comme sont passionnants les JO de l’innovation avec des médailles d’or souvent inattendues !

mercredi 25 juin 2008

« Roméo et Juliette » ou la véritable histoire du low cost

Les hommes de marketing s’arrachent les cheveux, non que le dernier shampoing « parce que je le vaux bien » ait des effets secondaires non maîtrisés, mais parce que le client n’en fait plus qu’à sa tête.

Eux qui avaient si bien réussi avec les lessives aux enzymes gloutons et les boissons « secouez-moi, secouez-moi », se trouvent totalement désarçonnés face à la plus extrême des innovations : le low cost. Toutes les stratégies qui visaient à préciser le comportement de madame Michu, cœur de cible favori du marketeur en herbe, souffrent soudain d’un strabisme divergeant ne répondant à aucune des règles des bibles des marchés.

La dernière en date vient du remarquable succès du eeePC, un ordinateur ultra portable (900 grammes) et ultra pas cher (299 euros). Les premières communications faisaient état d’un PC à destination des jeunes enfants et des technophobes endurcis, tant la simplicité était poussée à l’extrême. Le mode d’emploi pouvait se limiter à : j’allume le eeePC et toutes les applications sont disponibles (Monsieur B.G. de la société M. devrait regarder cette interface rustique mais hautement efficace). Toute la stratégie était bien résumée par le slogan « Easy to learn, Easy to work, Easy to play » (d’où les eee). Las ! Ce sont les technophiles qui s’emparent de la machine et en font le nouvel outil des itinérants avec des ventes qui propulsent le constructeur Asus dans les premiers mondiaux. Une niche de marché dormante venait de s’ouvrir.

Et ces nouveaux cœurs de marché à cibles multiples sont légions.

La Logan tant décriée, voiture peu esthétique et « invendable », destinée d’abord aux pays émergeants, puis commercialisée au compte goutte en Europe de l’Ouest, est aujourd’hui dans le TOP 10 des immatriculations. Malgré des campagnes de publicité ultra minimalistes, le phénomène risque même de s’amplifier avec l’arrivée des nouveaux modèles et la mode bobo.

Les low cost aériens, au service rustique, se trouvent confrontés à une clientèle « imprévue » auprès des entreprises à la recherche de substantielles économies.

Non, vraiment le client est devenu insupportable !

Les marketeurs ingénieurs ont bien leur littérature sur « l’étude des marchés qui n’existent pas encore » (Paul Miller). Mais avec la véritable innovation que représente le Low Cost,, tout doit se reconstruire. Il me semble pourtant judicieux de se replonger dans Roméo et Juliette, Pelléas et Mélisande, le Rouge et le Noir ou la collection Arlequin. Car les amateurs de la collection de la Pléiade ou des romans à l’eau de rose vous le diront sans complexe : une histoire de cœur, fût-elle cœur de cible, est toujours tortueuse et suit rarement les chemins attendus.

Malgré les pléthores de matière grise, les niches ouvertes par le Low Cost réserveront, encore, des sueurs froides à bien des marketeurs. Gardons donc en tête les propos du philosophe : « le cœur à ses raisons que la raison ne connaît point ».

Blaise Pascal, Roméo et Juliette seront, à n’en pas douter, le nouveaux économistes du 21ème siècle.

jeudi 15 mai 2008

L'ésoterique PI-nnovation

Nous baignons dans un océan de 2 ! Depuis les temps immémoriaux, la nature nous a appris la dualité et la symétrie : le jour et la nuit, l’homme et la femme, fromage ou dessert, le yin et le yang, l’eau et le feu. Tout est fait pour que nous nous concentrions sur le tempo un-deux et ceci avec un certain succès. Le tic tac de l’horloger, le pas lent du légionnaire ou la voluptueuse sonorité du moteur d’une Harley Davisson relèvent de cette admirable connaissance du 2 sous toutes ses formes.

Oui mais l’homme, animal à sang chaud et de surcroît perpétuellement insatisfait, aime regarder ailleurs. Aussi, je n’hésite pas à dire que le 3 est, dans sa grande simplicité, le premier signe du réveil du cortex neuronal du genre humain. Alors que tout poussait à penser « deux » ,un illustre néandertalien a du imaginer quelque chose au-delà de cette frontière duale, ouvrant ainsi la voie vers le monde infini du 3, du 4, du 5 voire plus si affinité.

Depuis, nous sommes devenus les maîtres du 3.
Il y a le 3 sportif, celui du triple saut, annonçant après les 2 premières envolées, l’apothéose du final où l’athlète, dans un ultime effort, tente de s’arracher à sa dure condition de créature soumise à la gravité
Il y a le 3 du pas de valse découvert par un Strauss pour animer les parquets viennois
Il y a le 3 du philosophe en trois respirations : thèse, antithèse, synthèse.
Mais le 3 que je préfère est le 3 rhétorique, manié avec dextérité par le brillant orateur voulant dérouler sa pensée, par l’homme politique confronté à une question délicate ou par l’intellectuel en mal d’inspiration.
Le 3 rhétorique se caractérise par la mise en forme et le développement de l’idée en trois points. Ce que l’on peut facilement reconnaître dans le discours par « je vois 3 points fondamentaux » ou encore « 3 éléments sont à retenir » ou toute autre disgréssion du même ordre. Notez au passage que le 3 ne se justifie que par la volonté de satisfaire l’auditeur :
Une pensée en deux points, cela fait pauvre et maigrichon, mais la même en 4 ou 5 éléments risque de perdre le spectateur dans les méandres d’une pensée bien trop riche.

Aussi n’ai-je pas été étonné de lire récemment, les 3 meilleurs moyens de faire échouer un projet d’innovation. Je vous les livre sans trop les modifier car ils devraient figurer sur bien des anti-sèches !
Règle 1 : Considérer que créativité et productivité sont incompatibles alors qu’il il est possible de manager sans brider la créativité
Règle 2 : Piloter le projet d’innovation avec des outils classiques de planification alors que le temps n’est pas l’indicateur d’avancement le plus pertinent.
Règle 3 : Penser que le processus d’innovation est linéaire alors que le déroulement est souvent itératif et non prévisible.

Un patron de R&D bien connu, chantre de la « blue sky research » (la recherche stratégique en français) savait mieux que tous, les difficultés des projets de rupture technologique mais aussi le « jackpot » qu’ils pouvaient représenter. Il connaissait tout autant la psychologie de l’innovateur, animal étrange, aux règles de fonctionnement pas toujours décodables, qui demande à la fois une grande autonomie et une attention de tous les instants. Aussi, le passage annuel devant son comité d’engagement budgétaire était redouté et respecté par tous. A la fin d’une présentation réussie, son regard passait au dessus de ses lunettes et la question tombait : votre projet résiste-il au facteur PI ? Sous entendu, votre projet est excellent mais se justifie-t-il toujours s’il coûte ou s’il dure 3 fois plus que son budget initial ? Il connaissait bien évidemment la réponse car il était le premier à défendre le projet « en pseudo dérive », sachant qu’une rupture technologique reste rarement dans son épure budgétaire (en plus ou en moins).

Ce patron d’exception savait intuitivement concilier la rigueur et la souplesse dans la conduite de l’innovation. Sa vénération pour le facteur PI dans un monde où le pilotage économique est au cœur des dispositifs y compris de R&D devrait être plus souvent enseignée. La PInnovation ne sera plus alors économiquement ésotérique !

mardi 1 avril 2008

Histoire dome

Une nouvelle fantastique : le pôle arrive au sommet du Mont Blanc !


Alors que le soleil refait son apparition au dessus du cercle polaire en ce premier jour d’avril, le CPRS (centre polaire de recherche scientifique) en profite pour annoncer simultanément à Aoste et à Chamonix, la création d’une base expérimentale des technologies polaires qui s’installera au sommet du Mont-Blanc.


Après 3 ans de prospection intensive, le site alpin a été retenu à la fois pour sa facilité d’accès mais aussi pour ses conditions climatiques suffisamment proches de ce que l’on peut rencontrer au pôle Sud.

Depuis de nombreuses années, la France est présente en Terre Adélie, à Dumont D’Urville, un ensemble de quelques baraquements situé sur les côtes du continent antarctique. Toutefois, les chercheurs de nombreux pays ont émis le souhait de construire une nouvelle base directement au pôle, lieu où la pureté atmosphérique et l’absence de précipitations permettent des observations exceptionnelles pour l’astronomie et la météorologie, idéales pour comprendre les mécanismes du réchauffement planétaire. N’oublions pas que c’est là qu’a été découvert le trou dans la couche d’ozone.

Mais l’installation d’un tel équipement à plus de 2000 mètres d’altitude avec des températures de moins 60°C et des vents dépassant souvent les 150 km/h relève du défi extrême mettant à rude épreuve les hommes et les matériels.

L’idée est donc naturellement venue de tester de nouvelles structures d’habitation équipées des dernières avancées technologiques. Paul Merlan, directeur général du CPRS résume ainsi le projet : « nous voulons démontrer que l’on peut vivre au pôle en autonomie, si l’on conçoit dès l’origine un bâtiment privilégiant le développement durable. Jusqu’à aujourd’hui, nous étions dans une logique d’affrontement avec les éléments naturels. Au froid extrême, nous répondions par des chaufferies surdimensionnées. Nous avons donc décidé de repartir d’une feuille blanche en faisant des conditions climatiques un allié et non un ennemi. Par exemple, les vents tempétueux pourront faire tourner des éoliennes conçues spécialement pour produire de l’électricité par -80°C !

Mais le test de ces nouveaux prototypes ne peut se faire directement au pôle où les liaisons aériennes sont interrompues pendant 6 mois. D’où le choix du sommet du Mont Blanc, bien plus accessible. « Les conditions hivernales sont idéales pour nous permettre de valider les modèles avec une marge d’erreur négligeable » rappelle Paul Merlan.

Dès cet été, les 4807 mètres sommitaux devraient arborer un dôme de 30 mètres de diamètre pouvant accueillir en continu 50 personnes en hiver. « Tout est mis en place pour être en autonomie totale avec une règle absolue de zéro rejet », nous dit, non sans une certaine fierté, le directeur du CPRS. « L’énergie proviendra en totalité du vent et du soleil et un potager devrait fournir des légumes frais. Seule la viande sera montée de la vallée ». Comble du luxe, un aquarium installé sous le dôme devrait agrémenter les menus de quelques poissons, indispensables à l’alimentation pour ceux qui vivront ensuite pendant 6 mois dans la nuit polaire.

Si l’expérience réussit, le dôme sera ensuite cédé à un groupe hôtelier qui proposera à une clientèle aisée de venir admirer le lever du soleil depuis le toit de l’Europe. L’hôtel sera pressurisé comme dans un avion afin d’éviter le mal des montagnes. On annonce déjà des forfaits « nuit plus transport » à partir de 1408 euros par personne. Rendez-vous est pris en 2009 pour le début des réservations et les premiers clients en 2010. D’ici là, nul doute que lorsqu’on parlera de « chapeau » sur le Mont Blanc, on évoquera certes les nuages de mauvais temps, mais aussi le nouveau dôme blanc, qui, dit-on, sera visible à plus de 200 km : un vrai phare alpin !

vendredi 21 mars 2008

Dialogue à deux voix dans les mondes parallèles

C’est décidé ! Ce week-end je change de voiture.

Je me rends chez mon concessionnaire favori dont le show room met en valeur des modèles tous plus rutilants les uns que les autres. Pour ma part, les jeux sont faits : je veux une familiale avec une puissance de 100 chevaux, un vaste coffre et sans gadget inutile pour pouvoir engranger les kilomètres de rubans autoroutiers et les meubles en kit d’un menuisier suédois. Pas de doute, c’est du classique, typiquement bobo. En bref, je veux la même voiture, en plus jeune de 3 ans.

Des cheveux gominés accompagnés d’un sourire étincelant surmontant un blazer très british font leur entrée pour me demander si, par hasard, l’on pouvait me renseigner.
Je raconte mon cahier des charges, agrémenté de quelques précisions.
Air dépité du vendeur :

-Cela ne se fait plus ! Maintenant tous nos véhicules sont équipés d’un système de contrôle ultra sophistiqué qui assure un fonctionnement optimum. Et de plus, vous gagnez en sécurité. Ainsi à chaque carrefour, votre voiture va s’arrêter, vérifier s’il n’y a pas de danger potentiel et vous en informer. Vous pourrez alors décider si vous traversez ou non ! Un vrai plus. Et puis, le mieux, c’est que vous preniez la voiture avec deux moteurs et une puissance de 300 chevaux. Mais Monsieur, je vous rassure pour l’habitacle, pas de problème, vous retrouverez l’équivalent.
Ebahi devant un tel progrès je pense à un piège caché pour me faire payer deux fois plus cher mon nouveau quatre roues.
-Pour la reprise de mon ancien véhicule, rien de nouveau ? On est toujours à 1 euro ?
-Vous avez raison Monsieur, plus personne ne veut d’engins vieux de 3 ans. Mais, par contre j’ai une excellente surprise pour vous.
Et là, sans se démonter, les cheveux brillants me questionnent sur le prix de mon ancien véhicule. Suit un sourire ravageur :
-Pour cette merveille, ce sera 30% moins cher !

Enthousiaste, je signe le bon de commande.
Le vendeur, un peu embêté, me dit alors :

-Bien évidemment je vous rajoute le kit volant-pédales car sinon ce sera un peu difficile de conduire ! Une petite option pour quelques centaines d’euros de plus.
Etonnant où vont se cacher les surcoûts aujourd’hui.
-Ah, un dernier petit cadeau. Je vous offre, gratuitement en test, pour deux mois, la fermeture centralisée des portes. Vous verrez, c’est quasi indispensable et je suis sûr que vous viendrez vous abonner pour ce service car en standard votre voiture reste ouverte et alors, gare aux voleurs !

Après m’être allégé de mes précieux euros, je passe du show room au stock de véhicule pour récupérer mon nouveau bijou surpuissant. A nous l’asphalte ! Mais là, misère, malgré trois fois plus de chevaux, je me traîne lamentablement et je suis rapidement horripilé par la voix synthétique m’annonçant régulièrement une évaluation quantifiée d’un potentiel aléatoire risque d’un danger estimé envisageable !

Histoire totalement délirante me direz-vous, et pourtant :

C’est décidé ! Ce week-end je change d’ordinateur. Je me rends chez mon magasin d’electro ménager du contrat de confiance favori dont le show room met en valeur des modèles tous plus rutilants les uns que les autres. Pour ma part, les jeux sont faits : je veux un modèle standard avec une mémoire de 1 Go, un gros disque dur et sans gadget inutile pour pouvoir engranger les surfs Internet et stocker des fichiers de bureautique et de photo. En bref, je veux le même ordinateur, en plus jeune de 3ans.

Des cheveux gominés accompagnés d’un sourire étincelant surmontant un blazer très british font leur entrée pour me demander si, par hasard, l’on pouvait me renseigner.
Je raconte mon cahier des charges, agrémenté de quelques précisions.
Air dépité du vendeur :

-Cela ne se fait plus ! Maintenant tous nos ordinateurs sont équipés d’un système de contrôle ultra sophistiqué qui assure un fonctionnement optimum. Et de plus, vous gagnez en sécurité. Ainsi à chaque connexion ou arrivée de fichier, votre ordinateur va s’arrêter, vérifier s’il n’y a pas de danger potentiel et vous en informer. Vous pourrez alors décider si vous ouvrez ou non ! Un vrai plus. Et puis, le mieux c’est que vous preniez l’ordinateur avec Duo Core et une mémoire vive de 3 Go. Mais Monsieur, je vous rassure pour la carrosserie, pas de problème, vous retrouverez votre ordinateur tour avec les prises en façade.

Ebahi devant un tel progrès je pense à un piège caché pour me faire payer deux fois plus cher mon nouvel écran bleu.
-Pour la reprise de mon ancien ordinateur, rien de nouveau ? On est toujours à 1 euro ?
-Vous avez raison Monsieur, plus personne ne veut de PC vieux de 3 ans. Mais par contre j’ai une excellente surprise pour vous.
Et là, sans se démonter les cheveux brillants me questionnent sur le prix de mon ancien compagnon numérique. Suit un sourire ravageur :
-Et bien Monsieur, pour cette merveille ce sera 30% moins cher !

Enthousiaste, je signe le bon de commande.
Le vendeur, un peu embêté, me dit alors :
-Bien évidemment je vous rajoute le kit de logiciels bureautique car sinon ce sera un peu difficile de travailler ! Une petite option pour quelques centaines d’euros de plus.

Etonnant où vont se cacher les surcoûts aujourd’hui.
-Ah, un dernier petit cadeau. Je vous offre, gratuitement en test, pour deux mois, l’antivirus. Vous verrez, c’est quasi indispensable et je suis sûr que vous viendrez vous abonner pour ce service car en standard votre ordinateur reste ouvert et alors, gare aux spywares, chevaux de Troie et autres programmes malveillants.

Après m’être allégé de mes précieux euros, je passe du show room au stock électronique pour récupérer mon nouveau bijou surpuissant.
A nous le surf ! Mais là, misère, malgré trois fois plus de puissance, je me traîne lamentablement et je suis rapidement horripilé pas les messages incessants m’annonçant régulièrement une évaluation quantifiée d’un potentiel aléatoire risque d’un danger estimé envisageable !

Epilogue

Cela remue drôlement dans le petit monde de l’informatique. Microsoft peine à imposer son nouveau système Windows Vista dans le monde professionnel. Si pour le grand public, Vista est majoritairement adopté par obligation (essayer d’acheter aujourd’hui une machine avec Windows XP est un parcours du combattant quasi impossible), le monde professionnel est particulièrement remonté contre un système très gourmand en ressources informatiques et sur lequel de nombreuses anciennes applications sont devenues incompatibles. Pire, des experts montrent que le vieux XP est souvent plus rapide que le fringant Vista. En gros, les avantages de ce dernier ne justifient pas le changement de matériel. Devant cette fronde, Dell et Hp ont réintroduit des machines sous XP et une pétition a été lancée par InfoWorld (l’équivalent de 01 Informatique) pour maintenir XP après la date fatidique du 30 juin 2008.

Leçon de morale

Attention aux innovateurs trop leaders sur un marché. Si se construire un monde parallèle peut se révéler très profitable il faut faire attention à ne pas trop tirer sur la corde, au risque de découvrir des surprises pas toujours très agréables.

Grand ou petit, gardez l’habitude d’ouvrir les « Windows ». Vos utilisateurs clients sont de vrais créatifs connaissant de mieux en mieux leurs besoins essentiels ! Et si vous trouvez que cela cloche dans votre stratégie, c’est que la stratégie est peut être à revoir.

vendredi 29 février 2008

La légende du télésiège en bois et autres « BRouillons de culture » !

Je trouve que l’évolution des remontées mécaniques est un exemple parfait de la technologie au service du client. Capteurs, actionneurs, moteurs, automates, informatique, bref tout ce qui concourt à faire de la bonne mécatronique, est mis en œuvre pour nous offrir, nous les illustres inconnus des pistes, un repos mérité dans la prise de dénivelé. Fini les téléskis sauteurs qui massacrent le dos et chauffent cuisses et biceps dans des pentes à 60 degrés. L’heure est aux télésièges 6, 8 ou 12 places et, comble du luxe, parfois chauffants. Les télécabines ultra rapides gobent les skieurs par paquets de 20. Les téléphériques se déclinent en appartements de deux étages. Bref tout est fait pour déplacer en masse nos skis élancés supportant nos augustes personnes vers le sommet nirvanesque des cimes enneigées.

Oui mais, tout cela a un défaut majeur : la promiscuité forcée est inversement proportionnelle à la qualité de la convivialité. C’est pour cela que j’adore toujours autant, LE télésiège historique, à assise bois et dossier métal, celui qui se trouve au fin fond d’une combe, au bout du bout du domaine skiable. La montée est interminable, le vent congèle les chairs mais le paysage est sublime, et les conversations avec votre voisin de galère prennent soudain une tournure d’autant plus chaleureuse que la température du corps dévale vers le bas !

C’est comme cela que je rencontrais à tour de rôle un champion de surf canadien à l’affût de nouveaux spots, une journaliste people à la recherche d’inspiration et un petit gamin qui avait perdu ses parents (seulement de vue). La rencontre suivante aurait pu faire l’objet d’une agréable description dans le dernier roman politico financier d’un Sullitzer de plage mais nous étions en hiver. Entre la gare de départ et le premier pylône, je sus qu’elle était anglaise, de par la communication téléphonique qu’elle reçut. En fait, comme elle me l’expliqua rapidement, elle était « chief economist » dans une grande banque de la City. Elle était en mission (sauf pendant les week-end !) pour analyser in situ quelques pôles de compétitivité. Elle me demanda si je connaissais cette curiosité française, qu’ailleurs, en Europe on appelait cluster. Lui répondre par l’affirmative allait, j’en étais sûr, nous mener jusqu’au bout de ce voyage télésiègique .

« Vous comprenez, vos pôles dits mondiaux, nous les pistons au travers des grandes entreprises et de stratégies industrielles au moins à l’échelle européenne. Mais les autres sont plus difficiles à cerner. Et comme nous ne voulons pas rater quelques pépites, c’est sur le terrain qu’il faut aller » !

Nos « pépites » comme vous les appelez peuvent être constituées à 100% de PME, et être dans certains cas tout aussi mondiales, avec leurs entreprises allant chercher des marchés à l’autre bout de la planète et une visibilité qui attire de grands investisseurs internationaux.

Elle sourit : « je suis au courant ! Nous avons participé à plusieurs tours de tables pour des entreprises pas bien loin d’ici ».

- Me permettez-vous une autre segmentation ?
- Allons-y ! Nous avons encore bien des pylônes à franchir !
- Que diriez-vous des pôles grappes et des pôles toiles ?

A son air étonné je savais que je pouvais pousser l’avantage.

-Un pôle mondial, est l’organisation d’une grappe d’entreprises et de laboratoires autour de quelques groupes mondiaux. La cohérence d’ensemble est donnée par la stratégie du groupe. A l’inverse un pôle dit national me semble trouver sa valeur dans la densité des échanges entre les entreprises réunies sur une même zone de chalandise. La logique est alors bien différente. Là où, dans un cas, on accompagne une filière industrielle marché, on va, dans l’autre, structurer des bonnes pratiques d’échange et de partage et créer ainsi un réseau d’entreprises, souvent des PME, capable de s’adapter à une grande variété de donneurs d’ordres. C’est pour cela que nous le qualifions de pôle en toile, par analogie au réseau Internet dont la robustesse est intimement liée à la multitude des chemins d’accès et des nœuds de connexions.
- Oui me dit-elle mais ces PME, de par leur taille, ne font pas de R&D et c’est bien le point faible que nous détectons !
- Et c’est bien pour cela que ce type de pôle fonctionne différemment ! Si un grand groupe de 50000 personnes localise des équipes importantes dans des centres de recherche, il est vrai que la démarche est impossible pour une PME de 50 salariés. Mais si vous arrivez à structurer 100 entreprises de cette taille autour de projets communs vous retrouvez sans problème la taille critique, et, d’autant plus que vous y ajoutez de grosses PME de 500 à 2000 personnes (les gazelles dans le jargon convenu)
- Cela c’est de la théorie, mais, dans la pratique ça ne doit pas bien marcher !

Je crois que je commençais à perturber quelque peu les modèles de la « Chief economist » londonienne.

- Ca ne marche pas, en effet, si on laisse simplement faire ! Mais un pôle de ce type, une fois qu’il a démarré est un véritable bouillon de culture. Toutefois comme en chimie, il faut des catalyseurs pour entretenir la réaction. Nous avons les « sherpas » qui font passer l’idée du stade de « BRouillon de culture » à celui de projet. Les « adaptateurs d’impédance » sont là pour « digérer » les résultats de la recherche fondamentale et les transformer en données exploitables par les PME. Les « diffuseurs » mettent au point les séminaires et les formations pour toucher le maximum d’entreprises. En fait, notre stratégie est toute simple : permettre à chacun d’être « best in class » dans son domaine. Certaines vont s’engager dans des projets de rupture technologique sur le modèle classique des pôles, d’autres vont améliorer leurs procédés de fabrication, d’autres encore préfèreront travailler leur organisation industrielle.
- Mais ce n’est pas de la R&D !
- Peut-être pas si on le regarde avec notre vision européenne. Les japonais appelleront cela de l’amélioration continue et pour eux c’est bien de l’innovation !

Les deux derniers pylônes nous rappelaient que l’arrivée était proche.

- C’est étonnant ! Mais avec un tel programme, vous n’êtes pas un peu attrape tout ? Me dit-elle avec un rire dans la voix.
- Et c’est bien cela qui est intéressant. Nous adaptons en permanence notre mode de fonctionnement aux besoins des industriels. Nous construisons le modèle en avançant. Là où l’on disait que les PME ne faisaient pas ou peu de R&D, nous démontrons le contraire.
- Tout le monde est actif ?
- Bien sûr que non ! Et pourtant nous récupérons tous les mois une dizaine de nouvelles entreprises : nous avons déjà 200 membres. Certains viennent chercher un simple label alors qu’à l’inverse d’autres ont intégré le pôle dans leur stratégie, y compris commerciale, vis-à-vis de leurs clients !

La montée avait pris moins de temps que nous ne l’avions cru. La « chief economist » avait encore de nombreuses questions, mais elle était là, avant tout, pour la splendide poudreuse qui recouvrait les pentes.

J’eu dans les jours qui suivirent un prolongement téléphonique pour parler des projets de niches, de notre visibilité internationale, de la cohérence avec l’économie territoriale, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, des financements de l’investissement et de biens d’autres spécificités. Tout un programme !

Epilogue

Cher ami lecteur, comme vous l’aurez deviné, les lieux, les personnages et les circonstances de cette « légende du télésiège en bois » sont peut-être sortis de l’imagination débridée de votre chroniqueur mensuel, pour les besoins de cette newsletter. Toutefois, si vous croisez au fin fond d’une combe, au bout du bout d’un grand domaine d’altitude, une « légende » aux longs cheveux bruns avec une pointe d’accent anglais, vous saurez qu’elle obtint de sa banque d’affaire, un complément d’enquête pour consacrer plus de temps à l’analyse de ces « petits pôles pépites ». De plus, elle augmenta très notoirement le « rating » d’une zone blottie entre l’altesse silhouette du Mont-blanc et le romantisme bucolique de lacs alpins et qui avait choisi pour thématique « du décolletage à la mécatronique » ! What else ?

mardi 1 janvier 2008

SUR LE CHEMIN DU PARADIS

La fin d’année 2007 s’annonçait sous les meilleurs auspices pour qui savait lever un peu la tête : après une précédente saison morose, les montagnes s’étaient recouvertes d’une épaisse couche de neige, grâce au conflit titanesque entre une goutte froide venue de l’Arctique et une masse humide océanique.

C’était donc vrai : le blanc redonnait des couleurs aux exploitants de station ! Ce qui, pour le physicien, n’avait rien d’étonnant vue que l’immaculé n’est rien d’autre que la fusion de tous les pastels réunis.

Pour l’auteur de ces lignes qui courrait dans la campagne pour aérer ses neurones, la cause était entendue : la première chronique de 2008 serait aussi légère que la poudreuse qui ne manquerait pas de jaillir de sous les spatules.

Las ! L’actualité semblait vouloir oublier les bienfaits de la trêve de Noël. Le Pakistan s’enflammait après l’assassinat de Benazir Bhutto. Le Kenya trouvait des utilisations dramatiques aux machettes et les otages colombiens gardaient leur statut d’otage.

Non je vous dis, il était difficile de sourire.

Heureusement il nous restait le Paris-Dakar. Quoi ? Ce n’est plus qu’un Lisbonne-Lisbonne ! Cela va être encore plus dur de rêver de dunes.

Alors tant pis, je regarderai les beaux yeux de Carla, j’écouterai sa voix suave et sa douce guitare dans son prochain album. Quoi ? Carla se consacre à une toute nouvelle destinée ! Mais que vais-je mettre dans mon lecteur de CD ?

Dernière roue de secours pour me consoler, un tout petit ouvrage, succès inattendu de librairie, que je ne saurais trop vous conseiller pour accrocher un sourire quasi perpétuel à vos visages. Son titre « pourquoi les manchots n’ont pas froid au pied et 111 autres questions stupides et passionnantes ».

N’attendez pas ici de grandes envolées du type qui est l’Homme, d’où vient-il, ou va-t-il ?

N’y cherchez pas non plus les réponses définitives des Encyclopédistes du grand siècle des lumières.

Ce livre n’en est en fait pas un. A la vision de sa couverture, un pingouin en charentaises, on pourrait s’attendre à un savant mélange de Nicolas Arthus-Bernand et de Yan Hulot, du genre les magnifiques photos des ravages de la pollution sur la sauvage Ushuaia vu du ciel. Mais non, à l’intérieur, « c’est de science que ça cause », et de façon originale.

L’idée a germé en 1994 à la rédaction du New Scientist de créer une rubrique de lecteurs « The Last World », un brin ébouriffante, comme seuls les anglais savent le faire (pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare, le New Scientist pourrait ressembler à une recette éditoriale mélange de vulgarisation à la mode « Science et Vie » et d’éclairage scientifique version « La recherche »).

Le principe : partir du gigantesque corpus des questions réputées idiotes et faire confiance au lecteur pour obtenir la réponse la plus complète et la plus inattendue. Le résultat est pour le moins surprenant. Vous saurez enfin pourquoi il est interdit d’avoir un thermomètre à mercure dans un avion, vous découvrirez la formule chimique d’un être humain, vous connaitrez l’heure au pôle nord, vous comprendrez le claquement du fouet et vous résoudrez le mystère de la forme ovale des œufs.

Pour nous qui tentons de marier mois après mois économie et technologie, nous avons trouvé les questions essentielles :
- Pour le fabricant de poêles qui n’attachent pas : pourquoi lorsque l’on verse de l’huile, sa surface s’orne de petites cellules en nid d’abeilles ?
- Pour le spécialiste de biométrie : pourquoi avons-nous des empreintes digitales ?
- Pour un célèbre roulementier automobile : pourquoi le volant d’une voiture revient-il tout seul en place après un virage ?
- Pour le constructeur d’instrumentation dentaire : d’où vient la douleur causée par le contact entre un plombage et du papier alu ?
- Pour l’industriel agroalimentaire du gruyère à trous : pourquoi le fromage fondu fait-il des fils ?


Vous l’aurez compris, ce livre est bourré de questions tout aussi inutiles qu’indispensables dont certaines restent toutefois très perturbantes : peut-on réduire l’effet de serre en peignant les toits en blanc ?

Alors un petit conseil, dépensez sans scrupule 14 euros : vous éviterez le divan du psy, vous renforcerez vos zygomatiques, vous ferez oublier aux fumeurs leur désir de cigarettes autour d’une bonne bière au bar et vous brillerez le soir dans les dîners en ville.

Sur le chemin du paradis, une route vicinale dont la déclivité ferait plutôt penser au purgatoire, un joggeur de post réveillon souffrait (soufflait ?) le martyre, se demandant s’il verrait bientôt le bout de la côte et quel pourrait bien être le sujet de sa future chronique de janvier !