jeudi 31 décembre 2009

Le plein de sourire pour bien commencer 2010


Le site de Deloitte a référencé 25 des meilleures pires prévisions technologiques... toutes plus foireuses les unes que les autres :
Un moyen de se rappeler que stratégie doit aussi se conjuguer avec modestie et philosophie !


Avant 1900

« Les inventions ont atteint leur limite, et je ne conçois aucun espoir pour de développements futurs. »
- Julius Sextus Frontinus, ingénieur romain, 100 ans apr. J.-C.

« Les gens bien renseignés savent qu’il est impossible de transmettre la voix par des câbles et que, même si cela était possible, cette chose n’aurait aucune valeur pratique. »
- Boston Post, 1865

« Les Américains ont besoin du téléphone, mais nous n’en avons point. Nous avons suffisamment d’hommes messagers. »
- Sir William Preece, chef ingénieur de la Société des postes britannique, 1874

« Ce "téléphone" connaît trop de ratés pour être sérieusement considéré comme un moyen de communication. L’appareil n’a aucune valeur intrinsèque pour nous. »
- Note de service à la Western Union, 1876

« Tout ce qui peut être inventé a été inventé. »
- Charles H. Duell, commissaire, bureau des brevets des États-Unis, 1899.

De 1900 à 1949

« Théoriquement, la télévision est possible, mais je la considère comme une impossibilité – une percée à laquelle nous ne devrions pas perdre de temps à rêver. »
- Lee de Forest, inventeur du tube cathodique, 1926

« Qui donc veut entendre les acteurs parler? »
- H. M. Warner, Warner Brothers, 1927

« Le problème avec le téléviseur est que les gens doivent se coller à l’écran, et l’Américain moyen n’aurait pas le temps de faire cela. »- Le New York Times, 1939

« Je crois qu’il y a un marché mondial pour peut-être cinq ordinateurs. »
- Thomas J. Watson, président du conseil d’administration d’IBM, 1943

« La télévision ne saurait conserver toute part de marché après les six premiers mois. Les gens se lasseront vite de fixer une boîte de bois tous les soirs. »
- Darryl Zanuck, dirigeant à la 20th Century Fox, 1946

« Les ordinateurs du futur ne pourraient pas peser plus que 1,5 tonne. »
- Popular Mechanics, prédiction sur la marche implacable de la science, 1949

« Il semblerait que nous ayons atteint les limites du possible avec la technologie informatique. »
- John von Neumann, informaticien, 1949

De 1950 à 1999

« J’ai voyagé d’un bout à l’autre de ce pays et j’ai parlé aux gens les plus avisés, et je puis vous assurer que le traitement des données est une mode qui ne saurait durer jusqu’à la fin de la présente année. »
- L’éditeur en chef des livres d’affaires pour Prentice Hall, 1957

« Avant que l’homme ne se rende sur la Lune, votre courrier sera livré en quelques heures de New York à l’Australie au moyen de missiles guidés. Nous sommes à l’aube de la poste missile. »- Arthur Summerfield, maître de poste américain sous Eisenhower, 1959

« Le marché potentiel mondial pour les machines à photocopies est de 5 000, tout au plus. »
- IBM, 1959

« Mais quelle utilité pourrait donc avoir un circuit intégré? »
- Division des systèmes informatiques avancés d’IBM, 1968

« Il n’existe aucune raison pour quiconque de vouloir un ordinateur à domicile. »
- Ken Olson, président et fondateur de Digital Equipment Corp., 1977

« Nous ne fabriquerons jamais un système d’exploitation à 32 bits. »
- Bill Gates, fondateur de Microsoft, 1983

« Au tournant du siècle, nous vivrons dans une société sans papier. »
- Roger Smith, président de General Motors, 1986

« Je prédis qu’Internet... sera une supernova et qu’en 1996, il s’effondrera de façon catastrophique. »
- Bob Metcalfe, fondateur de 3Com, 1995

« La société Apple est déjà morte. »
- Nathan Myhrvold, ancien chef de l’information chez Microsoft, 1997

Après 2000

« Nous prévoyons que l’année 2001 sera une autre année de forte croissance avec une croissance du marché de 25 à 30 pour cent, et pour ce qui est de nous, la croissance sera encore plus rapide. »
- Pasquale Pistorio, chef de la direction de STMicroelectronics, 2001

« Le pourriel sera mort dans 24 mois. »
- Bill Gates, fondateur de Microsoft, 2004

« Il n’y a pas beaucoup de vidéos que je désire regarder. »
- Steve Chen, cofondateur de YouTube, 2005

« Noël prochain, le iPod sera mort, fini, disparu, fichu. »
- Sir Alan Sugar, fondateur d’Amstrad, 2005




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mardi 1 décembre 2009

Les premières voitures électriques arrivent à Noël !

Oyez, oyez, Ecolo-citoyens !
Les grands de ce monde se retrouvent pour parler climat au « sommet » de Copenhague.


Bizarre ce terme de sommet, dans un pays dont l’altitude moyenne ne dépasse pas 30 mètres et le point culminant 173 !

Non, on aurait mieux fait de parler de « remise à plat », histoire d’essayer de faire converger des positions antagonistes. A moins que le terme de « table rase » soit plus pertinent, si par un coup de baguette magique, les chefs d’Etat, faisant fi du passé, prenaient soudain des solutions coordonnées. Le pays des éoliennes deviendrait alors celui qui aurait réussi à faire souffler un vent nouveau sur un dossier complexe, balayant les égoïsmes individuels. Car, au delà des grands enjeux, la question est bien de se dire « et moi, qu’est ce que je fais ? ».

Oyez, oyez, Ecolo-citoyens les propos de Christian Gladieux, rédacteur en chef de CAD magazine, qui, sur ce thème, a sorti à l’automne, un édito fort réjouissant et que nous reproduisons avec sa très aimable autorisation.

Et si on restait chez soi ?


Interrogé sur l’objectif de son projet de location de voitures en libre service, le fondateur de Mobili’b lancé à Toulouse expliquait qu’il souhaitait que « les citoyens prennent en charge eux-mêmes leur mobilité urbaine ». C’est trendy, limpide, concis. En moins de dix mots, cet ingénieur à la retraite place dans la même incise : citoyens, mobilité et urbain ! Du grand art.
Et tout en souplesse, sans affadir, il suggère l’éco responsabilité, le comportement alternatif, le démocrate…du lourd quoi. PFFF, j’aimerais savoir lancer ce genre de phrase qui vous positionne immédiatement au-dessus du commun des bobos. Hélas, j’ai l’esprit d’escalier et un faible inavouable pour les gros cubes, passion peu compatible avec la green attitude ambiante.
En même temps, la portée du truc m’effraye. L’époque de l’insouciance est révolue, place à la réflexion, au raisonnable. « Pour aller chez Rosalie, on prend ta bagnole ou la mienne ? » se transforme en « Évaluons ensemble ce projet de mobilité auquel nous convie Rosalie, afin d’en définir les modalités d’action impactant le plus faiblement possible notre environnement et nos capacités financières. » Bref, ça se complique. Nous entrons dans l’ère de la multi-modalité ! Le choix ne se limite plus à sélectionner un moyen de transport pour effectuer un déplacement en fonction du lieu où nous nous rendons. Nous devons repenser complètement nos besoins en la matière, qu’ils soient ponctuels ou globaux. Et les alternatives se multiplient : transport en commun, à la carte, voiture personnelle, co-voiturage, véhicule en libre service, location classique, vélib, motos, scooters…
OK, vous avez fait le choix irresponsable d’acheter une voiture individuelle, égoïste que vous êtes. Ce n’est pas la fin de vos incertitudes pour autant…Car l’acquisition d’un véhicule se limitait, il y peu, à une alternative relativement maîtrisable. C’était « kéké » ou père de famille, essence ou diesel, grise ou noire, point barre ou presque. Ce que nous préparent les constructeurs automobiles laisse augurer un choix nettement plus cornélien, aucun consensus autour d’une seule technologie ne se détachant réellement. Et il y a fort à parier que nous croiserons encore sur nos routes pendantes les trente prochaines années des voitures à moteur thermique (essence, diesel, biocarburant), électriques, hybrides, et même à pile à combustible.

Alors que dois-je acheter ?

L’achat est-il le bon choix ? Hybrides ou électriques ? Trois ou cinq portes ? Métro ou boulot ? Dodo ou moto ? J’sais plus, ça m’angoisse…
Eh oui, c’est ça « prendre en charge sa mobilité urbaine », c’est pas un truc marrant !

Oyez, oyez, Ecolo-citoyens les soupirs de votre innovato-chroniqueur favori qui aurait bien aimé écrire lui-même cette édifiante prose, car l’écologie personnelle, n’est pas toujours facile à mettre en œuvre et encore moins à illustrer.

Oyez, oyez, Ecolo-citoyens l’annonce en exclusivité, pour cette dernière chronique de l’an de grâce 2009, de l’arrivée, dès Noël, des premières voitures électriques lithium Ion.

Elles seront disponibles dans de multiples coloris, en deux roues motrices avec une carrosserie légère en plastique et à des prix raisonnables, preuve que les grandes séries peuvent faire baisser les coûts de production. Seul hic, elles seront à conduite … téléguidée.

Leurs heureux propriétaires les découvriront sous certains sapins scintillants, croulant sous les guirlandes et autres boules féeriques. Ne faites pas cette tête là ! Il y en a encore beaucoup de gentilles frimousses qui croient au Père Noël … et c’est heureux !

Alors en attendant l’écologique traîneau à rennes, nous vous souhaitons de bonnes fêtes à tous.

mardi 10 novembre 2009

Beaujolais Seven

Il arrive ! Il arrive !

La tension est palpable. L’impatience est grandissante. D’ailleurs, votre comportement vous trahit : les yeux pétillent, les papilles frétillent, la respiration se fait rapide. Bref tout ce qui caractérise une mise en alerte de tous les sens.
Dans cette période d’attente, chacun maîtrise son stress à sa manière : certains astiquent les cuivres, d’autres font reluire les verres. Car s’il est si attendu, c’est que l’on parle de lui comme d’un millésime exceptionnel réussissant à allier l’inconciliable : la légèreté, la densité et la convivialité.

Car Windows Seven, c’est parait-il tout cela : un outil stable, rapide et réellement debuggé.

Là, je sens, cher lecteur, comme un vent de désespoir ! Tu t’attendais à ce que je te parle du contenu d’une dive bouteille et tu découvres que mon propos concerne une vulgaire galette de plastique, gavée de 0 et de 1. Mais l’histoire qui suit est tout aussi passionnante, car l’inconcevable est arrivé !

Monsieur Microsoft a décidé de se débarrasser au plus vite de Windows Vista, son précédent système d’exploitation. Vous savez ce que c’est un système d’exploitation ? En théorie, c’est ce qui permet à un ordinateur de fonctionner. Dans la réalité, Microsoft, avec Vista, avait innové en inventant le premier système d’exploitation capable d’arrêter tout ordinateur classique, tant la puissance de calcul nécessaire était importante et les incompatibilités nombreuses. Vista n’avait pas que des défauts. Il avait même un avantage majeur, celui d’avoir été le meilleur VRP des fabricants de mémoire et de microprocesseurs. Contre partie, Vista s’est, de fait, coupé d’une très grosse partie des marchés professionnels, les responsables informatiques ne se voyant pas renouveler tout leur parc de PC pour un « simple» changement de système d’exploitation.

Il en a été de même dans le grand public où, pour rester présent dans le marché émergeant et futuriste des micro PC (les « netbook »), Microsoft a dû rappeler en catastrophe son « vieux » Windows XP qui, seul, permettait de faire tourner ces petits bijoux de simplicité.

Vista part à la poubelle et claironne l’arrivée de Windows 7 : prononcez seven (in english dans le texte) si vous voulez montrer que vous connaissez le sujet.
Bizarre d’ailleurs ce chiffre de 7, quasiment mystique, voire ésotérique. Ce n’est pas en effet la septième version puisque, si l’on fait le calcul depuis la naissance de la « fenêtre » en 1985, on doit arriver au moins à une bonne dizaine de versions.
Anxiogène ensuite pour monsieur Michu, client standard de PC standard, tourmenté par la question suivante : Seven sera-t-il fiable ? Et là je réponds sans hésiter, oui à 100%. Pourquoi ? Parce ce que Microsoft rate un système d’exploitation sur deux ! Windows 95/98 génial, Windows 2000/Millénium oublié, XP parfait, Vista poubellisé à vitesse grand V et donc Seven à priori de qualité.

Pourtant cette sortie ultra médiatique ne doit pas camoufler une guerre mondiale en cours et une révolution culturelle annoncée.

- La guerre quasi nucléaire est celle que se livrent les deux grands acteurs majeurs de notre PC, j’ai nommé Microsoft et Google. Google, hégémonique moteur de recherche et maître d’Internet, a voulu attaquer Microsoft en proposant une suite bureautique gratuite. Microsoft a répliqué en créant Bing, un moteur qui ressemble furieusement, dans sa fenêtre d’accueil, à la simplicité esthétique de son concurrent. Google réattaque en annonçant son propre système d’exploitation lui aussi gratuit alors que Microsoft s’engage avec Seven dans la gestion des ressources informatiques partagées sur internet, que les spécialistes jargonnent « cloud computing » (l’informatique des nuages).

- Et c’est bien là que se situe la véritable révolution culturelle. Pourtant, à première vue, Demain sera comme avant-hier. Les « vieux du dernier siècle » dont je fais partie, ont connu les terminaux, machines peu intelligentes reliées physiquement à de gros ordinateurs dédiés. C’est robuste, pas très souple en terme d’architecture mais rudement sympa pour faire les mises à jour. Demandez à votre responsable informatique les affres et autres cauchemars des journées de mises à jour, voire des migrations de parcs de centaines de PC. Avec la vieille informatique centralisée, il suffisait de mettre à jour le gros ordinateur pour que tous les utilisateurs soient instantanément à niveau. Le cloud computing referait un peu la même chose mais à l’échelle de la planète avec le soutien d’un « Internet nouveau ». Nos petites machines informatiques, toujours à jour, deviendraient alors de fabuleuses portes d’entrée d’une gigantesque puissance de calcul, partagée et sécurisée.

Cela vous donne le vertige ?

Il est donc temps de revenir sur terre en débouchant une bonne bouteille de Beaujolais Seven. Seven pour sept. Car le millésime 2009 sera la septième merveille du monde tant il est annoncé comme exceptionnel. Vous pouvez le croire sans retenue : c’est mon cafetier barbu préféré qui me l’a dit … et lui, c’est un vrai spécialiste : il ne m’a jamais trompé !

vendredi 2 octobre 2009

La vallée oubliée

La neige et le froid recouvrent un paysage vallonné où quelques rares fermes tentent de grignoter de maigres espaces à la forêt envahissante. La piqûre de l’air glacée ne fait pas que bloquer les hommes et les bêtes à l’intérieur. Elle fait se recroqueviller les veines du bois pour en faire une matière à nulle autre pareille. L’arbre, altier dans la vallée, prend ici une allure toute aussi chétive que robuste. Un trésor que vont savoir manier des générations d’habitants.

Il s’appelait François, à moins que ce ne soit Paul ou Yves. Il était parti loin, très loin au-delà des montagnes et découvrit les boites à pharmacie en bois, ancêtres de nos piluliers et autres blisters en plastique ou carton. Entré au pays et maniant le rabot, il compris bien vite que son bois, si commun ici, était en fait une ressource précieuse lui permettrant d’imiter, mais surtout d’améliorer la qualité de fabrication de ce contenant pharmaceutique.
Fin de l’acte 1.

Ils étaient maintenant des dizaines à produire de petites boites à pilules et autres pommades. Lui s’appelait Germain, il ne se savait pas innovateur mais il allait, par une idée de génie, décupler, centupler le marché. Cette insignifiante boite allait devenir une boite à fortune en passant de la « crème, sent bon » au « fromage qui pue ». La boite à fromage était née.
Fin de l’acte 2.

Ils étaient des centaines, paysans l’été, boisseliers l’hiver. Ils étaient devenus des maîtres incontestés. Le rabot avait fait place à la targeuse, le compas tranchant à la rondeuse, la colle au clou, le clou à l’agrafe. Une véritable industrie était née et prospérait. Dit en langage savant, ils possédaient à merveille les leviers de l’innovation incrémentale. Que pouvait-il leur arriver ? Champions, ils étaient, champions ils seraient.
Fin de l’acte 3.

Telle une tornade, la boite en carton, arrivant soudainement sur le marché, allait rebattre toutes les cartes. Ce nouveau matériau réunissait bien des avantages : léger, facile à manipuler, imprimable et économique. Face à cette révolution, la production même optimisée à base de bois perdait tout avantage. Maîtres du bois, mais aveuglés par leur succès, personne n’avait vu le danger potentiel de cette innovation de rupture. La vallée de la boîte en bois se mourrait.
Fin de l’acte 4.

Triste fin ? Non ! Car le climat dur avait appris à ces hommes et à ces femmes l’adaptation, la souplesse et l’obstination face à un environnement hostile. Sur les restes d’une industrie florissante, une nouvelle génération se mit en route, innovant en associant des technologies alliant le bois au carton puis découvrant le plastique, innovant dans la distribution en construisant des usines près des grands fromagers.

Dans cette vallée reculée, perdue au milieu des épicéas, la renaissance était en route. Une entreprise devenait, en quelques années, leader mondial de la boite à fromage par une perpétuelle course à l’innovation de rupture. Un autre, restant dans la tradition d’excellence la plus pure, développait des marchés de niche.
Fin de l’acte 5.

Histoire étonnante, méconnue et pourtant si moderne.
Le 19ème siècle avait vu naître dans les vallées montagnardes le concept de double activité, mélange de métiers agricoles et d’ateliers industriels. Le 20ème siècle transforma cette économie particulière en industrie florissante. La tradition du peigne d’Oyonnax a donné naissance à la plastic vallée, le clou de Morez, en s’étirant, s’est fait lunette, l’usinage des banales vis des origines transforma la vallée de l’Arve en capitale du décolletage et de la mécanique de haute précision.

Mais qui sait encore que, sur les hauts plateaux du Jura, la vallée de l’Orbe, connue pour la station des Rousses, avait vécu une évolution qui mériterait de figurer dans bien des livres de management moderne :
- Démarrage sur un petit marché pour « se faire la main », suivie de l’application d’une technologie maîtrisée à un marché de masse.
- Optimisation continue des techniques de fabrication pour garder l’avantage concurrentiel.
- Syndrome du Leader qui ne voit pas l’arrivée de produits de substitution.
- Rebond enfin, grâce à la capacité de remobilisation sur de nouvelles techniques et de nouveaux services.

L’histoire de la boite à fromage est exemplaire à deux titres.
1- Gardons en tête, la nécessité d’équilibrer en permanence les ressources consacrées à l’innovation incrémentale et à l’innovation de rupture, pour ne pas passer par ce fichu stade du syndrome du leader. Cela évite bien souvent qu’autre chose que le fromage ne coule ! Cà, c’est la morale bien morale que nous transmet la Vallée oubliée.
2- Mais peut-être encore plus important, est ce mystère quasi génétique de la capacité infinie à rebondir. Même dans les moments les plus sombres, il y a de nouveaux entrepreneurs prêts à prendre le relais. L’histoire de la Vallée oubliée est bien celle d’une superbe histoire sans fin, pépite d’optimisme à l’état pur.

Voilà bien le vrai cadeau que nous offre la Vallée oubliée.

mardi 1 septembre 2009

Le mystère du café croissant

Ici, les parasols gorgés de soleil ont rejoint le coin reculé d’une cave obscure. Là, des chaussures de randonnée, toutes essoufflées, vont profiter d’un repos bien mérité sur la plus haute étagère d’une armoire aux portes grinçantes. Plus loin encore, la crème anti bronzante va demander à sa collègue auto-bronzante de la remplacer. Autant le dire tout de suite, la rentrée est bien là. Restent les souvenirs de vacances qui renaîtront au gré du temps, à la vision de ces millions de photos que le touriste moyen se doit de consommer, l’œil rivé à son viseur numérique. Il y a d’ailleurs un « je ne sais quoi » de fascinant dans cette apparente contradiction entre l’instantané du temps, figé par la photo et la durée de la situation qu’elle raconte. Opposition entre le temps physique du pixel saisi au centième de seconde et du temps émotif des heures de nos souvenirs.

Peut-être pensez-vous que votre chroniqueur mensuel est tombé dans la marmite d’une philosophie de supermarché. Erreur ! Comme toujours, ces introductions ne sont qu’une mise en jambe, qui n’a d’autre but que celui d’exercer vos neurones. Car ici, c’est du sérieux : on cause innovation. L’estival été est toujours source de rencontres étonnantes, confrontation d’histoires de mondes parallèles dont on ne peut que s’enrichir. Je vous propose donc, au travers de ces quelques lignes de regarder autrement une photo de vacances et d’écouter les histoires secrètes qu’elle nous raconte.

L’obturateur vient d’agir et son « clic-clac » fige une scène de perfection

A première vue, on est étonné par la douceur de cette ambiance feutrée où tout s’écoule sans heurt : à coup sûr, un outil de production parfait. La preuve : la traçabilité du « produit » entrant est assurée de manière légère mais systématique. Un contrôle actif anticipe les besoins d’alimentation des différents postes. Il est facile de répondre à la demande car tout est positionné à la bonne place : à tous les coups ils font régulièrement des 5s (pour ceux qui ne parlent pas en sigles, prononcez « cinq èsse »).

Un point de surcharge apparaît. Immédiatement les opérateurs se reconfigurent pour faire face à ce manque localisé de ressources critiques : polyvalence des postes.
Ici, un incident survient. Le technicien présent à proximité, remonte instantanément l’information pour que le service concerné traite le problème : fluidité de l’information, source d’efficacité. Plus encore, une amélioration du système est immédiatement mise en place : du Kaisen à l’état pur (pour ceux qui ne maîtrisent pas la nippone langue, prononcez « caille zen »).
Là, les stocks de matières premières sont livrés juste à temps et en quantité suffisante : perfection d’un Kanban. Plus loin un nettoyage régulier prouve une extrême conscience de la pollution particulaire.
Tout responsable de production, tout ingénieur qualité se régalerait à visiter cet atelier modèle. C’est du « lean managment » de très haute volée (pour ceux que l’anglophilie révulse, prononcez « line management »). Est-ce une usine Toyota ? Un laboratoire pharmaceutique ?
Cher lecteur, tu n’y es pas du tout ! Ton cerveau aurait-il succombé aux ravages de siestes alanguies rythmées par le crissement des cigales ? Regarde de plus près cette photo : il s’agit simplement du « ballet » des serveurs en pleine action dans un grand hôtel, délivrant le petit déjeuner matinal à des clients endormis.
Quelques explications de texte pour ceux qui n’auraient rien compris à cette curieuse histoire. Le « Lean management » est un ensemble de techniques qui vise à optimiser la performance industrielle. Elle utilise différents « outils » pour mieux ranger (5s), améliorer en continue (Kaisen), gérer au plus juste (Kanban), etc.
Je ne pense pas que le personnel de l’hôtel ait jamais entendu parler de Lean management. Pourtant, il le maîtrise à la perfection car, au-delà des outils, c’est la motivation de toute l’équipe et sa volonté de répondre au mieux, sans excès et dans les délais, aux attentes du client qui transpire de cette photo de vacances.

Les francophones ont gardé le terme anglais de « Lean » car sa traduction littérale, « maigreur », semble loin du concept qu’il véhicule. Je lui préfère le terme de « management de la sobriété » qui développe une valeur morale, éthique et partageable par tous. Sobriété dans l’action efficace et sans superflu. Sobriété liée aussi à un nombre limité de procédures faisant appel à l’intelligence de l’individu et laissant la liberté de s’ajuster à des situations souvent uniques.
On ne peut faire du bon Lean qu’en alliant outils, culture d’entreprise et management adapté. Car le Lean, loin de sa fausse image de carcan procédural est avant tout un moteur d’innovation continue.

Voilà bien le message secret que nous délivre ce café-croissant.

mercredi 1 juillet 2009

L'araignée, l'éléphant et le Goeland

Il y a bien, bien longtemps, dans un autre monde, des animaux se morfondaient.

Au fin fond de la savane, un éléphant regardait passer un vol d’oies sauvages. « Je suis le plus grand des animaux, on me respecte pour ma sagesse mais je ne peux pas m’élever dans les airs. »

Volant au dessus des flots, un goéland regardait vers le ciel. « Je suis capable de résister aux tempêtes, je peux franchir les océans, mais le soleil va toujours plus vite que moi. ».

Sur une plage tropicale, une araignée admirait la lune. « Je suis ici sur le sable chaud, mais la belle sélène me reste à tout jamais inaccessible. Pourtant je voudrais bien tendre mon fil vers ce brillant joyau ».

Tous les trois, allèrent faire part de leur demande au roi des animaux. Celui-ci, après les avoir longuement écoutés, leur délivra ce message. « Pourquoi considérez-vous les barrières comme infranchissables ? Vos rêves doivent être des moteurs et pas des sources de frustrations. Volez, courez, sautez sans limites et rien ne vous résistera. »

Ils s’appelaient Jumbo, Concorde et Apollo. C’était il y a bien, bien longtemps sur une autre planète, dans un tout autre millénaire.

Si je vous raconte cette fable, c’est que nous célébrons, par une curieuse coïncidence, les 40 ans des premiers vols du Jumbo 747, du Concorde 001 et de l’arrivée du premier homme sur la Lune.

Cette étonnante conjonction ne doit rien au hasard. Rappelez-vous ! 1969, c’est l’époque où l’industrie est reine, où le summum de la réussite est d’être ingénieur. Epoque de l’innovation technologique à outrance. Ere des « techno boys ».

Le 747 est le cri de survie génial d’une société Boeing qui venait de perdre un énorme marché de gros porteur militaire.
Concorde est la réponse réussie des « vielles nations » au projet concurrent de HSCT de l’oncle Sam.
Apollo siffle la fin de partie entre l’URSS et les USA dans une course effrénée aux lanceurs spatiaux de grande puissance.

3 projets qui, chacun à leur manière, ont marié un rêve d’ingénieurs et un esprit politique visionnaire.
Boeing voulait répondre avant l’heure à une demande du tourisme de masse.
Concorde marque la volonté d’un De Gaulle de construire une aéronautique européenne indépendante.
Apollo, c’est la force d’un Kennedy pour entraîner toutes les énergies d’une nation dans un match où la première mi-temps était en faveur des « hommes en rouge », avec le succès de Spoutnik et de Gagarine.

Mais ces trois projets, malgré la charge du symbole qu’ils représentent, marquent aussi la fin de l’époque de l’ingénieur roi ! 1969, c’est l’apothéose de ce que certains ont appelé les Trente Glorieuses et dont on tire le rideau de fin, en 1973, avec le premier choc pétrolier.

Le cycle économique suivant n’a pas de nom. On pourrait suggérer celui des Trente Oublieuses, car nos pays occidentaux « oublient » les fondamentaux de l’industrie pour se jeter à corps perdu dans les services et la finance. Fini les ingénieurs et vive les golden boys !
L’araignée, l’éléphant et le Goéland, synonymes des grands succès de cette société du virtuel s’appellent Google, Vivendi ou Lehman Brothers.

En fait, c’est plutôt le monde occidental qui bascule, en considérant avec un certain dédain cette industrie qui a pourtant été créatrice de valeur. Les pays émergeants d’Extrême Orient connaissent des « trente glorieuses » à un rythme accéléré, alors que nous créons des bulles : bulle des matières premières, bulle immobilière, bulle Internet, bulle des subprimes.
Remarquez ; cela n’est pas tout négatif ! Durant ces Trente Oublieuses, le monde est devenu global, nous permettant de nous approvisionner dans un supermarché planétaire. Une télé coréenne, un téléphone finlandais, des chaussures italiennes, un jogging indien, une voiture française, un ordinateur américain, voilà bien notre quotidien.

Oui mais, la fin de ces « Trente Oublieuses », avec la monstrueuse crise qui nous submerge, nous laisse un goût amer en bouche. Une sorte de grand KO généralisé.

Pourtant ne soyons pas nostalgique de ce fabuleux exploit qui a fait vibrer l’Humanité toute entière en ce mois de Juillet 1969.

En sortant de la crise actuelle, nous entrerons dans un nouveau cycle des trente quelque chose, puisque notre monde moderne fonctionne avec cette régularité de « métronome de génération ».

Certains disent que ce sera l’ère des « green boys », celle d’une humanité respectueuse de son environnement, nourrie à coup de bons sentiments Al Goresques ou Yan Arthus-Bertrantesques et de peurs calorifico-climatiques. Je crois plutôt que nous aurons un mixte des deux derniers cycles, associé de quelques touches vertes. Redécouvrir la valeur de son industrie, être capable d’y adosser des services de qualité sans oublier la maîtrise des ressources naturelles, voilà bien le grand enjeu.

Mais, car il y a un mais, il est difficile de faire rêver lorsqu’on parle de budget et de simple comptabilité. Choisir un objectif ambitieux, innovant, sans compromis et expliquer pourquoi on veut l’atteindre, voilà bien le véritable enjeu de ce début de troisième millénaire. Il est temps de redécouvrir l’économie romantique, celle du Politique visionnaire, qui, seule peut réellement enflammer les foules.

« Nous choisissons d’aller sur la Lune dans cette décennie. Non pas parce que c’est facile, mais parce que c’est difficile. Parce que ce but servira à organiser, à mesurer le meilleur de nos énergies et de nos connaissances. Parce que c’est un défi que nous sommes prêts à relever. Parce que c’est un défi que nous ne voulons pas remettre à plus tard. Parce que c’est un défi que nous avons l’intention de gagner ».


C’est de John Fitzgerald Kennedy, un 14 octobre 1962, sept ans seulement avant le célèbre : “Ok, contact light. Houston, Eagle has landed”

Oui l’aventure continue … Il faut seulement la réinventer, parce que c’est notre raison d’être.

lundi 15 juin 2009

Le livre de la sagesse et autres tranches de salami

Le grand vide ! Tout comme Luc SkyWalker face au côté obscur de la force dans la guerre des étoiles, j’avoue avoir été tenté par l’immaculée beauté de la feuille blanche en guise de newsletter. Car l’auteur de cette prose mensuelle, fruit de cogitations dominicales et nocturnes, se demandait bien comment rebondir après un mois de mai arrosé de ponts-viaducs et une actualité qui ne prêtait pas à la franche rigolade.
Dans ce cas précis de manque d’inspiration, il n’y avait pas d’autre solution que celle de se plonger dans la tonne de bouquins entassés sur un coin de bureau, en attente de lecture. Et c’est là que se produit le miracle espéré, sous la forme d’un opuscule au sous-titre évocateur : « comment faire pire en croyant faire mieux ». Le sourire jubilatoire est alors de retour, le stylo devient frémissant, les neurones s’agitent, car nul doute que LE sujet du mois n’est pas loin.

Toutefois, en guise de pré-introduction, je vous mets en garde tout de suite quant à la suite des évènements, surtout si vous ne connaissez rien aux méthodes de travail des scientifiques. Dans ce milieu, le doute permanent et la remise en cause du « certain » doivent être considérés comme des facteurs de progrès. C’est sans doute un art de vivre inconfortable mais c’est grâce à cela que vous vous déplacez sur une terre ronde sans avoir peur d’arriver à l’extrémité du monde, que la pomme de Newton ne tombe plus tout à fait pareil depuis que Einstein est passé par là, ou que vous évitez les saignées à chaque maladie un peu violente.

C’est aussi comme cela que, Maya Beauvallet, Maitre de conférence à Télécom Paris, se délecte dans un massacre à la tronçonneuse du management par objectifs et autres stratégies de motivation. A la lecture de son texte, le tir d’artillerie précédant le D-Day était, en comparaison, un jeu d’amateurs. Bref, son travail est particulièrement politiquement incorrect mais hautement rafraîchissant et stimulant.

Au départ, un constat : les managers ont tout faux et n’ont rien compris à la motivation des salariés (bon je caricature un peu mais je n’ai pas 150 pages devant moi !). En résumé, les indicateurs de performances sensés nous guider et nous motiver pour plus d’efficacité, sont des outils tellement puissants que l’esprit humain finit toujours par développer des contre-mesures. Le constat est parfois accablant : on ajuste son comportement en fonction des indicateurs, mais pas forcément dans le sens souhaité par les créateurs dudit indicateur. En d’autres termes, le management se fourvoie lorsqu’il prétend pouvoir influencer les comportements par des indicateurs chiffrés. L’homo sapiens est bien plus sapiens qu’on ne le pense. Dans la stratégie de la carotte et du bâton, il va développer des tactiques d’esquive pour croquer la première et éviter le second, tout en faisant croire le contraire.

La prime à la carotte

L’argent tuerait-il le plaisir ? Pour les économistes, il y aurait 2 moteurs à la motivation : celui lié à la satisfaction naturelle de la réussite et celui piloté par la gratification financière qui l’accompagne. La pensée dominante suggère un effet Kiss Cool : les deux moteurs s’additionneraient systématiquement et l’on obtiendrait alors un optimum d’efficacité. Or, nous réagissons de façon bien différente ! Faire rentrer du marchand dans le champ du plaisir naturel de réussir, ou pire ; dans celui de la morale et de l’éthique peut devenir très contre-productif. Une étude sur l’efficacité de la collecte de sang qui est gratuite en Grande-Bretagne ou en France mais rémunérée aux USA, montre un bien meilleur résultat en Europe , la « récompense monétaire » étant considérée comme dégradant le geste du don. Gagner plus, peut inciter dans certains cas … à en faire moins ! Et oui mon bon monsieur « la vertu n’a pas de prix ».

Le dilemme des déménageurs de piano

Si l’incitation individuelle a des limites autant valider la performance de l’équipe. Patatras ! Il y a encore des biais. Le déplacement de piano, en est une illustration. La qualité du déménagement est liée à l’efficacité du binôme de déménageurs, car un piano, « c’est pas une guitare » : il faut s’y mettre à deux ! De fait, la stratégie de récompense individuelle ne fonctionne pas. Mais le hic, c’est que le « bon » déménageur trouvera la récompense insuffisante face à son mérite. C’est le « blues des meilleurs » qui, par la pression du groupe, sont priés de ne pas « casser les cadences ». Dans ce type d’incitation, la démotivation des bons s’accentue plus vite que la remotivation des moins bons.
L’indicateur collectif trouve toutefois une véritable utilité dans une population relativement homogène : efficacité assurée à 100% dans une armée de clones.

La stratégie du salami

Si les indicateurs individuels ont des effets pervers, si le collectif tire vers le bas, il reste encore dans l’arsenal, le relatif : on pense pouvoir stimuler le travail des moins bons en récompensant les meilleurs. En gros, c’est le principe de la compétition sportive où tout le monde veut monter sur le podium. Mais ceux qui connaissent le tournoi des 6 nations savent par expérience qu’il y a deux solutions pour gagner : courir plus vite ou … faire de l’obstruction ! L’indicateur relatif doit donc être construit en pensant aux possibles dérives à moyen terme. L’oublier c’est se retrouver dans la position de cette charcuterie industrielle où l’efficacité relative était basée sur le nombre de tranches de salami produites par salarié. L’indicateur s’envolait mais le résultat de l’entreprise restait désespérément identique car il suffisait pour répondre à l’objectif de découper des tranches de plus en plus fines.

Ne jamais remettre au lendemain ce qui pourra être fait dans six mois !

Connaissant par cœur toutes ces perversions du système, le manageur moderne croit avoir trouvé la solution dans le management par objectifs, MPO pour les intimes. En résumé, le MPO crée une rémunération non linéaire dans le temps (la part variable) en fonction de l’atteinte des objectifs. Face à lui, l’Homo sapiens a compris depuis la nuit des temps que toute action doit être arbitrée pour maximiser le ratio efficacité/utilité … c’était vrai pour la chasse au bison, cela le reste en MPO ! Homo sapiens va donc choisir le « bon moment » pour faire l’effort. Trop tôt avant la date de l’évaluation, la récompense est trop lointaine, après l’évaluation, c’est évidemment trop tard. D’où l’apparition d’un effet yoyo où la productivité à tendance à se synchroniser sur les périodes d’évaluation/récompense.
Reste enfin les effets colatéraux : l’incitation sur un indicateur, c’est par nature négliger les tâches non mesurables mais c’est aussi la montée de l’individualisme.

J’avoue avoir bien ri mais être ressorti un peu KO de ce « bêtisier de la performance » remettant dans une autre perspective des « certitudes du bien manager ». Toutefois, comme dirait un beau brun ténébreux face à une innovante cafetière : What else ? Et c’est là que notre Maya de Télécom Paris nous assène quelques vérités.
Il ne faut pas tuer les indicateurs mais comprendre leurs limites et leurs imperfections et admettre qu’ils ont une tendance naturelle à pervertir les vrais objectifs.
Méfiez-vous des batteries d’indicateurs faciles à suivre mais qui font oublier les fondamentaux de l’entreprise.
Enfin, le meilleur indicateur reste l’observation de visu de ce qui se passe sur le terrain. Les indicateurs de performance sont des instruments de pilotage qui ne doivent pas faire oublier de piloter. Gérer la motivation, c’est avant tout comprendre les ressorts délicats et complexes du lien social. Et tant pis pour ceux qui croient encore au fantasme du pilote automatique en entreprise !

Vous pourrez à votre tour, si l’aventure vous tente, parcourir « les stratégies de l’absurde », ouvrage paru au Seuil, après vous être délesté de 14 euros, non remboursés par la Sécurité Sociale. Je suis sûr que vous ne piloterez plus tout à fait comme avant.

Un Livre de la Sagesse, je vous dis !

jeudi 2 avril 2009

La Joconde, championne mécatronique !

Connaissez-vous La Joconde ?

J’en étais certain ! A votre regard effaré, je sais que vous pensez que le rédacteur de cette chronique a une nouvelle fois disjoncté. Bien sûr que vous connaissez Mona Lisa dont la célébrité est inversement proportionnelle à la ridicule superficie du tableau la représentant. Point focal du Louvre, enjôleuse de premier ordre des nippons photographes et autres flots de touristes autocaristes, star quasi hollywoodienne des livres d’histoire de l’art et autres cartes postales suggérant au destinataire que, non vos vacances, ce n’est pas que du repos mais aussi de la vraie Kulture, la Joconde est LA référence absolue. Un pèlerinage à la Joconde, c’est sans problème 10 points de QI ou 20% de ventes en plus.

Mais si je vous regarde droit dans les yeux, non pas comme la Joconde qui observe derrière votre épaule (si, si, c’est vrai, faites le test), et que je vous demande à nouveau, connaissez-vous réellement la Joconde ? Vous êtes-vous demandé ce qui fait que ce tableau n’est comparable à aucun autre ?

Ok ! Joker !
Vous avez le droit d’aller chercher une reproduction dans votre vieille encyclopédie en 20 volumes ou sur votre internet technologique Wifi 802.11.
Alors, d’où vient cette exubérante admiration ? De ce demi sourire ? De ces yeux qui semblent vous suivre dans vos déplacements ? De cette délicate impression de flou crée par une admirable maîtrise du sfumato ? De ce drôle d’arrière plan d’où sortent un petit pont et un chemin venu de nulle part et repartant on ne sais où ? De cette ligne d’horizon assez perturbante, qui change de hauteur suivant que l’on regarde à droite ou à gauche de l’altière silhouette ?
Isolez chacun des éléments. Ils sont traités à la perfection par un grand maître de la Renaissance mais aucun ne semble emporter l’avantage décisif. Supprimez le supposé accessoire comme, par exemple, le paysage avec son éclairage rasant et le visage perd soudain de l’épaisseur. Tout fonctionne comme si la perfection venait d’un équilibre imperceptible entre des éléments insignifiants, la beauté ressortant de l’ensemble et non des détails, fussent-ils traités avec la plus admirable technique.

C’était le quart d’heure cultivateur de neurones artistiques. Revenons à du solide argument d’ingénieur.

Connaissez-vous la mécatronique ?

« Mais pour qui me prend-il ? » vous dites-vous dans votre fort intérieur. « Passe encore pour la Joconde, mais la techno, fût-elle mécatronique, c’est notre domaine. Il y a 10 ans, je veux bien, mais aujourd’hui la mécatronique, on en parle partout. Un syndicat professionnel s’est créé. Des normes s’écrivent. Des formations initiales se revendiquant mécatronique se déploient un peu partout en France, tant et si bien que si on les représentait par des points rouges sur une carte, nul doute que l’on diagnostiquerait une contagieuse rougeole mécatronique. L’argument marketing mécatronique commence même à avoir une certaine valeur et on peut « vendre mécatronique » sans effrayer le chaland. Alors oui, 100 fois oui, je connais la mécatronique ».

Mais si je vous pose à nouveau la question en donnant du poids à chacun des mots, aurez-vous la même assurance ? Etes-vous certain que votre maîtrise électronico mécanicienne soit la source d’une véritable exigence mécatronique. D’aucun, qu’il soit de la filière cambouis ou de la filière court-circuit croit posséder le sésame absolu. Mais cette satanée mécatronique ne se laisse pas maîtriser aussi facilement que l’on voudrait le croire. Certes, il est possible de sortir de bons produits, comme il existe de bons peintres du dimanche. Mais le chef d’œuvre, celui qui donnera un véritable avantage concurrentiel, celui là, s’abordera avec modestie, en oubliant les technologies de base pour revenir au système complet. La grande mécatronique se vit par les fonctions et … les fondamentaux de la physique. Etre capable d’englober le tout, le « macroscopique », en ignorant, dans un premier temps, les technologies du « microscopique », voilà bien la touche des rares « Léonard » de la mécatronique.

Il est toujours facile de trouver des experts capables de vous expliquer chacun des 100 centimètres de mètre, mais combien ont la vision du tout ? C’est le message que nous rappelle la mécatronique : pensez d’abord le global avant de chercher des solutions de détail. C’est, sans aucun doute, le point central que devront aussi aborder les futures formations en mécatronique, loin de l’hyper spécialisation.

J’avais écrit, il n’y a pas si longtemps, que la mécatronique était arrivée dans l’age adulte : une erreur flagrante ! La débauche d’énergie et l’exubérance des solutions actuelles me font plutôt penser à la période ado ! Mais laissons s’exprimer sans retenue cette force créatrice en action. Il sera toujours temps d’écrire le « Da Mecatroni code », lorsque la sagesse des systèmes aura suffisamment infusé. Attention ! Chef d’œuvre en devenir.

mercredi 18 mars 2009

A 10 LETTRES DE DISTANCE …

3 évènements très différents et pourtant très liés entre eux me donnent l’occasion d’une newsletter printanière.

- 18 mars, ce jour : une GRANDE ENVIE comme disent toutes les banderoles. Une envie qui devient réalité puisque Annecy et la Haute-Savoie sont officiellement retenues pour représenter la France à la candidature aux jeux olympiques d’hiver 2018. Je ne voudrais pas me lancer dans des commentaires tarte à la crème, mais je peux vous assurer qu’un torrent d’énergie qui grossissait depuis quelques mois dans toutes les montagnes entourant le souverain Mont-Blanc, emportait ce midi, pour quelques instants, la morosité et l’inquiétude associées à la crise ambiante.

- 11 mars, une semaine plus tôt : une autre GRANDE ENVIE de réussir. Thésame et ses partenaires recevaient au Palais Brongniart, à Paris, devant 400 dirigeants d’entreprises, la médaille d’or innovation et qualité achat pour le projet Praxis. Une histoire fabuleuse puisque le « petit Poucet » Thésame était primé au même titre que Thalès, Essilor, Natixis ou la SNCF. Une histoire fabuleuse, car ce résultat est le fruit du travail de pionniers visionnaires : entreprises donneurs d’ordres de premier rang (BioMerieux, Bosch Rexroth, Salomon, Schneider Electric, SNR, Somfy), d’un club de fournisseurs PME innovants ,de laboratoires de recherche (G-SCOP associé aux CERAG et OEP) et d’un pôle de compétitivité qui sort des sentiers battus (Arve industries). Une mayonnaise improbable qui réussit par la volonté commune de créer un standard facilitant la co-conception innovante entre fournisseurs et clients.

- 9 février, 40 ans plus tôt, une GRANDE ENVIE de s’envoler qui permet, pour la première fois, à un 747 de quitter le tarmac d’une piste dans l’Ouest américain. Là aussi, une étonnante épopée qui mérite quelques lignes et qui commence sur un terrain de golf où le visionnaire PDG de la Pan Am, Juan Trippe tente de convaincre l’audacieux patron de Boeing, William Allen, de construire un avion de 500 places pour répondre à la croissance du trafic qu’il voit tripler en 15 ans.
Une folie, quand on sait qu’à l’époque Boeing « dormait » sur un tas d’or avec sa rente de fourniture des B52 à l’armée américaine et le succès du Boeing 707, un jet civil précurseur dans bien des domaines. Oui, mais il faut se méfier des situations acquises, en l’occurrence la perte en 1965 du marché du gros porteur militaire, le C5a, au profit de Lockheed. Boeing revoit alors sa stratégie en se positionnant massivement sur le transport civil. Les défis sont colossaux puisque le projet pharaonique qui répondra au surnom de Jumbo, n’a jamais été imaginé par un quelconque constructeur. Il faut tout inventer : une cabine capable d’accueillir 500 passagers alors que le « gros » B707 en abrite 180. Des moteurs pouvant faire s’envoler une masse de 160 tonnes … à vide. Une usine géante, construite en 16 mois, où, dit-on, des nuages se forment parfois dans les hangars.
Mais l’envie de réussir et là et les salariés de Boeing, surnommés les « incroyables », réussissent des miracles … et un premier vol de 76 minutes, moins de 4 ans après le démarrage du projet.

3 histoires,
3 envies,
3 mobilisations massives des énergies et de l’intelligence collective.
3 réussites qui nous rappellent que l’on doit impérativement regarder vers les raisons d’espérer, car ce sont elles qui nous font avancer.


Et puis, si l’ENVIE fait partie des 7 péchés capitaux, il y a, à 10 lettres de distance du E de envie, le P de passion.

… Et la Passion a toujours raison !

mardi 17 février 2009

Vous êtes désirable !!!

Les informaticiens sont devenus en quelques années de redoutables joueurs de scrabble. Il est loin le temps du « bug » (6 points), ou plus récemment du blog ou du spam (tous les deux à 7 points). Voici venir l’ère du buzz, qui, avec ses 4 lettres, affiche fièrement 24 points, pouvant, avec un peu de chance et un mot compte triple, dépasser largement les 70 points ! Non vraiment, en rapport coût performance, il n’y a pas mieux que le buzz et certains l’ont bien compris !

Mais au fait, c’est quoi un buzz (prononcez « beuz »), vue que parmi les honorables lecteurs de cette newsletter, il n’y a pas que des bilingues français – Google ?

Le buzz est le résultat du mariage harmonieux du hoax, du blog et du spam.

Je vous vois déjà pâlir ! Vous avez décroché ! Le langage à la mode Internet est devenu hermétique. C’est normal. Tout clan se croit obligé de créer sa propre langue de spécialiste. Ne rigolez pas : vous faites de même.

Le hoax, c’est la rumeur diffusée sur la toile. Vous savez, celle à laquelle on se fait prendre au moins une fois et que vous rediffusez avec la plus grande bonne foi vers votre carnet d’adresse, ne faisant ainsi qu’amplifier ladite rumeur (exemple type : l’hôpital X qui a besoin en urgence de sang YY pour sauver la petite ZZ).

Le spam, lui, vous l’endurez, car il encombre vos boîtes aux lettres de messages de publicité.

Le blog enfin s’apparente au journal intime, sauf qu’il est ouvert à tous et que les internautes peuvent commenter vos messages. Il y a des blogs « fleur bleue », des blogs politiques, des blogs technologiques et bien d’autres encore. Et certains bloggeurs sont devenus de véritables maîtres à penser et de redoutables faiseurs d’opinion.

C’est là qu’a germé dans la tête des marketeurs, l’idée d’utiliser les bloggeurs pour hoaxer la bonne parole vers les communautés hyper spécialisées : le rêve devenu réalité avec un cœur de cible atteint à 100%. En utilisant le Buzz, comme un hoax « positif », on s’approprie les moyens les plus modernes du marketing viral ! Ce n’est plus la société qui prêche la bonne parole mais la communauté des internautes. C’est comme les chaînes épistolaires de notre enfance où l’on devait renvoyer un message à 10 amis, sauf que là, les amis sont des milliers.

Prenons 3 exemples.

Le « buzz de promesse » est admirablement maîtrisé par l’enseigne à la pomme, fabricante du Mac et autres gadgets technologiques. Le i-phone en est le dernier exemple. Comment vendre, en effet, un nouveau concept de téléphone qui, très accessoirement, sert à téléphoner. Steve Jobs jouait sur du velours car ce qui caractérise les Apple-maniaques, c’est leur technophilie exacerbée et leur appartenance quasi initiatique à la secte des croqueurs de pomme. Bref il a suffi de distiller vers les bloggeurs les plus influents quelques infos exclusives dans les 6 mois précédents la sortie de l’objet déjà choyé et, par le miracle de la contagion Interneto-virale, l’achat frénétique était quasi assuré. Encore fallait-il que le gadget tienne ses promesses, mais là, c’était la culture maison qui était à l’œuvre.

Cas plus surprenant, le « buzz de tendance » qui va d’abord surfer sur une attente sociétale. L’exemple type est le manger sain. Le gras est à bannir, l’essentiel est dans l’entretien du corps et tant pis si notre gastronomie en prend un coup ! La frite, compagne de toujours de notre steak national doit déguerpir de l’assiette et au plus vite … sauf si on peut réussir des frites sans matière grasse. Surfer sur cette tendance du sain, voilà qui a dû donner bien des maux de tête aux ingénieurs du groupe Seb … mais voilà, ils ont réussi leur coup. Connaissez-vous Actifry, la friteuse sans huile ? Non ? Et pourtant c’est l’un des tous derniers grands succès de l’electro-ménager. Des ventes d’un produit grand public qui explosent presque sans publicité : possible en mariant une véritable innovation technologique avec un incroyable buzz sociétal. Hormis la qualité intrinsèque du produit, je suppose que la rapidité du succès fait suite à un repérage des gourous ménagers et autres Weight Watcher, et à une « instillation », en avance de phase, d’une information privilégiée et crédible (Tefal du même groupe avait déjà fait le coup de la poêle qui n’attache pas, même sans huile). C’est là toute la magie des nouvelles technologies, qui permettent à l’information d’aller là où elle sera audible. Faites un tour sur Internet et vous serez surpris par le nombre de forums parlant de cette friteuse hors du commun. Car au-delà du buzz, les designers ont aussi joué un rôle essentiel. Dans la friteuse à panier de nos grand-mères on voyait l’huile dorer progressivement la patate découpée. Avec l’ère du manger moins gras, la friteuse est devenue hermétique et sans odeur : on cache le gras. Aujourd’hui, la friteuse sans huile se pare d’un immense hublot afin de pouvoir montrer, avec fierté, la magie opérer ! (Bon j’arrête là ma campagne de pub, sinon cela va paraître suspect. Toutefois, cher Monsieur SEB, pour la commission commerciale, vous pouvez m’appeler à tout moment !)

Reste afin le « Buzz de rêve » ! Lorsque M. Harold, nom bien évidemment inventé, responsable d’un office de tourisme, est rentré dans une agence de publicité, il a dû en étonner plus d’un. Voici une tentative de reproduction du dialogue qui a pu exister.
- Bonjour M. Harold. Que puis-je pour vous ?
- Je voudrais faire de la publicité
- C’est normal, nous sommes là pour ça ! Et qu’elle est votre cible client ? La région ou le pays ?
- Non, le monde entier et en plus je veux avoir les meilleurs créneaux en « Prime Time ».
A l’intérieur de l’agence, je pense qu’à ces mots, un court instant de silence absolu a dû parcourir les bureaux.

Retrouvant son professionnalisme, l’agent a sans doute expliqué, de manière docte et courtoise, le coût d’une campagne mondiale qui se chiffre en un sacré paquet de millions de dollars et que seuls quelques majors peuvent se payer.
- Et vous, Monsieur, votre budget est de combien ?
- 100 000 dollars et pas un de plus.

Vous pensez que tout cela n’est que délire. Et Pourtant M. Harold a eu tous les prime time du monde et, en plus, hors des fenêtres de pub, lui assurant de fait une notoriété exceptionnelle.

M. Harold est responsable de l’office touristique de Queensland en Australie et a « inventé » le métier de gardien de la grande barrière de corail rémunéré 76500 euros + villa de fonction. Avec ce rêve à l’allure de fantasme universel, le buzz a fait rapidement le tour de la planète, relayé par toute la presse, créant pour moins de 100 000 dollars une notoriété à faire pâlir de jalousie les Coca Cola et autres Procter et Gamble.

Le Buzz est de fait, une arme redoutable au service des entreprises qui savent le maîtriser. Outil idéal dans un monde où la crise économique réduit de manière drastique les budgets de communication, son emploi avec succès nécessite toutefois de respecter deux règles :
- Etre le premier a avoir la « bonne idée ». Le buzz est unique. Il n’y aura qu’un buzz i-phone et les autres i-machins de Samsung, LG et autres Nokia ne pourront profiter du même impact.
- Etre capable de tenir la promesse évoquée dans le buzz, sinon gare au tsunami en retour, dont la puissance destructrice sera dévastatrice pour l’image de la société. Car un buzz marche dans les deux sens.

Le buzz aujourd’hui est encore balbutiant. S’il connaît ses premiers succès vers le grand public, il reste à inventer le buzz des marchés Pro. Mais l’objectif est le même, car, qu’il soit adepte des linéaires de grandes surfaces ou acheteur de grand groupe, vous serez toujours heureux lorsque votre client, parlant de votre nouveau produit, s’exclamera enfin : « vous êtes désirable »

lundi 5 janvier 2009

Crise : la faute à la Playstation ?

La vie est trop dure pour les ingénieurs ! Leur créativité est totalement bridée par le bon vouloir de Dame Nature. Et les preuves à charge sont innombrables :

• Impossible de faire voler un avion sans tenir compte des lois de la portance, au risque de devoir subir les sévères effets du décrochage.
• Difficile de bâtir des arches élancées en oubliant les règles de résistance des matériaux (RdM).
• Arrachage de cheveux sur le crâne en perspective pour ceux qui viseraient un rendement de 100% pour les moteurs, contraire aux basiques du cycle de Carnot.

Non vraiment, les 9,81m/s2 et autres constantes de la physique sont de redoutables blocages aux esprits innovateurs.

Heureusement, il est facile pour ces brillants neurones de s’évader dans les mondes virtuels des jeux vidéo où tout est permis :

• Des véhicules fonçant dans des obstacles à 200 km/h redémarrent allègrement.
• Le héros sautant d’un gratte-ciel de 300m, renaît, tel un phénix, après s’être écrasé avec moult effets de jets d’hémoglobine.
• Le skieur effectuera un sextuple saut périlleux vrillé au risque de rendre caduque tous les exploits olympiques des vingt prochaines décennies.

Ces étonnants faits d’armes sont connus et expérimentés par bon nombre de lecteurs de cette chronique qui ont baigné, dès leur plus jeune âge, dans cette dualité entre le réel sanctionné par les Ro, Pi et autre Mu, et le monde virtuel où les vies nouvelles s’achètent à coup d’épreuves.

Gare au retour à la réalité : les professeurs de mécanique vous raconteront les expériences mémorables de jeunes étudiants maniant avec dextérité les outils de conception assistée par ordinateur afin d’obtenir de splendides modèles en 3D … totalement infabricables.

Mais bon, la sanction est rapide grâce aux constantes physiques de Miss Nature.

Si je vous parle de ces mondes virtuels, c’est que je suspecte que la crise actuelle y trouve ses racines. Certains ont comparé le crash financier à une Bourse Casino. Le problème de cette image est que l’on considère que seul le hasard, ou les statistiques aléatoires sont en action. Or J’ai beaucoup plus l’impression que nous sommes dans une « crise Playstation » … et je m’explique.

Dans le secteur financier, création pure de l’esprit humain, la nature n’étend pas ses bras vigoureux de constantes-contraintes. Il est ainsi possible de construire des modèles mathématiques de plus en plus sophistiqués, décrivant de manière de plus en plus précise les tendances d’un indice boursier … tout en se décorrélant de la création de valeur dans le monde réel. Ainsi voit ont apparaître, par exemple, des flux de matières premières virtuelles dont les volumes sont parfois 10 fois plus importants que le marché réel. Et l’on arrive ainsi au yoyo du pétrole passant de 100 à 140 puis à 40 dollars par baril ou à des valeurs boursières plongeant de 40%.

Il est fascinant de voir combien les écrans des salles de marché, reflétant théoriquement l’extérieur, peuvent faire écran au monde de tous les jours. A force de dérivées et d’intégrales, les histogrammes et autres courbes boursières, finissent par faire croire qu’un mode de 0 et de 1 simule au plus près les besoins du consommateur. Des wagons de mathématiciens ont foncé dans cet eldorado … et ont finalement fait de grosses bêtises, non que leurs modèles soient faux, puisqu’ils sont scientifiquement parfaits, mais parce qu’ils ont oublié de recréer les constantes physiques qui nous régulent dans la vraie vie.
Les prévisions d’un marché, fût-il financier, relève d’une précision « météorologique » : par flux d’Ouest bien établi la prédiction est quasi parfaite mais par tempête d’équinoxe, gare aux erreurs profondes.

Que l’on me comprenne bien, il n’est pas question de refuser des outils qui permettent de se protéger contre les variations de change et les évolutions de prix de matières premières ou qui ont contribué à fluidifier les échanges à l’échelle de la planète. Mais il faut savoir raison garder.

Les modèles ne feront que reproduire les erreurs de leurs concepteurs, souvent en les amplifiant. Mais tout comme dans un jeu vidéo, on peut continuer à « vivre » tant qu’il n’y a pas une confrontation violente avec le réel : on fait des bulles. Bulle Internet à la fin des années 90, bulle du crédit immobilier aujourd’hui ! Dans les deux cas, le fantasme clinquant du virtuel a pris le pas sur le sérieux austère de la réalité. C’est avec une gigantesque Playstation à l’échelle de la planète que certains ont voulu jouer, sauf que le coût du bouton « RESET » sur lequel nous devons appuyer aujourd’hui est prohibitif.

Alors espérons que nous serons assez raisonnables pour enfin créer, comme Dame Nature, nos propres RdM (régulation de marché). L’innovation des produits financiers sera peut-être moins grande, mais ces derniers auront l’avantage de rester liés à notre réalité économique.

Quand à la Playstation, gardons la pour nous évader du réel : elle n’a pas sa place ailleurs !